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Accueil > Les articles du site > DOSSIER : Croissance du commerce mondial sous domination impérialiste

Introduction

Un commerce à l’échelle d’un monde mis en coupe réglée

28 septembre 2021 Article Économie

(Crédit photo : kees torn, https://flickr.com/photos/68359921@...)

Au cours des dernières décennies, le commerce mondial a connu une croissance nettement plus rapide que celle de la production [1]. En 2019, ce commerce mondial se situait à un peu moins de 25 000 milliards de dollars. Alors que 20 % étaient constitués par les services (assurances, services aux entreprises, voyages, tourisme, etc.), le reste était essentiellement constitué de produits manufacturés (73 % de ce reste), dans une moindre mesure, de carburants et de minéraux (17 %) et enfin des produits issus de l’agriculture (10 %).

Cette croissance spectaculaire est tirée par une surconsommation largement artificielle, créée de toute pièce parmi une partie de la population des pays développés et liée au productivisme irrationnel du capitalisme, qui sacrifie investissements et avancées technologiques au service des besoins humains matériels, sociaux et culturels, aux objectifs de rentabilité à court terme. Cette progression se poursuit, bon an mal an, au rythme de 2 à 3 % annuel. Et si elle a été provisoirement freinée par la pandémie en 2020, avec un recul de l’ordre de 10 %, (−8 % pour les marchandises, −21 % pour les services), les experts de l’OMC [2] tablaient sur un rebond de 7,2 % en 2021. Rebond en partie différé par la fermeture, liée à la pandémie, de certains ports, aux embouteillages de navires au large attendant d’être chargés ou déchargés qui en ont résulté, mais aussi au manque de conteneurs disponibles. Tout cela a fait exploser le coût du fret maritime.

Des facteurs déterminants

La mondialisation croissante de l’économie explique bien entendu le développement du commerce international. Plusieurs facteurs ont rendu possible cet irrésistible bond en avant des échanges internationaux. Parmi eux on peut noter :

  • L’intégration au marché mondial des pays où les niveaux de salaire sont très faibles. Jusque-là, ces pays étaient pillés par les puissances impérialistes pour leurs richesses minières ou leurs productions agricoles. Désormais ils sont aussi recherchés pour leur main-d’œuvre à bas prix (d’abord la Chine puis aujourd’hui le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande, le Nigeria, etc.).
  • La complexité de produits de consommation courante (notamment, mais pas uniquement, dans le domaine électronique) dont les composants viennent de nombre de pays différents. Par exemple, si l’on prend le cas d’un produit typiquement « américain », l’iPhone d’Apple, 90 % des pièces qui le composent sont fabriquées ailleurs qu’aux États-Unis. Les semi‐conducteurs de dernière génération viennent d’Allemagne et de Taïwan, les cartes mémoires de Corée du Sud et du Japon, les écrans et les circuits imprimés de Corée du Sud et de Taïwan, les métaux rares d’Afrique (Burundi, Gabon), d’Amérique latine (Brésil) et d’Asie (Chine, Inde, Vietnam), l’acier de Russie… L’ensemble de ces éléments est ensuite assemblé en Chine (à Shenzhen) par l’entreprise taïwanaise Foxconn. Seule exception : le processeur qui est lui 100 % made in USA.
  • La réduction du coût de transport due à l’introduction des porte-conteneurs et de navires toujours plus grands (pétroliers, vraquiers, etc.). Le fret mondial était estimé à 11 000 milliards de tonnes en 2019 et avait légèrement reculé à 10 600 milliards en 2020. Aujourd’hui 226 millions de conteneurs (d’un volume de 30 m3 chacun en moyenne) circulent chaque année sur les mers du globe. En 25 ans, la capacité des porte-conteneurs a quadruplé pour atteindre 220 000 tonnes et une longueur 200 mètres. Et les chantiers navals asiatiques envisagent déjà des porte-conteneurs de nouvelle génération de 500 mètres de long qui, vu leur tirant d’eau, ne pourront être accueillis que par un très petit nombre de ports dans le monde, les autres nécessitant pour les recevoir de grands travaux d’un coût financier et écologique pharaoniques.

Juste-à-temps et flux tendus

Tous ces éléments s’intègrent dans une logique – et une logistique – cohérentes qui, venues du Japon dans les années 1950, se sont peu à peu imposées à toutes les grandes entreprises du monde entier : la méthode dite « juste-à-temps » ou « en flux tendu », rendue possible avec la révolution numérique.

Il s’agit :

  • D’abaisser le coût d’élaboration, de la production et de la distribution des produits en les faisant concevoir et fabriquer dans les pays à bas salaires.
  • De réduire drastiquement les stocks (le stock est un capital immobilisé et a donc un coût économique) et de raccourcir les délais de réception et d’expédition. On limite au minimum le temps de passage des produits à travers ces différentes étapes.
  • De faire disparaitre la distinction entre transport et stockage. Dans les faits, ce sont les porte-conteneurs, les trains de marchandises et les camions qui servent d’entrepôts mobiles, ce qui évite d’avoir à investir dans d’importants bâtiments d’entreposage.
  • La réduction de ces coûts passe aussi par la diminution drastique du nombre de dockers et de marins grâce à l’informatisation des procédés de manutention et de transport, mais aussi par un alignement des salaires vers le bas, et en ce qui concerne les marins, grâce notamment à l’utilisation systématique des pavillons de complaisance.

Une mondialisation malheureuse

Mais cette mondialisation des échanges est loin d’être heureuse. Elle s’est faite principalement au profit des trusts des pays impérialistes, engendrant des centaines de millions de laissés-pour-compte, dans les pays pauvres bien sûr mais aussi dans les citadelles impérialistes elles-mêmes. Ce qui a entraîné un rejet de la mondialisation, associée pour beaucoup à l’ultra-libéralisme, et entraîné un regain des attitudes individualistes, des replis nationalistes, des postures identitaires et des patriotismes économiques divers et variés qui ont un peu partout le vent en poupe aujourd’hui, à droite bien sûr mais aussi à gauche.

Pour nous, il ne s’agit pas de se battre contre la mondialisation mais contre le capitalisme, et de le renverser afin de faire de la planète, devenue définitivement un « village global », pour reprendre l’expression du canadien Herbert Marshall McLuhan, un « village heureux ».

Jean Liévin


Lire les autres articles de notre dossier : Croissance du commerce mondial sous domination impérialiste


[1En fait, du PIB mondial.

[2Créée le 1er janvier 1995, l’OMC est l’organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre ses 164 pays membres. Elle faisait suite au Gatt (General Agreement on Tariffs and Trade, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qui existait depuis 1947. Elle est censée faire respecter le « libre-échange » par tous mais, dans la réalité, ne fait qu’entériner les rapports de force existant entre les grandes puissances d’une part, le reste de la planète de l’autre.

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