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En Allemagne comme en France : les cheminots sont en première ligne

11 octobre 2007

Le vendredi 5 octobre, la grève lancée par le syndicat corporatiste des personnels roulants de la Deutsche Bahn (GdL - qui avait lancé une grève en août, interdite par des tribunaux), a été largement suivie à l’échelle nationale. A la façon syndicale, c’est-à-dire de 8 heures à 11 heures du matin, qui plus est en respectant de nouveaux interdits de justice limitant la grève au réseau régional et banlieue – pour que les entreprises soient le moins pénalisées pour leurs marchandises sur le fret ou leurs cadres sur les grandes lignes. Le « bras de fer » continue, un peu mou néanmoins dans la mesure où le syndicat, après ces 3 heures de semonce, a reporté une éventuelle suite au mercredi 10 octobre.

Les raisons du mécontentement ne manquent pourtant pas : avec un salaire d’embauche inférieur à 2000 euros bruts, les conducteurs gagnent moins que dans beaucoup d’autres pays d’Europe. Le personnel roulant autre que conducteur gagne 200 euros de moins encore. Depuis la réforme de la Deutsche Bahn en 1994, les salaires effectifs ont chuté de 10 %. Dans le même temps, 180 000 postes ont été supprimés, avec une intensification du travail croissante pour ceux qui restent. Le syndicat GdL réclame d’ailleurs, non seulement une augmentation de salaire mais aussi une diminution du temps de travail.

Depuis que la Deutsche Bahn a changé de direction en 1999, les revenus de son staff dirigeant sont passés de 3,7 à 20,1 millions d’euros, soit plus que quintuplé ! Le nouveau chef Mehdorn a gagné pour la seule année 2006 autant qu’un conducteur en un siècle ! Ce qui n’empêche pas ces gens-là d’user de qualificatifs péjoratifs à l’endroit des conducteurs, traités de « privilégiés » ou d’« irresponsables ».

Une autre blague de la direction consiste à combattre la grève au nom des intérêts des usagers. A coup sûr, une grève des trains rend la vie difficile aux uns ou aux autres. Mais la direction des chemins de fer, en 10 ans de « réforme », a supprimé 5000 km de voies, fermé 400 gares. Pour rendre l’entreprise, introduite en bourse, plus rentable, ce ne sont pas seulement les cheminots qui ont été licenciés ou surexploités, mais les usagers qui dans de nombreuses régions ont été plantés là, sans transport ferroviaire.

Ces problèmes concernent évidemment tous les salariés des chemins de fer et pas les seuls personnels roulants. A commencer par les bas salaires. Ceux qui travaillent sur les chantiers de construction ou réfection des voies, entre autres à des tâches de sécurité où la moindre défaillance peut mettre en danger de mort, touchent des salaires bruts qui vont de 1021 euros dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale (à l’Est), à 1393 euros en Rhénanie-Palatinat. Ce qui montre les ambitions étriquées du syndicat GdL qui limite ses exigences au seul personnel roulant. Tous ensemble et toutes catégories confondues, les travailleurs du rail seraient plus forts.

Pourtant, en matière de division entre cheminots, le syndicat Transnet, affilié à la grande confédération DGB, porte des responsabilités encore plus lourdes, lui pourtant qui parle toujours d’unité nécessaire mais qui pour la circonstance se retrouve aux côtés de la direction contre une grève qu’il condamne. Transnet serait pour que « tous ensemble »… les cheminots se mettent à plat ventre devant les desiderata de la direction, et un accord salarial pourri qu’il a passé avec elle il y a peu.

La direction ne se prive d’aucun moyen contre la grève. Dont le recours aux tribunaux déjà utilisé en août. Il s’est trouvé encore cette fois une juridiction pour ordonner en urgence que la grève ne touche pas le fret ni les grandes lignes, sous prétexte de dommages « excessifs » pour l’économie. Le scandale fait tache d’huile, en particulier dans des cliniques berlinoises où des grèves d’avertissement ont été interdites sans que le syndicat soit même entendu. Sentence expéditive qui reste en vigueur jusqu’à des négociations fixées par le juge… à la fin octobre !

Reste la question de l’attitude d’un syndicat face à un tel référé. Doit-il s’incliner devant l’interdiction, et avec lui les travailleurs qui veulent se battre, parce qu’une sacro-sainte décision de justice a été prononcée dans l’intérêt des patrons ? Ou ne devrait-il pas chercher la voie de la poursuite du mouvement ? Et pourquoi pas une « grève illégale » ? Fait notoire : c’est dans l’air. Des discussions ont lieu dans les milieux syndicaux, à défaut encore de passages à l’acte. Il est à noter que la grande presse allemande titre ces derniers jours sur la « Streik ohne Warnung », la grève sans avertissement préalable.

Le pays en a connues, des grèves dites sauvages. A moins que ce ne soit tout simplement de vraies grèves. La combativité des roulants et la solidarité qu’ils trouvent auprès des autres cheminots comme de tous les travailleurs qui ont les mêmes problèmes de salaire et d’emploi, permettraient que les référés anti-grèves soient considérés pour ce qu’ils sont, des chiffons de papier. La classe ouvrière ne doit pas se laisser dessaisir de sa seule arme de classe : la grève.

Toni ROBERT

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