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Révolution : II. Égalité, livre 1, une BD de Florent Grouazel et Younn Locard

Actes Sud - L’An 2, 2023, 304 p., 28 €

30 janvier 2023 Article Culture

Le premier tome, I. Liberté, paru il y a quatre ans, avait fait sensation. Le Paris de 1789 y était restitué à la hauteur des participantes – car les femmes tiennent au moins la moitié des premiers rôles, de Louise l’ouvrière à Marie la gamine des rues en passant par Reine Audu, la meneuse des poissardes des Halles – et des participants. Ce nouveau tome, dont la gestation a pris aux auteurs plus de temps que prévu, ne couvre finalement pas à lui seul la deuxième partie : II. Égalité aura un livre 2, avant la publication de III. Ou la mort. Et à lire ce deuxième opus, on espère qu’il ne faudra pas attendre aussi longtemps les prochains !

Une ellipse de plus d’un an sépare la fin du premier tome de cette suite. Nous sommes en février 1791. La révolution semble achevée. Surtout pour ces chefs du tiers-état qui n’aspirent plus qu’à gouverner tranquillement selon leur conception de l’intérêt général, laquelle se confond avec leurs intérêts de propriétaires. La Garde nationale est peu à peu réinvestie par les officiers professionnels – des aristocrates – qui évincent avec la bénédiction de La Fayette les insurgés du 14 juillet 1789. La stabilisation du régime pourrait bien mener à l’affrontement avec le petit peuple. Car en bas, on a toujours faim, et pas seulement de pain. On défie les nouvelles lois qui, au nom du retour à l’ordre et de la rupture avec le folklore d’Ancien Régime, interdisent de faire carnaval. Et on se méfie de plus en plus de ce roi officiellement rallié au nouveau pouvoir, mais dont le palais bruit de cent rumeurs de fuite… jusqu’à ce qu’il s’échappe réellement en juin du palais des Tuileries dans une vaine tentative de se réfugier chez son beau-frère l’empereur d’Autriche.

Le lecteur retrouve avec plaisir les personnages du premier tome : l’infâme Jérôme Laigret, homme de plume et des complots de la réaction royaliste ; les jumeaux Kervélégan, nobles bretons, l’un député en pleine transformation en homme d’affaires, l’autre en passe d’être séduit par les sirènes de l’égalité ; ou encore Louise qui, entre les échos du salon de sa patronne et les discussions avec un curé révolutionnaire, se politise et prend conscience que sa voix à elle aussi compte. On découvre avec intérêt les nouveaux, telle Isabelle, métisse et militante pour l’abolition de l’esclavage venue tout droit de Saint-Domingue. On croise enfin des figures historiques de la révolution, comme Marat ou Sonthonax, incarnées plus vraies que nature par le fin dessin des deux auteurs – car, autre particularité de cette BD hors norme, le binôme partage tout : dessin, couleurs, scénario et dialogues…

Et le résultat est bluffant. Du Paris des égouts à celui des palais, de la Seine au Champ-de-Mars, et même quand le récit bifurque sur les quais de Bordeaux ou dans la campagne cévenole, la restitution est si fine qu’on ne distingue plus très bien la fiction de l’histoire. Les remerciements attestent d’ailleurs le nombre et surtout la qualité des recherches historiques que les auteurs ont menées pour parvenir à ce résultat. À peu près l’exact inverse du film de propagande royaliste dont nous affligent en ce moment Philippe de Villiers et son Puy-du-Fou, Vaincre ou mourir. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait un hasard. Révolution résonne à plus d’une page avec notre époque, avec ce sentiment diffus partagé bien au-delà des rangs militants que notre société du 21e siècle va dans le mur.

Alors bien sûr, on ne peut pas produire 304 pages d’une telle densité sans que cela coûte au portefeuille du lecteur. Mais rien n’interdit de recommander Révolution à votre bibliothécaire…

Mathieu Parant

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