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Sauver le soldat Shalit ?... Ou s’en servir de prétexte contre le peuple palestinien ?

6 juillet 2006

Raids aériens et intrusion de chars dans la bande de Gaza, destruction de la principale centrale électrique, de ponts de routes, ont succédé aux assassinats dits ciblés, courant juin. Ceux-ci avaient déjà fait de nombreux morts parmi la population civile. Pour récupérer le soldat Shalit, Ehud Olmert fait peser une menace encore plus lourde. Il demande à l’armée israélienne d’agir « avec toute sa puissance » et de recourir « aux moyens extrêmes ». La population palestinienne est prise toute entière en otage. Et pour un prisonnier israélien, faut-il rappeler qu’il croupit 10 000 Palestiniens, dont des femmes et des très jeunes, dans les geôles israéliennes ?

Ce pouvoir israélien dont on nous vante le prétendu attachement à la démocratie, aime tellement celle-ci qu’il a décidé, après que les Palestiniens par leur vote en janvier dernier aient porté le Hamas au gouvernement, un blocus sur des approvisionnements vitaux pour la population et sur les mouvements financiers, privant l’Etat palestinien de tous ses moyens, le mettant dans l’incapacité de payer ses fonctionnaires, d’assurer un minimum des services publics, hôpitaux, écoles, etc. C’est sans doute toujours par la vertu du même esprit démocratique, qu’une rafle de l’armée israélienne la semaine dernière a conduit à l’arrestation de plus d’une soixantaine d’élus palestiniens, dont un tiers des ministres de l’actuel gouvernement !

A l’heure qu’il est les opérations de l’armée israélienne semblent bien plus destinées à tenter de faire chuter le gouvernement Hamas qu’à sauver le soldat Shalit.

Depuis les élections de janvier, sur fond de difficultés grandissantes dues au blocus, les relations entre les différentes factions palestiniennes se sont envenimées. Elles en sont même venues à des affrontements armés, milices du Fatah contre milices du Hamas. Pas tant à cause de leurs divergences politiques, mais parce que chacune dispute sa part de pouvoir. Les dirigeant israéliens en profitent. Les assassinats dits ciblés par l’armée israélienne de militants palestiniens, mais faisant les dégâts que l’on sait dans la population civile, ne pouvaient de leur côté que susciter l’esprit de vengeance et ainsi légitimer un terrorisme aussi aveugle, même si c’est avec infiniment moins de moyens, des activistes palestiniens. Mais les tirs de roquettes des groupes armés palestiniens sur le territoire israélien et en particulier sur la ville de Sdérot, ont davantage servi Ehud Olmert vis-à-vis de sa propre population qu’ils n’ont servi le peuple palestinien.

La proposition dite des prisonniers, membres de différentes organisations, Hamas, Fatah, Djihad Islamique, reprise à son compte par le président palestinien, semblait pourtant le mois dernier avoir eu un écho favorable parmi la population palestinienne, fatiguée de la situation, des nouvelles privations infligées, des affrontements inter palestiniens. Le document revendique l’instauration d’un État palestinien dans les frontières de 1967 (façon de reconnaître l’état de fait jusqu’en 1967) avec Jérusalem comme capitale et le retour des réfugiés ; prône l’intégration du Hamas et du Djihad islamique à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; la formation d’un gouvernement d’unité nationale auquel participent toutes les factions et particulièrement le Fatah et le Hamas  ; il promet la fin des attentats en Israël et donnerait mandat à l’OLP et au président de l’Autorité palestinienne afin de mener les négociations de paix avec Israël.

Il a été présenté comme une reconnaissance « implicite » de l’Etat d’Israël. Il est une concession face à la pression israélienne. Une de plus après notamment les accords d’Oslo... Les Palestiniens pourraient légitimement douter d’y trouver cette fois-ci une solution, leur problème n’étant pas la reconnaissance de l’Etat d’Israël, « implicite » ou pas, mais celle d’un véritable Etat palestinien, et qui soit autre chose que ce bantoustan coupé en plusieurs morceaux sur lequel est censé régner l’autorité palestinienne et où elle est surtout sommée de faire la police sous menace de représailles israéliennes incessantes.

En proposant un référendum sur la base du document des prisonniers, le président Mahmoud Abbas, du Fatah, voyait l’occasion de regagner du terrain sur le Hamas, dont une fraction au moins semblait résolument opposée à une telle initiative. Les représentants du Hamas ont fini par signer un accord avec le Fatah - pas le Djihad islamique - pour éviter avec le référendum un éventuel désaveu dans les urnes. Ils n’ont pas évité pour autant les raids militaires israéliens.

Cet accord n’est, selon les dires des dirigeants israéliens, qu’une affaire entre Palestiniens qui ne peut rien changer à leur politique. Ils se sentent en situation de force et ne veulent rien négocier du tout. Et l’accord semble aujourd’hui caduc dans la mesure ou les exactions militaires d’Israël ne peuvent qu’exacerber le désir de vengeance au sein de la population palestinienne. Ehud Olmert n’en est pas mécontent. Dans la nouvelle situation, il affirme ne vouloir accepter aucun échange de prisonniers. Ce qui n’empêche sans doute pas les tractations dans la coulisse par Egypte interposée, lesquelles leur permettent de gagner du temps pour essayer de localiser les ravisseurs. Ceux-ci ont en conséquence posé un ultimatum. Le soldat Shalit pourrait faire les frais de l’intransigeance israélienne et un nouveau chaos meurtrier suivre en conséquence.

Il ne peut y avoir de véritable issue pour le peuple palestinien, comme pour le peuple israélien, sans que surgissent en leur sein des forces politiques sortant de l’étroit nationalisme, menant la lutte au nom des intérêts de tous les travailleurs et de tous les opprimés de la région, défendant le droit de tous à l’existence et leur droit à avoir leur propre Etat.

Le 4 juillet 2006

Louis GUILBERT

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