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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 96, novembre-décembre 2014

Italie : Mobilisations contre la politique anti ouvrière de Renzi

20 novembre 2014 Convergences Monde

Le mois d’octobre a vu de fortes mobilisations pour s’opposer aux nouvelles attaques dirigées contre les travailleurs de la part du Parti démocrate au gouvernement. En effet, le Président du Conseil, Matteo Renzi, a décidé de réformer le marché du travail en instituant un « Jobs act » : nom qu’il a donné à la réforme du Statut du travail (le code du travail italien).

Le « Jobs act » : les droits des travailleurs à la moulinette

Parmi les mesures envisagées, la plus contestée est la suppression de l’article 18. Celui-ci, institué en 1970 dans une période de grandes luttes de la classe ouvrière italienne, stipule que, dans les entreprises de plus de quinze salariés, le juge doit ordonner la réintégration des travailleurs si le licenciement est considéré comme étant abusif. Depuis le début des années 2000, les gouvernements successifs ont tenté à plusieurs reprises de réformer cet article. Aujourd’hui, en prétendant que c’est un archaïsme et un frein à l’embauche, Renzi voudrait le supprimer purement et simplement.

L’article 18 concerne en fait un peu plus de la moitié des salariés et, l’an dernier, il n’y a eu que 3 000 ordonnances liées à son application sur un total de 900 000 licenciements, individuels et collectifs, et le « Jobs act » contient bien d’autres mesures anti-ouvrières. Mais, en voulant supprimer l’article 18, Renzi veut démontrer, comme il l’a dit lui-même, qu’il n’y a aucun « tabou » dans la remise en cause des droits des travailleurs.

L’« opposition » parlementaire...

La « gauche de la gauche » (en Italie, c’est plutôt la gauche du centre-gauche) a tenu à se démarquer du gouvernement. Au sein du Parti démocrate lui-même, une minorité a critiqué avec véhémence la politique de Renzi en affirmant qu’il était hors de question de voter cette réforme… en l’état. Mais lorsque, le 8 octobre, celui-ci a refusé de soumettre les amendements proposés par la « gauche » du PD et a demandé la confiance du parlement, ces « frondeurs » italiens sont rentrés dans le rang en votant oui, à l’exception seulement de deux sénateurs qui ont quitté l’hémicycle au moment du vote, tandis qu’un troisième annonçait sa démission... aussitôt après avoir voté la confiance.

… Et celle de la rue

Les premiers à s’y mettre ont été les étudiants, professeurs et précaires qui ont manifesté le 10 octobre à près de 100 000 dans 90 villes d’Italie contre les mesures d’austérité (il est question d’une coupe budgétaire de 900 millions d’euros pour l’enseignement dans la « loi de stabilité ») et contre le « Jobs Act ». Ce jour-là, à Terni, en Ombrie, 200 étudiants se sont joints à la manifestation des travailleurs des aciéries Ast, propriété du groupe Thyssen-Krupp, en grève contre 537 licenciements, sur les 3 000 salariés.

Les jours suivants ont eu lieu une série de « grèves générales régionales » à l’appel de la FIOM (la Fédération de la Métallurgie de la CGIL : Confédération Générale Italienne du Travail), par exemple en Émilie-Romagne, dans le Piémont ou à Terni, où toute la ville s’est arrêtée en solidarité avec les travailleurs des aciéries Ast ; y compris les commerces et les bars qui étaient fermés...

La manifestation de Rome

Le point fort de cette contestation devait être, le samedi 25 octobre, une manifestation nationale à Rome, à l’appel de la CGIL. Des centaines de milliers de travailleurs, retraités, chômeurs, jeunes, venus de toute l’Italie, ont répondu présents (la CGIL a cité le chiffre d’un million de manifestants). Les « frondeurs » du Parti démocrate étaient également là, qui se sont vu parfois prendre à partie, expliquant qu’ils n’étaient pas venus manifester contre le gouvernement mais pour la défense des travailleurs. Lors du meeting final, Susanna Camusso, secrétaire générale de la CGIL, a vaguement exprimé la nécessité de poursuivre la mobilisation « ... y compris par la grève générale ».

