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Démagogie sans frontière politique

29 octobre 2005

Les expulsions vers le Maroc, par le gouvernement socialiste espagnol, des immigrés africains arrivés à Ceuta et Melilla a relancé dans les milieux politiciens français le débat, ou plus exactement les déclarations démagogiques, sur l’immigration.

À tout seigneur tout honneur, Sarkozy, qui ne passe pas une semaine sans nous servir sa soupe sécuritaire sur la délinquance et l’immigration, y est allé de sa dernière fanfaronnade. Pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé de 23000 expulsions dans l’année, il propose d’avoir recours à une contribution financière inattendue : taxer les patrons qui emploient des sans-papiers en les faisant participer au coût de leur expulsion, pour un montant allant de 5000 à 10000 euros, selon la nationalité du travailleur renvoyé et le prix du billet de retour ! Ces patrons, déjà légalement passibles de sanctions allant de 4500 à 15000 euros d’amendes et de 3 à 5 ans de prison, ne risquent rien. Il y a bien peu d’inspecteurs du travail pour constater les faits et beaucoup d’obstacles à l’enquête. Et nombre de grandes entreprises, à commencer par les chantiers publics et les entreprises d’État, utilisent, par le biais de sous-traitants du bâtiment ou du nettoyage, des immigrés sans-papiers, une main-d’oeuvre qui, sans droits, est contrainte à accepter les pires conditions de travail et salaires.

À cela, pas plus Sarkozy que Le Pen n’a envie de toucher. Mais le ministre de l’Intérieur tient à se distinguer un peu de son modèle, en promettant une politique anti-immigrés ferme mais juste et humaine, prétend-il.

Au titre de l’humanisme, il propose de n’expulser les collégiens ou lycéens sans papiers qu’en fin d’année scolaire ! Au titre de la justice, il découvre qu’il « ne serait pas anormal qu’un étranger puisse voter », s’il est là depuis plus de dix ans et pour les municipales seulement. Ni plus ni moins que ce que la gauche avait proposé il y a 20 ans et jamais fait.

Au titre de la fermeté, il y a les expulsions à tour de bras et les nouvelles mesures durcissant la possibilité pour les immigrés sans ressources de bénéficier de l’Aide Médicale d’État, cette prise en charge des soins pour ceux qui n’ont même pas de droit à la CMU. Et il y a la nouvelle propagande raciste faite autour de l’immigration à Mayotte. Dans cette île de l’archipel des Comores que l’État français, après intrigues, coups de force et tricheries électorales, a gardée dans son giron, les drames ressemblent à ceux de Ceuta et Melilla. Chaque année, 200 personnes au moins (venues de Madagascar ou des autres îles comoriennes beaucoup plus pauvres) périssent dans la traversée des 80 kilomètres de mer qui séparent l’île d’Anjouan de Mayotte. Ceux qui réussissent la traversée s’entassent dans des bidonvilles, travaillent pour des salaires de misère sans aucun droit à la sécurité sociale. D’où des frais médicaux à payer intégralement, en particulier 360 euros pour un accouchement, afin de dissuader les femmes qui voudraient que leur enfant, né sur le sol français, ait la chance d’avoir un jour la nationalité française. La barrière serait insuffisante au point que nos démagogues envisagent de refuser le « droit du sol » sur ce sol auquel l’impérialisme français a refusé l’indépendance.

Mais le Parti socialiste, qui aime prendre Sarkozy pour épouvantail, se place sur le même terrain.

Interrogé dans le journal Le Monde, le spécialiste du PS en matière d’immigration, Faouzi Lamdaoui, en charge de « l’égalité des chances », propose l’adaptation des autorisations d’entrées sur le territoire aux seuls besoins des patrons. D’une « régularisation ouverte à tout le monde », il n’est pas question. Elle ouvrirait, dit-il, « une spirale infernale ». Il prône donc une « régularisation raisonnée, fondée sur un diagnostic chiffré et annuel des besoins, [...] des négociations avec les employeurs, en liaison avec l’ANPE, pour s’assurer que ces emplois ne sont pas susceptibles d’être pourvus par des chômeurs. » En clair, aux patrons de choisir quels immigrés ils veulent faire régulariser, et seulement pour des emplois que d’autres ne sont pas prêts à prendre. Préférence nationale, dit Le Pen. Quotas, dit Sarkozy. Besoins des employeurs, dit le PS !

Cette méthode socialiste éviterait-elle les charters ? « Si nous réglons le problème en amont, nous n’aurons pas à recourir à ce type de méthode », répond le responsable socialiste. Et si non ? La réponse on l’a déjà eue : quand le PS était au gouvernement, sa politique de fermeture des frontières n’a fait que développer l’immigration clandestine. Et on a eu droit aux charters de « gauche » ?

Le Pen tire Sarkozy sur son terrain, qui tire à son tour Hollande et ses amis. Sous couvert d’une bonne politique de l’immigration, sous couvert de « réalisme », les politiciens du PS travaillent eux aussi à enraciner l’idée dans la population, et tout particulièrement chez les classes populaires, que l’immigration est un problème et que la présence de travailleurs sans-papiers crée du chômage pour le reste de la classe ouvrière. Comme ils l’ont fait déjà, il est vrai, dans le passé, quand Sarkozy était encore en culotte courte.

Pour tous ces hommes politiques, les discours sur le contrôle de l’immigration n’ont pour but que de diviser la classe ouvrière. La seule riposte est d’imposer tous ensemble des papiers, les mêmes droits pour tous, mais aussi la satisfaction de nos intérêts généraux de travailleurs : hausse générale des salaires, interdiction des licenciements et de la précarité.

Lydie GRIMAL

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