Sale temps pour les révolutionnaires ?
10 juillet 2007 Politique
Ci-dessous la tribune proposée pour « Lutte de Classe » n°106 mais qui a été refusée
Les plus faibles scores que Lutte Ouvrière ait jamais réalisés depuis plus de 30 ans d’interventions électorales, ont marqué ces présidentielles et législatives 2007 (487 857 électeurs soit 1,33% pour Arlette Laguiller aux présidentielles ; 218 264 électeurs soit 0,86 % pour les 563 candidates et candidats de LO aux législatives). Si l’on en croit le numéro précédent de la revue politique mensuelle de notre organisation, Lutte de Classe (n° 105, mai-juin 2007), le « vote utile » pour Ségolène Royal aurait happé non seulement les voix des alliés traditionnels du Parti socialiste (dont le Parti communiste ramené à un score de 1,93 %, les Verts à 1,57 %), mais celles de l’extrême gauche. Pour preuve, le score d’Arlette. Phénomène auquel LO s’attendait, ayant même fait l’hypothèse longtemps à l’avance que l’appel à voter pour le candidat socialiste, pour la première fois depuis plus de 25 ans, pourrait être légitime au soir du premier tour – par solidarité avec les travailleurs anti-Sarkozy.
Pourtant, Ségolène Royal – au profil de « Marie-Chantal » – n’a pas emporté l’adhésion des travailleurs. Le vote pour elle n’a pas été un raz-de-marée. Il ne s’est pas avéré « utile » puisque la gauche a perdu, de beaucoup. Et si certains ont effectivement été laminés, à gauche ou à l’extrême gauche, Olivier Besancenot a maintenu un score de 4,08 % (1 498 581 électeurs), similaire à son score de 2002. Différence entre Arlette et Olivier qui appelle réflexion.
« Il faut évidemment se demander pourquoi Besancenot a résisté, dans les chiffres mieux que les autres et, en particulier, bien mieux qu’Arlette Laguiller », écrit la Lutte de Classe N°105, laquelle sans analyse des votes, invoque une différence sociale et politique des électorats qui relève de l’intime (et fielleuse) conviction. « La fraction de l’opinion à laquelle la LCR s’est adressée était certainement beaucoup plus hostile au Parti socialiste. Peut-être, dira-t-on, beaucoup plus consciente mais, peut-être aussi, beaucoup moins solidaire des sentiments des classes sociales les plus exploitées qui sont les plus victimes du maintien d’un gouvernement de droite et les plus enclins à avoir des illusions sur les partis bourgeois de gauche », peut-on lire.
Arlette est du côté des plus exploités, d’accord. Mais Olivier Besancenot ? N’aurait-il les faveurs que de petits bourgeois anti-socialistes qui ne sont pas solidaires des plus exploités ? Vraiment ?
Scores, lieux et milieux
La présidentielle de 1995 a été la première élection où les scores de l’extrême gauche ont marqué l’opinion, sautant brusquement d’un classique 2 % à 5,3 % (pour notre camarade Arlette Laguiller qui était seule candidate d’extrême gauche, la LCR absente ayant appelé à voter indifféremment pour Arlette Laguiller, Robert Hue du PC, ou Dominique Voynet des Verts). Les meilleurs scores d’Arlette le furent dans des villes ou quartiers ouvriers : 8,5 % à Dunkerque-Est, 7,8 % à Clermont-Ferrand ou à Cherbourg, 7,7 % à Caen-Est, 7,6 % à Elbeuf, 7 % à 7,3 % à Liévin, Calais, Saint-Omer, Sotteville-lès-Rouen, Saint-Nazaire. Avec des pointes dans les quartiers les plus ouvriers. Les grandes villes de banlieue parisienne, jadis fiefs du PC, donnaient des résultats moindres, mais souvent plus élevés que la moyenne, dont les meilleurs : 6,9 % à Montreuil, 6,6 % à Saint-Ouen, 6,5 % à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ou 7,74 % aux Ulis dans l’Essonne.
