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À propos du plafonnement des indemnités de licenciement

11 février 2016 Convergences Politique

Pour que le chômage baisse, il faudrait ôter aux patrons la « peur d’embaucher » en leur garantissant la possibilité de licencier facilement et à peu de frais : entonnée par Valls et le patronat, cette rengaine a accompagné les débats sur le projet de plafonnement des indemnités de licenciement, concrétisé par l’un des articles de la loi Macron adoptée l’été dernier [1]. Si cet article a été retoqué par le Conseil constitutionnel, le gouvernement ne fait pas mystère de sa volonté d’y revenir en durcissant la mesure.

Les termes mêmes du débat entretiennent souvent la confusion sur la nature de ces indemnités et sur une prétendue incertitude quant à leur montant.

Le Code du travail se contente d’encadrer le licenciement par l’exigence bien minimale, pour l’employeur, de le motiver et de justifier d’une « cause réelle et sérieuse » [2]. Le salarié licencié perçoit alors, sauf faute grave de sa part [3], une indemnité de licenciement dont le montant est connu d’avance : il est généralement fixé par convention collective, à défaut par le Code du travail [4], hormis les cas d’indemnités extralégales négociées.

Quelles sont les indemnités visées ?

Que se passe-t-il lorsque l’employeur licencie en violation de la loi – ce que les juristes désignent par euphémisme « licenciement sans cause réelle et sérieuse » ou « rupture abusive » ? Il semblerait logique que le salarié puisse réintégrer son emploi. Mais non ! Aux rares exceptions près où le licenciement est nul, le juge ne peut que proposer la réintégration – proposition vouée à l’échec et donc quasiment jamais faite. En pratique, garant du sacro-saint « pouvoir de direction » de l’employeur, le Code du travail n’offre au salarié, licencié de façon illégale, que la possibilité d’une réparation financière en justice. C’est le montant de ces indemnités, qui sont des dommages et intérêts distincts de l’indemnité de licenciement évoquée plus haut, que la loi Macron visait à plafonner. Il s’agissait ainsi d’assurer aux patrons une protection légale contre le risque d’avoir à indemniser le préjudice résultant de pratiques illégales ! Sachant d’ailleurs que, même précisément chiffré et non contesté, le préjudice n’est souvent que très partiellement indemnisé par les décisions de justice.

Un argument mensonger

On a pourtant beaucoup entendu dire que le « risque » était particulièrement lourd pour les très petites entreprises. Outre qu’on ne voit pas pourquoi les petits patrons devraient pouvoir licencier de façon abusive en toute impunité, l’argument est mensonger au regard du droit en vigueur. En effet, les TPE bénéficient déjà d’un passe-droit : parmi d’autres dérogations, le minimum indemnitaire de six mois de salaire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, prévu par le Code du travail, n’est pas applicable aux entreprises employant moins de onze salariés [5]. Ce minimum ne s’applique d’ailleurs pas non plus, quelle que soit la taille de l’entreprise, aux salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté : ils peuvent donc être licenciés à peu de frais, même de façon irrégulière.

Mais c’est encore trop pour le patronat et le gouvernement ! D’où un article du projet de loi Macron qui, sauf cas particuliers, fixait un plafond d’indemnisation dépendant de l’effectif de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié, mais indépendamment de sa situation réelle et du préjudice effectivement subi (difficultés à retrouver du travail, perte de revenus, incidence sur la pension de retraite, etc.).

Il en est résulté, après l’adoption du texte, une belle valse des hypocrites. Bien que favorables au plafonnement, des parlementaires de droite ont contesté cet article devant le Conseil constitutionnel en invoquant une « rupture d’égalité » entre entreprises de tailles différentes. Qu’importe si les mêmes n’ont jamais objecté aux dérogations dont bénéficient les TPE, au détriment des salariés, en matière de licenciement abusif…

Sans remettre en cause le principe du plafond, le Conseil constitutionnel a benoîtement constaté que l’effectif de l’entreprise n’est pas un critère pertinent pour fixer l’indemnisation d’un licenciement illégal. Il a donc invalidé l’article, finalement supprimé de la loi promulguée le 6 août dernier.

Mais cette décision n’est pas forcément pour déplaire au gouvernement. Il sait pouvoir revenir avec un plafond commun à toutes les entreprises, évidemment au rabais pour ne pas effrayer les petits patrons, mais dont bénéficieront également les grands groupes habitués à provisionner les « risques » des licenciements à venir. C’est bien ce qu’a annoncé Valls début janvier lors d’une rencontre avec le président de la CGPME. Une façon d’adresser ses vœux aux patrons…

30 janvier 2016, Gérard WEGAN


[1Loi no 2015-990 du 6 août 2015, pompeusement désignée « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

[2Articles L.1232-1 et L.1233-2 relatifs, respectivement, au licenciement pour motif personnel et économique.

[3Article L.1234-9.

[4Articles R.1234-1 à R.1234-5.

[5Articles L.1235-2 à L.1235-5.

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