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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 109, décembre 2016 > 20 ans de réformes contre l’hôpital public

Vie quotidienne aux Urgences du CHU de Grenoble

Témoignage d’un médecin

8 décembre 2016 Convergences Entreprises

« Gestion dynamique »

La gestion hospitalière est manifestement « dynamique » (selon le jargon du management) quand il s’agit de vider les lits, mais devient étrangement lente quand il s’agit d’en rouvrir en urgence pour palier l’afflux de patients. Ils stagnent donc dans le service d’accueil des Urgences ou à l’Unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) : d’où un besoin de surveillance décuplé, pour tout le personnel des Urgences, quand, simple exemple, il faut empêcher les accompagnateurs, inquiets de voir leur proche sur un brancard depuis des heures, pénétrer dans le service !

Pareil pour les blocs de chirurgie, surtout quand ils ont été mutualisés. Avant de passer en salle d’opération, les patients, sous une couverture de survie, s’entassent dans le « poulailler », baptisé ainsi parce qu’autant de patients en même temps, c’est bruyant ! Ils sont censés être médicalement surveillés mais il n’y a souvent personne.

Au final, on est à flux tendu. Et pour combler ce manque structurel de médecins, surtout aux Urgences, l’hôpital préfère embaucher, quand la situation devient vraiment dramatique, un volant de « mercenaires », c’est-à-dire de médecins intérimaires, qui coûtent encore plus cher à l’hôpital (minimum 3 300 euros de plus par mois).

L’ombre du monde

Aux Urgences, reste à assumer la violence de la politique antisociale de l’Etat : à nous de résister à la pression de faire sortir de l’hôpital un SDF alors qu’il n’y a aucune place en foyer d’accueil d’urgences ou en centre d’hébergement ; de signer un « accord médical » pour qu’une femme nigériane et ses deux enfants soient « hébergés » la nuit tous les trois sur un matelas dans le hall de l’hôpital ; de négocier avec la police la réception pour dégrisement d’un patient en état d’alcoolisation aiguë dehors sur le parking de l’hôpital, puisqu’ils ne peuvent pas venir le chercher dans le service…

Sans parler du SAMU qui nous mène, aussi, dans les recoins les plus injustes de la société. Dans des cellules de prison pour un suicide, où les détenus s’insurgent à notre arrivée des conditions de vie de misère ; dans des usines en banlieue où l’employeur n’a pas cru bon arrêter la chaîne suite à la crise cardiaque d’un des ouvriers et contraint donc les autres à travailler à 2 mètres de leur collègue décédé allongé au sol ; ou encore dans la nuit, tout simplement, parce qu’une prostituée s’est faite renverser par une voiture de la BAC…

Temps de travail

52 heures hebdomadaires en moyenne, qui deviennent très souvent 78… voire, ce qui m’est arrivé une fois, 96 ! En principe, le temps de travail des praticiens hospitaliers ne doit pas dépasser 10 demi-journées par semaine (max 48 heures pour les médecins aux Urgences) sur une période de 4 mois. Sauf que… la durée de ces demi-journées n’est pas définie dans la loi. Résultat ? Le temps passé à l’hôpital dépasse toujours les 48 heures et les heures supplémentaires ne sont qu’en partie récupérées.

Par exemple, la semaine n°50 cette année, je fais 64 heures, quasiment que de nuit, avec des surlendemains de garde très durs. Et quand on finit à minuit, ça nécessite toujours de rester jusqu’à 2 heures du matin pour ne pas laisser trop de patients aux collègues de nuit… D’où les risques d’erreurs (surtout administratives, entre les dossiers !), les agacements entre collègues, la perte de motivation et de temps pour enseigner aux externes et aux internes.

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