Nous en étions, à juste titre, plutôt fiers : « Ceux qui ont fait le geste de voter pour Arlette Laguiller ont certes d’abord exprimé leur mécontentement. Mais pas de façon neutre. Ce mécontentement s’est exprimé à l’extrême gauche. Arlette Laguiller a fait les meilleurs scores, jusqu’à 10 % parfois, dans les banlieues ou quartiers ouvriers des grandes villes », écrivait la Lutte de Classe de l’été 1995. Cela valait pour appréciation sociale.
La présidentielle de 2002 a doublé pratiquement le score de l’extrême gauche, avec cette fois deux candidats, Arlette Laguiller 5,72 % et Oliver Besancenot 4,25 % (0,47 % pour Daniel Gluckstein, du Parti des Travailleurs). La raison en était particulière : l’écoeurement suscité par la politique du gouvernement Jospin, particulièrement dans les milieux ouvriers. Nombre d’électeurs habituels du Parti communiste ou du Parti socialiste l’ont sanctionnée en votant pour l’extrême gauche.
Au-delà des différences politiques entre les deux organisations, c’étaient sur des programmes semblables que les deux candidats s’étaient présentés aux électeurs, Olivier Besancenot ayant repris à son compte l’essentiel des mesures d’urgence mises en avant par Arlette Laguiller. Il est frappant de voir que les meilleurs scores de LO et de la LCR le furent en grande partie dans les mêmes départements, mêmes circonscriptions, où déjà en 1995 Arlette avait « percé ». Dans l’Aisne, le Nord, le Pas-de-Calais, ou les anciennes régions minières ou sidérurgiques de l’Est notamment. Dans une cinquantaine de circonscriptions, l’extrême gauche (LO + LCR) y cumulait entre 13 % et 15,94 % : parmi elles encore Sotteville-les-Rouen (15,94 %), Elbeuf (15,37 %), Saint-Nazaire (14,91 %), Cherbourg (14,85 %), Liévin (14,71 %), etc.
En 2007, après 5 ans de gouvernement de droite, et une campagne prônant le « vote utile » pour le PS dès le premier tour, le score global de l’extrême gauche, 5,41 % au total pour LO et la LCR, retrouve grosso modo son niveau de 1995, et la moitié de celui de 2002, mais avec une répartition inversée entre les deux organisations. Là encore, ce sont notamment dans les circonscriptions où l’extrême gauche avait fait ses meilleurs résultats en 1995 et 2002, que ceux de Besancenot (et a fortiori ceux cumulés des deux candidats trotskystes) sont les plus élevés : 7,75 % à Liévin, 7,33 % à Dunkerque-Est, 7,33 % à Sotteville-lès-Rouen, près de 7 % à Moyeuvre, Pont-à-Mousson ou Longwy, 6,66 % à Lens. Les deux candidats de l’extrême gauche (nous n’avons pas tenu compte des scores de Gérard Schivardi qui ne s’en revendiquait pas), quand ils se sont présentés séparément, se sont évidemment trouvés, par définition, des électorats distincts, mais dont les contours ne sont pas si tranchés que la Lutte de classe veut bien le dire.
Les sondages publiés par les divers organismes (de portée certes limitée vu la taille des échantillons) vont dans ce sens. Ipsos analysant les glissements de l’électorat entre 1995 et 2002, estimait que 35 % d’électeurs d’Arlette Laguiller de 1995 avaient voté à nouveau pour elle en 2002 et 18 % pour Besancenot, l’électorat d’Arlette ayant gagné en échange ses nouveaux électeurs essentiellement parmi ceux du PC et du PS. Le candidat de la LCR avait donc récupéré une partie des électeurs d’Arlette de 1995 et nombre d’anciens électeurs du PC, du PS mais aussi des Verts.
Olivier Besancenot, une « campagne violemment anti-PS » ?
