Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 71, octobre 2010

Forêt boréale québécoise : les capitalistes ratiboisent !

Mis en ligne le 23 octobre 2010 Convergences Monde

En 1999, « L’erreur boréale », un film documentaire de Richard Desjardins et Robert Monderie, révélait le sort fait à la forêt québécoise. Dévastée par des coupes sauvages, sans souci pour la protection de l’environnement, cette forêt, pourtant publique, était livrée par le gouvernement à la prédation de l’industrie forestière.

Le business du bois est une vieille affaire au Canada

Dès les années 1800, l’industrie britannique s’y approvisionnait pour moins cher qu’en Europe. Ce sont d’ailleurs les hommes d’affaires enrichis dans l’exploitation forestière qui fondèrent la Banque de Montréal en 1817. Puis la forêt canadienne servit à bâtir des villes, comme New York et Boston... Évidemment, les peuples autochtones et métis furent les premières victimes des compagnies (forestières ou minières), se voyant même dépossédés progressivement des parcelles de territoire promises.

Au cours du XXe siècle, avec une forêt qui recouvrait près de 40 % de sa surface et l’énergie hydroélectrique à volonté, le Canada fut le plus grand exportateur de bois (et dérivés) et un des plus grands producteurs de feuilles de papier du monde. Au début du XXIe siècle, le Canada est toujours un grand réservoir de ressources naturelles et d’énergies (eau, bois d’œuvre, gaz, pétrole dans les fonds bitumeux, uranium, ilménite/titane, fer, diamants, etc.). Mais cette immense forêt (pins blancs, sapins, épinettes/épicéas), qui semblait inépuisable, est sans doute irrémédiablement atteinte. Le pin blanc (menuiserie) est épuisé ; puis les coupes les plus rentables, à proximité des grands cours d’eau, se font rares ; il reste surtout du bois pour la pâte à papier. Mais le gouvernement canadien accorde des droits de coupe (concessions en échange d’une taxe minime) aux compagnies forestières. Dans les années 1950, la ville de Trois Rivières devint la capitale mondiale du papier : pas étonnant, forêt et électricité presque gratuites et travail des bûcherons à leur compte, pour rien...

Quand l’affaire devint un peu moins rentable dans les années 1970, les compagnies papetières obtinrent des aides du gouvernement et la possibilité d’exploiter la forêt plus librement. Les engins de plus en plus « efficaces » firent, au plus rentable, des coupes à blanc, laissant le terrain à nu. On laissait juste des bandes boisées sur les lisières (rivières, lacs, routes) des coupes pour « atténuer les impacts paysagers ».

En 1986, un bilan désastreux

La régénérescence de la forêt ne se faisait pas comme prévu ; on replanta des épinettes, mais la monoculture favorisa les épidémies (champignons ou insectes, qu’on n’hésita pas à détruire avec des défoliants largués par avion). Au point qu’on en arriva à une rupture des stocks. Malgré cela, en 1987, le gouvernement canadien continuait à concéder et garantir aux compagnies la ressource forestière (contrats d’aménagement forestiers pour 25 ans renouvelables !). Certes, des fonds publics devaient servir à replanter, débroussailler, reconstruire la forêt… mais le ministère de l’Environnement fut écarté du dossier, comme l’opinion publique. Par contre un ancien ministre des Ressources Naturelles (responsable des coupes de bois records) devint PDG du Conseil de l’industrie forestière : un genre de privatisation du ministère pour que les compagnies soient plus à leur aise pour continuer leur pillage.

Dix ans après, « toujours un cauchemar en forêt » [1]

Si ce n’est qu’il faut aller chercher le bois plus loin au nord, opération donc moins rentable, et les capitalistes de l’industrie forestière de pleurer des subventions auprès du gouvernement avec le chantage à l’emploi. Ils voudraient la quasi-gratuité des concessions, la prise en charge par l’État du coût de la construction des chemins d’accès, du reboisement, etc. Pourtant, c’est plus d’un milliard de dollars canadiens ($CA) que les trois plus grosses compagnies forestières ont distribué entre 2000 et 2005 à leurs actionnaires. Alors que la forêt publique était déficitaire de 118 millions de $CA en 2008, Québec versant aux compagnies papetières 351 millions et encaissant 233 millions en impôts et redevances de l’industrie des pâtes et papiers.

Dernière en date : la papetière multinationale AbitibiBowater qui a fermé cinq usines au Québec depuis 2007 (7 500 travailleurs sur le carreau). Elle s’est déclarée en faillite et menace de ne verser que 75 % de leur retraite à ses salariés, pour mieux négocier des aides du gouvernement. À force de pleurer la bouche pleine et de saccager la forêt, les compagnies forestières et papetières pourraient apprendre de quel bois la population canadienne se chauffe !

Élise MOUTIER


Sources :

  • Films documentaires de l’Office national du film du Canada.
  • « L’erreur boréale » (1999)
  • « Deux mille fois par jour » (2004)
  • Presse canadienne : Le Devoir, La Presse, Canoe-infos, « Au fil des évènements » – université de Laval à Québec.

[1« Toujours un cauchemar en forêt » , titre de R. Desjardins dans un article paru dans Le Devoir , en septembre 2010

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article