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Thibault mis en minorité : Un ersatz de contestation

8 février 2005

La prise de position du Conseil Confédéral National (CCN) de la CGT en faveur du Non au référendum sur la constitution européenne a fait la Une des journaux : « Les partisans du non sortent du bois », « Bernard Thibault contesté », « Crise à la CGT ». Et ce vote a provoqué la colère de Bernard Thibault. « Graves carences en matière de démocratie », prétend-il ; c’est « l’avenir de la CGT » que cette décision mettrait en cause.

Mais est-ce vraiment le fond de la politique de la direction de la CGT qu’une partie de l’appareil, soudain, contesterait ? A moins qu’il ne s’agisse des retombées dans le domaine syndical des querelles et divisions engendrées dans la gauche par l’opération référendum lancée par Chirac.

Démocratie syndicale et indépendance, version Thibault

En ce qui concerne les « carences en matière de démocratie », les dirigeants de la CGT ont une longue tradition. Avec laquelle Thibault n’a pas davantage rompu que les dirigeants des Fédérations ou Unions départementales qui viennent de s’opposer à lui, au lieu de lui donner le satisfecit traditionnel. A noter cependant que, dans le cas présent, il semble bien qu’une majorité de syndiqués CGT, pour un mélange de bonnes et de mauvaises raisons (occasion d’exprimer son mécontentement… ou certains préjugés nationalistes) soit favorable au vote Non. Thibault l’a admis dans son intervention au CCN. Mais, face à ce CCN mal-votant et aux militants mal-pensants, il compte en appeler à la Commission Exécutive de la confédération, élue lors du dernier congrès et qu’il espère plus docile.

« L’avenir de la CGT » qu’il prétend défendre, c’est son passage d’un syndicalisme de prétendue contestation à un syndicalisme d’avouée concertation. Quant à l’indépendance politique qu’il prône en ironisant sur l’époque où la CGT donnait systématiquement des consignes de vote et « qui a déjà conduit la CGT à des impasses et à le payer cher », c’est seulement pour mettre fin à la polarisation à l’égard d’un PC devenu trop petit. Bernard Thibault rapproche la CGT du PS (à noter que Dominique Strauss-Kahn « regrette (le Non) pour l’évolution européenne de la CGT, portée hier par Louis Viannet et aujourd’hui par Bernard Thibault ») et préserve son rôle de partenaire de tous les gouvernements, de droite aussi bien que de gauche. Il ménage la Confédération européenne des Syndicats (à laquelle la CGT a adhéré) favorable à la constitution européenne. Et il voit surtout dans les nouvelles « capacités à s’inscrire dans le syndicalisme européen », la perspective pour la CGT d’accéder à des postes qu’offrent aux appareils syndicaux les instances européennes ou les divers comités de groupes européens des grandes entreprises, jusque-là surtout raflés par la CFDT.

Un “non” qui ne conteste pas grand chose

Si le désaveu infligé à Thibault a de quoi amuser, peut-il vraiment réjouir ? Car ces responsables syndicaux, partisans du Non, sont tout… sauf des boutefeux sur le terrain social. Bureaucrates de longue date, les chefs de file des fédérations contestataires (services publics, enseignement et recherche, chimie, agro-alimentaire ou cheminots), comme ceux des grandes UD qui ont mené la bataille au CCN, n’ont jamais mené un syndicalisme de lutte de classe : l’appareil de la CGT l’a abandonné depuis fort longtemps. Ils ont tous eu l’occasion de jouer leur rôle de frein dans des luttes. Ils sont, tout autant que Bernard Thibault, des partisans des négociations, ils ont suivi et approuvé l’évolution de la CGT vers un syndicalisme dit « de proposition ». A commencer par Didier Le Reste, successeur de Bernard Thibault à la tête de la fédération des cheminots, partisan du Non au référendum en même temps que signataire du récent accord anti-grève à la SNCF. Scrupuleusement respecté par l’opiniâtreté à pister tout débordement aux « journées d’action carrées » prévues en haut lieu.

Une voie de garage

Mais précisément, on peut se faire le champion du Non au référendum, dégager ainsi un fumet contestataire, mais en rester là et bien là, et s’épargner ainsi délibérément de donner des perspectives, un programme et un plan de luttes, au mécontentement de la classe ouvrière. Des journées d’action ont eu lieu. Le samedi 5 février, des centaines de milliers de travailleurs ont battu le pavé des grandes villes du pays. Certes, juste de quoi alerter Chirac, Raffarin ou Seillière. Mais quoi maintenant ? Quelles prochaines étapes pour préparer la riposte d’ensemble à l’offensive du patronat et du gouvernement ? Ni Bernard Thibault ni ses contestataires du CCN ne se proposent de donner des perspectives de lutte qui permettraient aux travailleurs de l’emporter. Ils s’écharpent seulement sur ce Oui/Non superfétatoire.

Ce référendum est un leurre voulu par Chirac. Il permet précisément à des bureaucrates syndicaux, comme à des leaders politiques tels Marie-Georges Buffet, Laurent Fabius ou Jean-Luc Mélenchon de se donner une allure radicale à bon marché. Et ne parlons pas de cette extrême gauche qui mène aussi cette campagne depuis des mois ! Certes c’est la saison des soldes, mais précisément, les travailleurs ne peuvent pas laisser brader leurs intérêts généraux communs (emploi et salaires) ni leurs perspectives de lutte d’ensemble.

Olivier BELIN

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