Bon nombre des électeurs de gauche qui ont exprimé leur colère contre Jospin en 2002 en votant pour l’extrême gauche, et l’ont ensuite regretté quand au lendemain du premier tour ils ont marché dans la campagne socialiste du « battre Le Pen », sont probablement revenus à leur vote classique cette année. Mais pourquoi les électeurs d’Arlette Laguiller, eux particulièrement, auraient-ils été plus sensibles que ceux d’Olivier Besancenot à l’appel du « vote utile » ? Et qui plus est, pour des raisons sociales et politiques ?
C’est pourtant ce qu’affirme la Lutte de Classe (N° 105, passage déjà cité plus haut).
Les électeurs d’Olivier Besancenot de 2002, moins sensibles cette année à l’influence de la gauche réformiste que ceux d’Arlette ? C’est presque un « scoop » ! La Ligue communiste souffrait jusque-là, aux yeux de notre organisation, du défaut d’être un tantinet conciliante, si ce n’est opportuniste, l’égard des milieux de la gauche classique. Voilà LO qui lui décerne un certificat « d’anti-PS »… mais pour l’en incriminer ! Dur de s’y retrouver.
Le zeste de vérité est que précisément dans cette campagne 2007, le candidat de la LCR a eu souvent la dent plus dure à l’endroit de Ségolène Royal qu’Arlette Laguiller. Mais n’exagérons rien. Rappelons juste que s’il y a eu dans le passé une différence perceptible entre LO et la LCR, c’est dans des attitudes différentes vis-à-vis de la gauche… en sens inverse ! Une différence qui avait marqué l’entre deux tours de l’élection de 2002. Nous avions alors reproché à la LCR, à juste titre, d’avoir appelé à voter Chirac au second tour par opportunisme, « pour ne pas se couper des milieux influencés par le Parti socialiste, de s’aligner sur le choix de celui-ci » (extrait du texte de la majorité de LO au congrès de décembre 2002).
En cinq ans de gouvernement de droite, ceux qui étaient les plus influencés par le Parti socialiste s’en seraient le plus éloignés ? Assez peu crédible. L’article sur « L’évolution de l’électorat en chiffres » dans le numéro de Lutte ouvrière du 27 avril 2007 écrit d’ailleurs au contraire : « Plus exactement, à en juger par le sondage sortie des urnes effectué pour le compte de L’Humanité, Olivier Besancenot a été touché à peu près autant que les autres par les effets du vote dit utile, mais ceux de ses électeurs de 2002 qui se sont portés directement sur Ségolène Royal ont été remplacés par des abstentionnistes de 2002, de nouveaux électeurs mais aussi, dans une certaine mesure, par des votants venus de l’électorat de Marie-George Buffet ou d’Arlette Laguiller ». Avec ce complément, dans les résultats du sondage, que sur les 40 % d’électeurs de 2002 de Besancenot comme de Laguiller qui auraient voté pour la gauche classique en 2007, tous seraient presque allés vers Ségolène Royal pour ceux du premier, se seraient partagés 30 % pour Royal, 10 % pour Buffet pour ceux de la seconde. Une estimation qui semble en tout cas plus conforme à ce que le public peut percevoir des différences politiques entre nos deux organisations.
Soustraire au lieu de multiplier ? Diviser au lieu d’additionner ?
A une question posée le 9 mars dernier à Arlette Laguiller par une journaliste de l’Indépendant.com, pour comprendre la différence avec Olivier Besancenot, puisque tous deux s’étaient trouvés au coude à coude à l’usine Citroën (PSA) d’Aulnay pour soutenir les 300 euros par mois et le Smic à 1500 euros, « propositions dans vos deux programmes », Arlette Laguiller répondait à juste titre : « Nous exprimons bien souvent des revendications semblables, c’est d’ailleurs pourquoi nous avons pu nous rendre ensemble sur le site de Peugeot pour soutenir les travailleurs en grève. Ce qui nous sépare en ce moment, c’est le fait que, bien qu’en 2004 nous nous sommes présentés ensemble aux Européennes et aux Régionales, la LCR a choisi une autre voie à partir de 2005 et a recherché des alliances avec Marie-George Buffet, José Bové, Jean-Luc Mélenchon et d’autres. Alliance qui n’a d’ailleurs absolument pas réussi, qui a éclaté. Du coup, la LCR s’est résignée à présenter son propre candidat. Dans cette élection, nous serons candidats tous les deux, du moins je l’espère. Et j’espère aussi que comme d’habitude, les commentateurs additionneront les voix de l’extrême gauche au soir du premier tour de cette élection. » Dommage que les commentateurs de la Lutte de Classe n’aient pas additionné. Et surtout, creusent artificiellement un fossé.
