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Si Al-Quaida n’existait pas... Bush l’aurait inventé

14 septembre 2006

Beaucoup d’émotion, ce 11 septembre 2006, à New York et lieux de célébration de la mémoire des 2992 victimes des attentats d’il y a 5 ans. Les médias ont montré les pleurs, moins la colère qui existe parmi les proches de salariés et employés qui ont perdu la vie ce matin-là, parmi les sauveteurs qui ont laissé leur santé sans bénéficier souvent de protection médicale. Comme plus largement parmi tous ceux qui savent que l’impérialisme américain est pour quelque chose dans le drame et ses suites. La discussion se poursuit d’ailleurs aux Etats-Unis sur les responsabilités des « services » américains (vieux amis de Ben Laden) : si ce n’est comme fomentateurs, du moins comme complices.

Qui a profité du crime ?

Dès le 7 octobre 2001, au nom d’une croisade contre Al-Quaida, Bush faisait bombarder l’Afghanistan, puis y débarquait 50 000 hommes, avec l’assentiment des grandes puissances et la bénédiction de l’ONU. N’était-ce pas la liberté et la démocratie contre le terrorisme international ? Clinton avait déjà évoqué, quelques années auparavant, une telle croisade, et les attentats donnaient le prétexte rêvé d’envahir l’Afghanistan, d’occuper des régions proches de la Russie et des puits de pétrole du Caucase et de l’Asie centrale ex-membres de l’URSS. Une façon aussi pour les USA d’obtenir pour la première fois l’usage d’aéroports du Kazakhstan et d’Ouzbékistan pour l’armée américaine, avant d’obtenir des bases militaires permanentes dans ce dernier pays et au Kirghizstan. La chasse au contrôle de la région et à de nouvelles voies d’accès au pétrole et au gaz de la Caspienne et d’Asie Centrale, évitant le transit par la Russie, a primé sur la chasse à Ben Laden.

Après l’offensive contre l’Afghanistan, ce fut celle contre l’Irak. Le pays était envahi le 20 mars 2003, sous prétexte que Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive (ce qui n’était pas le cas) et aurait eu des liens avec Al-Quaida (pas le cas non plus, comme le Sénat américain vient de le conclure). Il y avait eu la première guerre contre l’Irak de Bush père en 1991. C’était la seconde, de Bush fils. Pour resserrer l’étau sur le Moyen Orient. Contrôler et intimider ses peuples. Contrôler ses richesses et marchés pétroliers (la clique gouvernementale américaine, de Bush à Rice en passant par Cheney, étant quasiment née dans le pétrole).

L’Etat d’Israël prit cette politique pour ce qu’elle était, un encouragement à de nouvelles offensives. Contre les Palestiniens, parqués dans les territoires de Gaza et de Cisjordanie, mitraillés, affamés et incarcérés (8000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, dont des députés et ministres du Hamas, régulièrement élus). Mais aussi contre le Liban, bombardé cet été pendant 34 jours, sous prétexte que quelques soldats avaient été enlevés par le Hezbollah. L’impérialisme français qui, vis-à-vis de la politique américaine en Irak avait affiché des intérêts économiques et politiques quelque peu divergents, saisit l’occasion du cessez-le-feu pour accepter d’envoyer des contingents et armements au Liban, sous casques bleus. Et sous autorité générale américaine. Dividendes de la reconstruction à l’horizon.

Certes, la « loi » que les islamistes politiques veulent imposer aux peuples des pays dits musulmans est celle d’ennemis de l’émancipation, dont celle des femmes. En Iran comme en Irak, tout ce qui est militant syndical ou ouvrier est cible désignée des islamistes. Mais c’est précisément la « paix » américaine, celle des cimetières, qui apporte à ces courants politiques leurs billes.

Enlisement dans la guerre au Liban, d’Israël soutenu et armé par les Etats-Unis. Enlisement en Irak où 2 700 soldats américains ont été tués en deux ans, 120 Irakiens chaque jour, victimes d’attentats auxquels se livrent mafieux ou islamistes qui rivalisent pour le pouvoir. Tout se passe comme si les occupants américains s’en fichaient du chaos, pourvu que leur maillage militaire de la planète se renforce ! 700 bases dans le monde. Et des contingents de l’ONU laissés derrière soi au fil des dévastations, comme autant de succursales sous-traitantes. Une politique qui fait marcher le commerce des armes (les Etats-Unis pouvant se flatter d’un budget militaire équivalent au total de tous les autres) et le commerce tout court, les investissements et implantations économiques, en particulier dans l’énergie.

L’exploitation des richesses et de la main-d’œuvre mondiales, militairement contrôlée, pèse aussi sur la classe ouvrière américaine. C’est elle aussi qui est visée quand un Bush ou un Clinton brandissent la prétendue menace terroriste. Façon de dire qu’il faudrait se serrer les coudes, tous ensemble contre le terrorisme.

Mais surtout se serrer la ceinture car pendant les attentats, les affaires et les restructurations des multinationales US continuent. En 1978, General Motors comptait 466 000 salariés, aujourd’hui 112 000 mais reste le N°1 de l’automobile mondiale, ce qui suppose quelques profits. Comme en réalisent les grands de l’aéronautique, de l’armement, du commerce, qui profitent de la guerre mais qui, à coups de compromis obtenus auprès des syndicats (ou en liquidant leur existence), rognent sur les salaires, les retraites ou la santé. A quoi il faut ajouter l’amputation juridique de libertés, pas seulement contre des milliers d’étrangers.

Dans un tel contexte de paupérisation d’une partie de l’Amérique, la prétendue croisade contre le terrorisme se voudrait un dérivatif. Mais pas si facile, il reste de la contestation dans l’air.

Michelle VERDIER

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