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Ukraine : Ni orange, ni bleu… il faut voir rouge !

2 décembre 2004

Il aura fallu que la coupe soit bien pleine pour que des dizaines de milliers d’Ukrainiens, étudiants et jeunes dans leur grande majorité, descendent dans la rue à Kiev, la capitale, et l’occupent pendant plus d’une semaine, jour et nuit, malgré le froid et la neige. La situation dans ce pays, indépendant depuis l’éclatement de l’URSS en 1991, l’absence de libertés démocratiques, la corruption et les méthodes de gangster au plus haut niveau du pouvoir, expliquent que le vase ait débordé à l’annonce du résultat des dernières élections présidentielles, la majorité de la population ayant la conviction que celles-ci ont été truquées.

Il n’empêche qu’entendre à cette occasion un George Bush crier à la fraude et donner des leçons de démocratie électorale – lui qui a été élu en 2000 dans les conditions contestées que l’on sait – n’est pas la moindre ironie de l’histoire. Quant à Jacques Chirac, une certaine discrétion devrait s’imposer à lui, après que son protégé en Polynésie, Gaston Flosse, a lui aussi provoqué contre son régime de fraude électorale et de corruption, de formidables manifestations dans les rues de Papeete.

Il est évident qu’au-delà des espoirs légitimes de démocratisation ou d’aspiration à mieux vivre des Ukrainiens, des intérêts qui ne sont pas vraiment les leurs s’affrontent au travers de cette lutte de place entre Viktor Ianoukovitch – le préféré de Poutine et de l’actuel président Kouchma – et Viktor Iouchtchenko – le préféré des gouvernements européens et des U.S.A.

A noter que si le premier des « Viktor » est l’actuel Premier ministre, le second fut également Premier ministre du même président Koutchma de 1999 à 2001. A noter également que les deux « Viktor » n’affichent aucune différence dans leurs choix sociaux. Pas question de remettre en cause la propriété privée des moyens de production, cette nouvelle religion décrétée depuis maintenant 15 ans par l’ex-bureaucratie soviétique dirigeante. Laquelle pour l’occasion n’est pas restée à l’écart du partage des dépouilles de la propriété nationalisée et s’est même largement servie en premier.

Quant à savoir si l’un ou l’autre des candidats, une fois installé à la présidence, servira vraiment mieux les intérêts des sociétés américaines, européennes, ou russes, cela reste largement du domaine des spéculations. Même si Poutine et Bush ont eux d’ores et déjà misé chacun sur leur cheval. La plus forte probabilité restant que l’un comme l’autre des « Viktor » n’ait d’autre but que de tirer des relations économiques et politiques avec les uns ou les autres, les meilleures prébendes pour leurs coteries respectives. Ils sont tous les deux à n’en pas douter prêts à tous les compromis, leur passé témoigne pour eux.

En cas de victoire du camp dit « pro-occidental », la partition de l’Ukraine a cependant été agitée par le camp dit « pro-russe », jouant sur la diversité des origines de la population d’Ukraine. Les précédents en Géorgie, voire dans l’ancienne Yougoslavie… ou en Côte d’Ivoire, montrent qu’il n’est jamais exclu que la démagogie ethniste dans le cadre d’une lutte de pouvoir, puisse déboucher sur de nouveaux partages territoriaux. Cela sera-t-il le cas en Ukraine ? Ou les clans en lutte jugeront-ils au contraire qu’il est plus sage de se partager les avantages procurés par le maintien de l’unité nationale ? Il n’est guère possible de faire un pronostic au moment où nous écrivons. Pas plus que de prédire s’il y aura des nouveaux reculs du pouvoir en place – de nouvelles élections ? – ou au contraire des affrontements plus durs dans la rue. Pour le moment les manifestants n’ont pas levé le pied, ils veulent maintenant bloquer les routes, et le « désordre » actuel commence déjà à faire sérieusement souffrir l’économie du pays, la monnaie et la Bourse.

La seule certitude, c’est que les travailleurs ukrainiens ne sont en aucune façon représentés ni par Iouchtchenko, ni par Ianoukovitch. Les travailleurs font pourtant tout marcher dans le pays et s’ils entraient dans la danse pour leurs propres intérêts, ils auraient la possibilité de faire reculer le pouvoir, bien au-delà du choix d’un futur président.

Louis GUILBERT

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