Car les différences politiques entre LO et la LCR, évoquées ci-dessus par Arlette, existaient. Les choix politiques de la LCR depuis l’été 2004, de suivre la « gauche du Non » (et au passage, les préjugés chauvins qu’elle encourageait) et de passer alliance pour ce référendum avec d’ex-formations ou ministres de la gauche gouvernementale (jusqu’à l’inévitable rupture que tous préparaient pour l’échéance des présidentielle et législatives), n’encourageaient pas une candidature commune LO-LCR – et il n’y en a pas eu.
Deux évidences, pourtant.
D’abord, il n’est pas fondé d’affirmer, comme le fait la Lutte de Classe, qu’Olivier Besancenot aurait dû son bon score au fait d’avoir été « le » candidat commun de l’ensemble des altermondialistes, écologistes, antilibéraux. Qu’il ait cherché et réussi, par sa politique passée et certains thèmes de campagne à en capter une partie, c’est certain. Mais n’oublions pas la concurrence de Marie-George Buffet qui, pour mieux rassembler « une gauche populaire et antilibérale », a laissé tomber toute référence au communisme et même au PC. N’oublions pas surtout celle de José Bové, altermondialiste s’il en est, qui plus est quant à lui « sans parti ». Cela dit, les résultats ont montré qu’il n’y avait précisément pas un électorat pour l’« altermondialisme ». Juste un milieu, une petite planète, qui a pu assurer tout (pour José Bové) ou partie (pour Olivier Besancenot) du succès de meetings d’un ou deux milliers de personnes, mais rien qui dépasse une mouvance militante. A noter en revanche que le succès des meetings d’Olivier Besancenot a drainé des jeunes et moins jeunes dépassant nettement la mouvance militante habituelle, comme cela avait été le cas pour les meetings d’Arlette Laguiller en 1995. dC’est donc à l’échelle de l’électorat ouvrier et populaire, dont sa jeunesse, où nous savons bien que la perception dépasse de loin les phrases et virgules des professions de foi, qu’on peut raisonnablement affirmer, au vu des zones de bons scores, du style et des thèmes de campagne dominants (grosso modo les grandes lignes du programme d’urgence défendu par Arlette en 1995), ainsi que des réactions aux campagnes menées sur le terrain, dans les entreprises et les quartiers, que les images d’Olivier Besancenot et d’Arlette Laguiller se sont pour l’essentiel fondues. Le gros de l’électorat populaire porté vers l’extrême gauche n’a pas saisi la différence entre OB et AL, la raison de leur présentation concurrente et a souvent opté pour celui qui était plus jeune et paraissait plus incisif dans le ton (en particulier en direction du Parti socialiste qui le méritait bien, vu sa campagne particulièrement anti-ouvrière et réactionnaire). L’image d’Olivier Besancenot ? Un copain et successeur d’Arlette ! Pour l’essentiel, tous deux sont apparus présents aux côtés de travailleurs en lutte, porte-parole de revendications essentielles de salaire et d’emploi de leur classe, défenseurs du droit de regard des travailleurs dans les affaires d’un patronat richissime et arrogant… Et tous deux féministes et internationalistes !
