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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 125, mars-avril 2019 > Algérie

Bouteflika : 20 ans de règne

29 mars 2019 Convergences Monde

Abdelaziz Bouteflika a été élu pour la première fois président le 16 avril 1999 avec le score de 73,79 % des voix, se retrouvant candidat unique en fin de campagne. Les six autres candidats avaient invoqué des fraudes électorales pour se retirer. Mal élu, il aura quand même perduré 20 ans à la tête de l’Algérie, terminant son règne par une prolongation de mandat sans élection. Avec les félicitations au moins de Macron.

Peu importe le mode de scrutin qui l’avait porté à la présidence, du moment qu’il était l’élu de l’armée, l’homme du compromis entre les clans. Et il aura profité de deux circonstances : la paix à l’issue des années sanglantes, et la hausse du prix du pétrole.

« Homme de la paix »…

Les principaux responsables de l’armée, avaient annulé l’élection de décembre 1991 qu’avaient gagnée les partis islamistes, en premier lieu le FIS (Front islamique du salut). Puis ils menèrent une guerre sans merci contre leurs groupes armés, avant de signer un compromis avec eux. Suite aux diverses manipulations et créations de contre maquis par les services secrets, l’état-major proposa une trêve, signée le 1er octobre 1997 par l’Armée islamique du salut, bras armée du FIS. Aux termes de celle-ci les combattants islamistes et les membres du FIS furent « exonérés des poursuites » et jouirent « de la plénitude de leurs droits civiques ». Charge à Bouteflika de passer de la trêve à la paix et de s’en faire l’exécuteur civil.

Ce fut l’objectif de la loi sur la « concorde civile » que Bouteflika fit plébisciter par référendum le 16 septembre 1999. Un plébiscite qui ne pouvait qu’être gagné d’avance. Peut-on vraiment être contre la paix ? Le premier gain de popularité du régime de Bouteflika.

D’autant que le « oui » au référendum bénéficiait de l’appui non seulement du FLN, le parti du pouvoir depuis l’indépendance, mais aussi de la plupart des autres partis, jusqu’au RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie, essentiellement kabyle) considéré jusque-là comme parti d’opposition mais qui visait des postes ministériels. Il les obtint. Les islamistes qui déposèrent les armes et se rendirent aux autorités bénéficièrent de larges compensations matérielles et d’une amnistie totale. Les anciens combattants pour un État islamique se recyclèrent dans les affaires et demeurent depuis dans les allées du régime auquel ils ne manquent pas de faire allégeance.

Homme de la paix retrouvée, oui, cette image lui donnait un certain crédit. Mais homme de la poursuite de la guerre contre les pauvres, comme l’a vite montré la violente répression en 2001 des émeutes de la jeunesse en Kabylie contre le chômage.

… et du pétrole à 100 $

L’autre chance du régime de Bouteflika a été la remontée du cours du pétrole quelques années plus tard, ce qui a donné à son gouvernement une certaine marge de manœuvre : constructions de logements (dont la distribution se faisait souvent au copinage et suscitait bien des contestations), « accès à la propriété » aidés par l’État (à usage de la petite bourgeoisie) et des aides aux créations de mini-entreprises.

Ces aides, dont ces prêts que l’on pouvait s’abstenir de rembourser, ont profité essentiellement à la petite bourgeoisie. De quoi s’acheter un commerce, ou deux ou trois minibus pour monter son petit service de transport urbain et obtenir une ligne à assurer, remplaçant les transports urbains publics délaissés. Les travailleurs, les jeunes chômeurs restaient les laissés pour compte.

Bien des petits cadres du mouvement islamiste, notamment, en ont profité pour se réintégrer dans la société algérienne. Le parti islamiste qui prédomine aujourd’hui est celui du courant qualifié de « modéré », MSP (Mouvement de la société pour la paix), proche du Ennhadha qui fait partie de la coalition gouvernementale en Tunisie.

Régime de prédateur

La popularité du régime de Bouteflika dans ces milieux n’est qu’un aspect du bénéfice tiré des recettes pétrolières du pays. Mais ce sont les liens avec le milieu des grands hommes d’affaires ayant profité de la manne pétrolière, qui ont permis d’asseoir le clan Bouteflika face aux clans rivaux.

Comme l’ont renforcé les nouveaux cadeaux offerts aux grandes compagnies pétrolières, notamment avec cette nouvelle loi sur les hydrocarbures (2012) accroissant leurs droits d’exploitation des pétroles algériens. « L’Algérie ambitionne de devenir le premier producteur de pétrole du continent africain et d’assurer ainsi aux États-Unis la sécurité énergétique supplémentaire dont ils ont besoin », écrivait alors Bouteflika lui-même dans le Washington Times.

L’ère des règlements de compte pouvait commencer, jusqu’à ce que Bouteflika mette à la porte le tout puissant chef de la Sécurité militaire en poste depuis 25 ans. Avec les règlements de compte, les scandales du régime commencèrent à filtrer dans la presse, montrant l’indécence de ce monde des riches et des coteries au pouvoir, alors qu’on s’en prenait aux régimes de retraites, aux services publics (grève des cheminots sur les salaires, grèves des enseignants, dégradation des hôpitaux publics…).

Sans oublier la chasse aux immigrés venus d’Afrique sub-saharienne, parqués dans des camps, puis reconduits de l’autre côté de la frontière, en plein désert.

Du 4e au 5e mandat, l’usure du régime

En 2014, la candidature d’un Bouteflika déjà grandement affaibli par un AVC, pour un 4e mandat avait déjà soulevé maintes réactions, cantonnées surtout aux politiciens et aux milieux politisés de la petite bourgeoisie. C’est le retournement de la conjoncture économique, la politique d’austérité décidée par le gouvernement, la hausse des prix, la dégradation des services publics, l’accroissement du chômage qui ont donné son ampleur au ras-le-bol provoqué par l’annonce du 5e mandat. Un ras-le-bol non seulement de Bouteflika mais du régime lui-même.

O.B.

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