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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 85, janvier-février 2013

Casse de l’emploi, casse sociale : Renault veut des salariés low-costs

Mis en ligne le 28 janvier 2013 Convergences Entreprises

Le 15 janvier 2013, lors d’une séance de négociations sur la « compétitivité », la direction de Renault a annoncé son intention de supprimer 7 500 emplois, soit 15 % de ses effectifs en France d’ici 2016. Il n’y aurait bien sûr ni licenciement, ni fermeture de site dit la direction de Renault… mais à condition que les syndicats signent son accord de compétitivité.

Cette simple promesse, qui n’engage que ceux qui y croient, a suffi à soulager Arnaud Montebourg, qui a validé le plan de Renault. Ouf ! Il n’aura pas à jouer les pompiers-menteurs pour aller calmer, comme à Florange ou Aulnay, une usine en colère. Ah si le forfait pouvait passer en douce !

Discours alarmistes et appels aux sacrifices

Les dirigeants de Renault avaient préparé le terrain depuis plus d’un an : la baisse des ventes menacerait la rentabilité et l’existence de l’entreprise, en conséquence de quoi il faudrait que les salariés fassent bloc derrière leur direction, et qu’ils acceptent des sacrifices.

Les ventes globales du groupe Renault sont en baisse en 2012 (moins 6,3 % par rapport à 2011). Mais ce que la direction oublie de préciser c’est que 2011 avait été une année record.

La baisse est particulièrement sévère en France (-22 %) et pour l’ensemble de l’Europe (-18 %). Une chute que la progression du marché hors-Europe (+ 9,1 %) ne parvient pas à compenser. Mais à qui la faute ? Aux salariés pas assez « compétitifs », ou à leurs portefeuilles mis à plat par la rigueur et les licenciements partout en Europe ? Confrontée aux effets délétères de la crise, la direction de Renault cherche à maintenir le profit de l’entreprise… en s’attaquant aux salaires et aux emplois. C’est le seul remède, à courte vue, que les capitalistes, dans l’automobile et ailleurs, peuvent trouver : appauvrir la majorité pour tenter de préserver les profits d’une minorité.

Mais la pilule passe d’autant plus mal que les sacrifices demandés sont très unilatéraux. Carlos Ghosn est le deuxième patron le mieux payé de France, avec 13 millions d’euros en 2011 (9,9 de Nissan et 2,9 de Renault). Les boursicoteurs se portent bien : l’action Renault a grimpé de 51,8 % en 2012 et les actionnaires ont touché 343 millions en dividendes pour l’année 2011.

Les bonnes ficelles du dégraissage

À force de « sacrifices » imposés aux travailleurs ces dernières années, sous prétexte de sauver l’emploi, le quotidien des travailleurs de Renault est fait de gel des salaires, de coupes dans les budgets, de reports de projets et de baisses d’effectifs. Renault n’a pas attendu janvier 2013 pour comprimer les effectifs : depuis 2005, 7 300 emplois ont été supprimés, soit une baisse de 17 % (près de 30 % pour les emplois ouvriers).

Un dégraissage massif réalisé grâce à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), au non-remplacement des départs à la retraite et aux mesures de départ dits « volontaire ». Sauf quand la méthode était plus brutale comme à Sandouville en 2009. Quant au volontariat, parlons-en ! La GDC (Gestion dynamique des compétences) permet de faire varier la pression : pour les salariés sur des postes dits « critiques », c’est la surcharge de travail et l’impossibilité de bouger ; pour les salariés sur des postes dits « sensibles », c’est au contraire la pression maximale pour qu’ils aillent voir ailleurs si l’herbe est plus verte…

Champion de Formule 1 de l’arnaque patronale

En ouvrant, début novembre 2012, des discussions avec les syndicats au niveau du groupe sur la compétitivité, Renault se faisait fort de devancer les négociations nationales sur le sujet. Pour faire passer les premières mesures qu’il comptait demander aux syndicats de signer, Carlos Ghosn s’était vanté de ne pas faire comme PSA, qui supprimait des milliers d’emplois. Le chantage, en préambule des négociations, était pourtant clair : « Dans le cadre d’un accord global sur l’ensemble des mesures proposées au cours du cycle de négociations, la direction pourrait s’engager à ne pas fermer d’usine en France ».

