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Ce genre de petites choses, de Claire Keegan

Sabine Wespieser, 2020, 120 p., 15 €

23 février 2021 Article Culture

Ce court roman se déroule en 1985, la veille de Noël, à New Ross, petite ville d’Irlande frappée par la crise économique.

Bill Furlong, marchand de bois et charbon, fait face à une forte demande due à un hiver particulièrement rigoureux. Patron d’une entreprise florissante donc, père de famille comblé (il a cinq filles), il s’estime chanceux et revenu de loin, car il est né d’une très jeune mère célibataire, domestique. Ce qui était loin d’être facile dans l’Irlande très catholique de l’époque.

Alors qu’il doit livrer du charbon au couvent de la ville, il se souvient d’y avoir vu, car il avait ouvert une porte par erreur, des jeunes filles mal vêtues, pieds nus, nettoyant le sol. Les rumeurs sur ces filles exploitées par les religieuses dans la blanchisserie qu’elles gèrent lui reviennent en mémoire : des filles ayant « fauté », des enfants confiés à l’adoption à des familles riches… Rumeurs toujours étouffées car personne n’ose s’en prendre frontalement aux religieuses et, derrière elles, à la puissante Église catholique. Sa femme, qu’il avait interrogée, l’avait sèchement rabroué.

Et ce matin-là, il découvre dans le local à charbon une jeune fille transie de froid. Ce genre de petites choses, c’est continuer à regarder ailleurs ou décider de faire face et venir en aide autour de soi, au risque de s’attirer des ennuis.

D’une écriture lumineuse et limpide, tout en délicatesse, ce roman traite du choix individuel et de la terrible et honteuse réalité des couvents « Magdalene ». Jusqu’en 1996, une dizaine de milliers de jeunes filles (c’est l’estimation basse) y ont été enfermées à la demande de leur famille, car elles avaient « fauté » ou étaient enceintes (parfois, voire souvent, le résultat de viols !). Elles y travaillaient gratuitement, étaient maltraitées et on leur arrachait leurs enfants dès qu’ils pouvaient être adoptés.

Claire Keegan aborde le sujet pour en perpétuer le souvenir mais son propos n’est pas de se livrer à une charge virulente et violente contre les Magdalene. Pour elle, « l’écriture est affaire de suggestion, jamais d’explication ». Elle fait ici le portrait d’un homme qui décide un jour de faire un pas de côté. Quant au scandale de ce qu’ont été les couvents Magdalene en Irlande, deux films y sont consacrés : The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2002) et Philomena de Stephen Frears (2013) qui, dans des genres différents, sont des réussites.

Liliane Lafargue

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