On peut douter de la volonté de la direction de la CGIL, liée au Parti démocrate, de chercher à créer les conditions d’une réelle contre-offensive de l’ensemble du monde du travail, même si Maurizio Landini, secrétaire de la FIOM, qui se veut l’aile gauche du syndicat, cherche à se donner des allures plus radicales. Jusqu’à présent, la CGIL, comme les autres confédérations syndicales, a accepté de se prêter au petit jeu de la concertation avec le gouvernement et le patronat. Et, dans le passé, lorsqu’elle a mobilisé largement les travailleurs, comme en 2002 quand elle avait rassemblé une foule de trois millions de manifestants au Circo Massimo à Rome (même si ce chiffre est sans doute exagéré), cette mobilisation est restée sans suite.

Et après ?

Une grève nationale est prévue le 14 novembre à l’appel, pour l’instant, de la FIOM et des syndicats de base avec une manifestation à Milan. Et la FIOM a évoqué l’éventualité d’une nouvelle journée de grève le 21 novembre.

2 novembre 2014, Thierry FLAMAND


« J’étais à la manifestation organisée à Rome par la CGIL, le 25 octobre… »

Nous avons reçu le courrier suivant d’une lectrice italienne :

« … Comment ne pas ressentir l’émotion de se trouver si nombreux, sur la place « historique » San Giovanni ? Et le rouge des drapeaux m’a rempli le cœur. J’ai parcouru le cortège en observant tous ces manifestants venus du nord au sud de l’Italie, représentant leur histoire et la réalité dans laquelle ils vivent... Et ce sont des histoires qui, en ce moment, se confondent et se ressemblent toutes.

J’ai eu la sensation, en regardant ces visages, en écoutant les chansons de lutte et les slogans criés avec colère, que nous étions vraiment une force commune. Ensuite est venu un malaise parce que, avec les travailleurs, défilaient aussi Les Epifani, Civati, Cofferati, tous ces politiciens du PD qui descendent un jour dans la rue mais qui soutiennent en permanence le gouvernement par leur vote et leur ambiguïté. Camusso, la secrétaire de la CGIL, je n’ai même pas écouté son discours jusqu’au bout ; elle a commencé par des phrases rituelles sur la nécessité de continuer la mobilisation, en dénonçant les « méfaits » de Renzi, puis elle a dit « nous continuerons encore à pratiquer des grèves articulées… [1] et si cela ne suffit pas, la grève générale »... Comme si, depuis tant d’années, ces « grèves articulées » avaient empêché qu’aujourd’hui le Statut du travail soit devenu lettre morte. À commencer par la suppression de l’échelle mobile. À cette époque, faisant partie de la minorité de la CGIL, j’ai déchiré ma carte lors d’une assemblée publique, parce que, pour moi, cela signifiait le début des concessions de la part d’un syndicat, qui aurait dû se souvenir des sacrifices des hommes et des femmes qui s’étaient battus pour l’obtenir.

Je me suis souvenue que, sous le gouvernement Monti (dans lequel la ministre du Travail Fornero a fait la loi la plus scélérate de ces dernières années), Camusso « haranguait » le matin, et se faisait photographier le soir, tout sourire, à l’issue de négociations dont le résultat final était toujours des reculs, en échange de quelques miettes...

À mon humble avis, s’il continue à manquer une force politique communiste, capable de transformer les « conflits sociaux » en lutte de classe, nous sommes fichus. Parce que le film, cela fait depuis les années 1970 qu’on nous le repasse et, comme disait Marx, « l’histoire se répète toujours deux fois : la première fois en tragédie et la deuxième en farce ».

Lina P. (Pérouse)


[1Grèves « articulées » : programmées les unes à la suite des autres par région ou par profession.

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