Et c’était bel et bien avec un chantage direct à l’emploi et aux fermetures de sites que le même Ghosn avait arraché en Espagne, le 13 novembre dernier, la signature d’un accord qu’il érige désormais en modèle : blocage des salaires qui ne seront réévalués que de la moitié de la hausse des prix, création d’une nouvelle catégorie d’embauches avec un salaire équivalent à 72,5 % de celui d’un agent de production actuel, réduction de 10 % des primes pour le travail de nuit, suppression des primes et des majorations pour cinq samedis obligatoires par an, augmentation de la durée annuelle du travail, avec trois jours de travail supplémentaire…

Pour la France, les sales coups ont été annoncés progressivement au fil des séances de négociation :

  • Création de deux pôles régionaux de fabrication (Nord-est : usines de Douai, Maubeuge, STA et SOVAB ; Ouest : usines de la vallée de la Seine, Choisy-le-Roi, Le Mans) avec mobilités obligatoires des salariés au sein des pôles.
  • Mutualisation des fonctions support (Ressources humaines, Qualité, Gestion, Achats, etc.) en vue d’une réduction des effectifs et d’une baisse des coûts.
  • Remise en cause de l’accord 35 heures Renault, qui équivaut à une augmentation de la durée annuelle de travail de 6,5% (l’équivalent de 4 à 21 jours travaillés en plus par an selon les sites et les statuts).
  • Abaissement de la majoration des heures supplémentaires à 10 % au lieu de 25 %.
  • Flexibilité : gestion du temps de travail selon les besoins de la production (création d’équipes de nuit ou de weekend supplémentaires en fonction des besoins, sans embauches mais à l’aide de prêts de salariés entre sites Renault, des intérimaires…) et imposition plus forte des périodes de congés.

La direction doit annoncer le 22 octobre ses projets concernant la politique salariale, qu’elle a déjà commencés à mettre en œuvre sur le terrain : renforcement de l’individualisation des rémunérations et de la part variable, comparaison des salaires avec le « marché », suppression des augmentations générales de salaire.

Et c’est à peine une semaine après avoir annoncé son intention d’allonger le temps de travail de 6,5 % que Renault a abattu son jeu : 7 500 emplois supprimés, dont 4 200 en Fabrication, 2 000 en Ingénierie et 1 300 dans le Tertiaire. Mais la réalité sera probablement supérieure, comme à PSA, où le chiffre annoncé de 8 000 est passé depuis à 11 000.

À Renault comme ailleurs…

Carlos Ghosn, qui aime se donner une image de précurseur et de visionnaire, nous montre effectivement ce qui se cache derrière toutes ces prétendues négociations sur la compétitivité, et derrière l’accord que le gouvernement, fort de la signature de la CFDT, compte transformer en texte de loi : réduction des salaires, flexibilisation et précarisation des emplois, assouplissement des règles que les patrons trouvent trop contraignantes. Tout pour le profit : la crise a bon dos !

Les premières annonces ont suscité chez Renault une vague de mécontentement avec quelques milliers de salariés qui ont débrayé et se sont rassemblés à plusieurs reprises depuis novembre 2012.

Les salariés de Renault se retrouvent désormais dans le même bain que ceux de PSA, comme de nombreux équipementiers et sous-traitants automobiles. Avec ceux de PSA, d’Arcelor-Mittal, de Sanofi, Virgin et bien d’autres, ils pourraient devenir le fer de lance d’une riposte générale du monde du travail.

17 janvier 2013, Gilles SEGUIN

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