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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 71, octobre 2010 > Le chantage patronal à la mode

Le chantage patronal à la mode

Flexibilité, précarité, polyvalence… Vous n’imaginez pas tout ce que Peugeot-Citroën peut faire pour vous

Mis en ligne le 23 octobre 2010 Convergences Entreprises

La direction de PSA vient de présenter, le 4 octobre, au Comité Central d’Entreprise (CCE) son nouvel « Accord relatif à l’emploi et la flexibilité dans les sites industriels ». Après avoir supprimé 17 500 postes en France en 4 ans, – 20 % des effectifs sans compter les filiales, alors qu’elle avoue être assise sur 10,2 milliards de fonds propres – voilà qu’elle compte combler en production, à coups d’emplois précaires et sous-payés, les trous laissés par la destruction massive des emplois.

Le chantage : embauche contre flexibilité

L’accord, qu’elle voudrait faire signer par les syndicats, n’a d’autre but que d’instaurer un nouveau type de contrat : des CDD à temps partiels et à horaires totalement flexibles réservés aux salariés en travail de nuit qui viendraient, selon les besoins, doubler, voire tripler, les équipes existantes. Il s’agit, écrit la direction, de « développer la flexibilité (…) avec une équipe de nuit variable constituée de salariés PSA, plutôt qu’une nuit complète non durable entraînant un recours important à l’emploi intérimaire ». En bref, des brigades volantes encore plus économiques que l’intérim.

Effet d’annonce : la direction de PSA promet – en échange de cet accord – 900 « embauches » d’ici la fin de l’année. Ceux-ci s’ajouteraient, dit-elle, aux 1 100 CDI déjà annoncés pour 2011. Le chantage est un peu gros et son prix pour les salariés ne l’est pas moins.

Contrat bidon, sauf pour le patron

Il n’y a qu’à regarder le contrat : « contrat à durée déterminée », « à temps partiel » et « aménagé », avec clause de polyvalence.

Le temps de travail sera de 22 heures (au moins) par semaine en moyenne annuelle, avec 5 nuits de travail (ce qui signifie aussi les nuits de vendredi qui, à Peugeot Sochaux par exemple, devaient être libérées). Mais les horaires réels seront variables, pouvant aller de 0 à 40 heures par semaine au gré des caprices de la direction, avec un délai de prévenance d’une semaine. On ne pourrait pas vous faire venir pour un poste de moins de 4 heures : par contre, pour mieux ajuster la production, on pourra, la nuit même, vous annoncer que vous allez travailler plus longtemps que prévu (en « overtime »), dans la limite maximum de 1 h 30 par nuit et 4 heures par semaine : les ouvriers seront donc prévenus dans la nuit de l’heure à laquelle ils terminent.

Les heures sup ? On pourra vous en demander, appelées « complémentaires ». Moins de 10 % d’heures effectuées au-dessus du contrat fixé : elles seront payées au tarif simple, et ne seront majorées à 25 %, comme une vraie heure supplémentaire, qu’au-delà de ce quota. Mais attention, comme l’horaire est « en moyenne annuelle », il faudra attendre la fin de l’année pour compter et toucher ses heures sup.

Le salaire, lissé sur l’année, sera partiel, comme le temps de travail, et calculé sur la base de l’horaire moyen prévu au contrat. Ce qui voudra dire des salaires de moins de 1 000 € pour un travail de nuit.

Ajoutez à cela une clause de « polyvalence intersectorielle ». À Peugeot Mulhouse, par exemple, les ouvriers devront passer d’une 206+ à une C4, pour prétendument valoriser « les compétences ». Argument de vente : au bout de 12 mois, ce CDD pourrait être transformé en CDI, pour celui qui aura tenu le coup jusque là, et si le patron a besoin de lui.

Gauche, droite,…

À la lecture de tels contrats, on pourrait croire à une mauvaise blague si le principe n’en n’avait été introduit par la loi de janvier 2000, dite loi « Aubry », alors ministre, dans le cadre de la réforme des 35 heures. Dans ce texte, la durée effective du travail hebdomadaire pouvait varier de plus ou moins un tiers de la durée de référence. Par exemple pour un contrat de 20 heures hebdomadaires, la modulation s’opérait au maximum entre des semaines à 12 et à 26 heures. La loi du 20 août 2008 assouplit encore la loi Aubry, n’exigeant même plus ces limites : la durée hebdomadaire de travail peut varier de 0 à un plein temps de 35 heures, si un accord ne fixe pas d’autres limites. Celui que PSA propose pousse jusqu’à 40.

Désaccord clair et net

Bien des patrons se sont donc engouffrés dans cette nouvelle possibilité que leur offraient les lois de 2000 et 2008. Cela peut se faire sur la base d’« accords collectifs » ou, en l’absence d’accord, être décidé après avis des institutions représentatives du personnel (CE ou DP). S’il n’en existe pas, la seule initiative du chef d’entreprise ou la demande des salariés suffit.

La formule « accord collectif » choisie par PSA, avec un petit chantage aux embauches à la clé, a pour but d’associer les syndicats à la flexibilité et la précarisation. Ils se sont tous prêtés au jeu, sauf la CGT qui s’est dite ouvertement contre et la CGC qui a réservé son avis. Et FO, CFDT, CFTC, SIA, de vanter les avantages du projet en termes d’emplois prétendument induits.

Les travailleurs l’ont clairement rejeté : à PSA Sochaux, dans la nuit du 1er au 2 octobre, à 1 h 30 du matin, 130 ouvriers de l’équipe de nuit ont débrayé. Une pétition de la CGT contre l’accord avait déjà réuni 783 signatures sur les 850 salariés des équipes de nuit. À PSA Saint-Ouen : 300 signatures, dont la quasi-totalité de l’équipe de nuit, pour le même type de pétition. À noter que la section CFDT de Sochaux s’est déclaré en désaccord avec sa fédération : un syndicaliste CFDT déclare « On en a assez mangé de la flexibilité à Sochaux ». À Sochaux, comme ailleurs…

6 octobre 2010

Léo BASERLI

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