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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 135, janvier 2021

La succession des mesures législatives en faveur des suppressions d’emplois

18 janvier 2021 Convergences Politique

L’État français a réglementé le droit du licenciement surtout à partir des années 1970, correspondant à la fin de la période du plein emploi des « Trente Glorieuses ». À l’époque, la loi officialise souvent des situations de fait et l’encadre. Elle peut être parfois améliorée suite à des luttes de salariés menées en parallèle sur le terrain législatif (débouchant parfois sur des arrêts de la Cour de cassation). Mais la loi vise surtout à canaliser l’action des salariés et de leurs syndicats, et à protéger les employeurs contre des recours juridiques. De droite comme de gauche, tous les gouvernements ont légiféré sans remettre en cause fondamentalement le droit des employeurs à disposer à leur gré de leur main-d’œuvre.

1973. Sous la présidence de Pompidou, son ministre de l’Économie, Giscard d’Estaing, fait voter la loi du 13 juillet 1973 qui encadre le licenciement pour la première fois. Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou d’un licenciement économique.

1975. Puis la « loi du 3 janvier 1975 relative aux licenciements pour cause économique » instaure l’obligation pour un employeur envisageant un « licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, d’ordre conjoncturel ou structurel », de recueillir l’« autorisation de l’autorité administrative compétente ».

À l’époque, le gouvernement cherche à amortir le choc social et finance des préretraites. L’allocation spéciale du fonds national de l’emploi (AS-FNE), créée en 1963 pour accompagner au départ les restructurations industrielles, sera ensuite surnommée la « préretraite-licenciement », avec un départ à 60 ans (la retraite est alors à 65 ans) en cas de licenciement économique, puis à 56 ans et 2 mois en 1979. Ses conditions d’accès sont durcies à partir de 1986. L’AS-FNE est définitivement supprimée en 2011.

Le tournant des années 1980

À partir des années 1980, parallèlement aux restructurations et à l’envolée des licenciements et du chômage, le gouvernement français se met à l’unisson des années Thatcher et Reagan. Il s’agit désormais de revenir successivement sur les réglementations (l’autorisation préalable de licenciement et autres), puis d’inventer les licenciements « volontaires », les « accords de méthode » qui sont des sortes d’assentiments préalables des syndicats aux futurs licenciements selon les besoins (de la méthode donc !)…

1984. Sous Mitterrand, tournant « de la rigueur » en 1983. Un arrêt de la Cour de cassation avait validé le licenciement de 2009 salariés de Talbot en 1980 par des départs volontaires, sans avoir besoin d’une autorisation administrative. Une première brèche dans la protection des salariés contre les licenciements qui n’allait cesser de s’agrandir.

1986. Sous le premier gouvernement de cohabitation (Mitterrand président, Chirac Premier ministre). Avec l’approfondissement de la crise, le CNPF (c’est-à-dire le Medef de l’époque, dirigé alors par Yvon Gattaz) obtient la suppression de l’autorisation administrative de licencier. L’argument patronal, que l’on retrouvera ensuite à chaque fois : cette autorisation administrative est un frein à l’embauche. Le CNPF promet de créer 370 000 emplois en cas d’assouplissement des règles du licenciement.

L’État va désormais se désengager de plus en plus, transférant une partie de ses prérogatives aux « partenaires sociaux » dans une sorte de cogestion des plans sociaux.

1989. La loi Soisson (un ministre centriste du gouvernement Rocard) crée le « plan social » avec des mécanismes de consultation du comité d’entreprise et des délégués syndicaux, et de prévention du licenciement, pour les entreprises de plus de 50 salariés qui veulent licencier au moins dix personnes dans un délai de trente jours.

Parfois des décisions de justice vont aller à l’encontre de la dérèglementation du droit à licencier (arrêts de cassation CEPME et Petit-Bateau en 1991, Framatone-Majorette en 1996, arrêt Samaritaine en 1997, etc.).

Le patronat invente alors la notion de « volontariat ». Le plan de départs volontaires « classique » est un dispositif non règlementé par le code du travail, qui peut se faire dans le cadre d’un plan social.

2002. Le Premier ministre socialiste Lionel Jospin promulgue la « loi de modernisation sociale ». L’expression « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) remplace alors celle de « plan social » trop connotée. Cette loi renforce les actions de formation et de reclassement, mais ne change rien à la réalité de la violence sociale. Plus le patronat « sauvegarde », plus il détruit d’emplois.

2005. Sous la présidence de Chirac. Jean-Louis Borloo, ministre du Travail, créé l’obligation de négocier des accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Il s’agit de mettre en place une gestion anticipative et préventive des « ressources humaines » visant à un ajustement des besoins et de ces ressources (les salariés). Quand il y a trop de « ressources », on peut les encourager à partir pour créer leur entreprise ou à aller voir ailleurs dans des « mobilités externes ». La GPEC était censée éviter les plans sociaux… dans les rêves (ou les vapeurs) du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale.

2008. Sous Sarkozy. Le gouvernement Fillon « modernise » à son tour. La « loi portant modernisation du marché du travail » créée la « rupture conventionnelle individuelle », une convention de séparation à l’amiable, d’un commun accord entre le salarié et son employeur. Comme si les deux parties étaient à égalité de rapport de force.

2016. Sous Hollande. La loi travail de la ministre du Travail Myriam El Khomri, en plus d’entamer la casse du code du travail, assouplit les motifs permettant de mettre en œuvre des licenciements économiques.

2017. À peine élu à la présidence de la République, Emmanuel Macron crée par ordonnance :

  • La rupture conventionnelle collective (une extension de la rupture individuelle de Fillon, où tous les licenciés sont supposés être « volontaires » au départ) ;
  • Le plafonnement des indemnités en cas de licenciements illicites, afin de décourager les salariés de contester leur licenciement en justice ;
  • L’accord de performance collective (APC) qui permet de diminuer la rémunération ou d’augmenter la durée du travail. En cas de refus du salarié, celui-ci est licencié, et le motif est ipso facto justifié.

10 janvier 2021, Gilles Séguin

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