Ce fut indéniable dans cette campagne. On est en droit d’additionner, socialement et politiquement, les scores de l’extrême gauche. Et de constater qu’elle a résisté et gardé quelque 5 %, non négligeables. Non seulement la totalisation est légitime, mais c’est le pari à faire pour les militants révolutionnaires, qui doivent faire face au gouvernement Sarkozy-Fillon.
Quand « le camp des travailleurs » a bon dos
Dans le même numéro de Lutte de classe de mai-juin, notre organisation consacre un troisième article au bilan électoral de 2007, intitulé « Que signifie politiquement ‘le camp des travailleurs’ » ? Il s’agit d’une réponse aux « militants politiques [qui] se sont sentis visés par l’affiche où nous écrivions d’Arlette Laguiller : ‘Qui d’autre sincèrement peut se dire dans le camp des travailleurs’ ».
Ce à quoi en son temps Rouge, l’hebdomadaire de la LCR, avait répondu, avec une pointe d’humour : « Qui d’autre ? Arlette ne voit vraiment pas ? ».
En tout cas cet article de la LdC persiste et signe avec moult considérations générales sur les errements et illusions de « la jeunesse » et ceux qui lui emboîtent le pas. Mais là, étrange pudeur. Pas un nom, pas un sigle pour désigner ceux qui, à défaut peut-être de se « sentir visés », sont la cible des critiques de notre organisation.
Soyons justes, la conclusion de l’article, par déduction, donne une piste : « … nous n’irons pas dans le sens des courants dominants parmi la jeunesse ou une partie des travailleurs en défendant des objectifs vagues et non déterminants comme l’altermondialisme, l’écologie, un anticapitalisme imprécis, simplement pour gagner des suffrages. « Faire des voix » n’est pas un but en soi. » Il ne s’agit donc ni des militants qui se reconnaissent dans l’altermondialisme et l’écologie d’un José Bové ou d’une Dominique Voynet, ni même dans l’anti-capitalisme imprécis d’une Marie-George Buffet… qui n’ont guère gagné de suffrages (en tout cas moins qu’Arlette ou à peine plus). Reste donc, dans la mouvance incriminée, Olivier Besancenot et ses camarades de la LCR, eux qui ont le mieux réussi à « faire des voix ».
De fait, il s’agit bien d’une polémique avec la LCR, qui aurait gagné à être plus franche. Début de l’article : « On peut enfin défendre les travailleurs par quelques phrases noyées dans bien d’autres affirmations, écologistes, altermondialistes, anticapitalistes ou antilibéralistes qui ne défendent pas un changement réel du rapport de forces social entre le monde du travail et la classe capitaliste (…) C’est pourquoi nous pouvons dire que personne d’autre qu’Arlette Laguiller ne pouvait se dire sincèrement dans le camp, et uniquement dans le camp des travailleurs contre la bourgeoisie ». Pour les militants et sympathisants de notre organisation, les principaux lecteurs de notre revue mensuelle, l’allusion désigne manifestement la LCR. Mais pour peu qu’ils aient suivi la campagne de Besancenot et assisté à ses meetings, peuvent-ils sincèrement penser qu’OB y a défendu « les travailleurs par quelques phrases noyées dans bien d’autres affirmations… » ? Nous avons de réelles divergences politiques avec la LCR. Mais pourquoi inventer – qui plus est après coup – des divergences sur une campagne électorale où depuis 2002 la LCR a su reprendre pour l’essentiel le programme de notre organisation ?
Puis vient un des leitmotiv de l’article : « Se présenter aux élections n’est pas un but en soi (…) [S’aligner] sur les idées qui traversent momentanément la jeunesse (…) ferait peut-être gagner des suffrages. Mais au détriment de ce qu’ils [nos candidats] veulent défendre fondamentalement. » (p. 13) ; « Nous nous présentons aux élections, certes (…) Mais pas pour faire des scores avantageux. Quand nous en faisons, c’est justement sur ces idées-là » (p. 16).
Là encore, qui peut affirmer de bonne foi que les scores « avantageux » (tout est relatif !) de Besancenot doivent tout au fait qu’il aurait renié ses idées en s’alignant sur « les idées qui traversent momentanément la jeunesse », alors même qu’il a privilégié dans ses interventions et débats télévisés comme dans ses meetings strictement les mêmes revendications qu’Arlette sur le Smic, les salaires, le logement, la santé, les retraités, les licenciements, sans oublier de populariser l’idée du contrôle ouvrier ?
Il n’est jamais très convaincant, suite à un recul électoral (ce qui en soi n’a rien de catastrophique), de se mettre à proclamer que nous sommes indifférents aux résultats et que nous ne cherchons pas à gagner des suffrages, contrairement à certains mieux lotis. Et quand bien même Olivier Besancenot se serait adressé à la jeunesse (ce qu’il est loin d’avoir fait prioritairement dans sa campagne), y aurait-il de quoi s’offusquer ? Après tout, souvenons-nous qu’en 1974, d’aucuns (dont certains de nos camarades de la LCR d’alors) nous reprochaient « notre populisme », en somme notre course aux scores avantageux, parce qu’Arlette, en tant que travailleuse, s’adressait à bien des couches de la société, les petits commerçants, les marins pêcheurs, les jeunes (mais oui)… sans oublier les femmes (« Femmes, mes sœurs… »), y compris celles de la bourgeoisie prisonnières de « leur cage dorée ». Et Arlette avait mille fois raison, n’en déplût aux dépités du moment. Lesdits scores « avantageux » ne dépassaient guère les 2 %, ce qui fit tout de même sensation à l’époque en donnant pour la première fois droit de cité sur la scène politique nationale aux militants ouvriers trotskystes.
Il n’est pas plus convaincant de mettre la faiblesse de son propre score d’organisation sur le compte… du recul de la conscience ouvrière : « Ils [nos candidats] ne s’appuient que sur la conscience de classe des travailleurs. Lorsque celle-ci diminue, l’audience de Lutte Ouvrière recule ». (p.13). Serions-nous à l’extrême gauche le seul et unique thermomètre de la conscience ouvrière ? Le fait que l’audience de la LCR ne recule pas mais se soit plutôt renforcée dans ce même scrutin témoigne-t-il d’une diminution de la conscience de classe ? Ne faut-il plus additionner les scores des deux organisations comme le conseillait Arlette aux médias pendant sa campagne ?
Bien sûr, l’inversion des rapports de forces électoraux entre LO et la LCR (prévisible en fait dès la présidentielle de 2002 avec la percée d’Olivier Besancenot suite au refus de LO de mener une campagne commune derrière Arlette et son programme) a de quoi nous chiffonner. Les occasions manquées, ça se paie. Et cela ne met pas notre organisation dans la situation la plus confortable pour convaincre la Ligue de la justesse de nos orientations. Mais n’exagérons rien. Les influences respectives réelles des deux organisations n’ont pas changé pour autant (pas plus qu’elles n’avaient réellement changé lors de la percée d’Arlette en 1995), et les deux auront tout intérêt à se retrouver ensemble en maintes occasions extra-électorales. Pas de quoi en tout cas se faire de faux procès et théoriser sur de prétendues différences sociales.
« Dans le passé … aujourd’hui »
La LdC de bilan aurait pu discuter précisément de certains des choix de la campagne présidentielle de LO (ton adopté envers Ségolène Royal, présentation d’une forme de programme minimum, appel dès l’annonce des résultats à voter Royal au second tour… pour ensuite, aux législatives, mettre l’accent sur l’anti-électoralisme et en appeler à la généralisation des grèves) qui ont effectivement troublé certains militants et sympathisants. Il n’y aurait pas mort d’organisation à reconnaître que nous n’avons pas fait les choix les plus judicieux. Les élections ne sont jamais que des élections. La Fraction s’est d’ailleurs exprimée à plusieurs reprises sur ces choix. Mais non. Voilà que nous justifions tout avec des généralités un peu décousues sur la conscience de classe, en fournissant un vade-mecum de marxisme élémentaire dont le ton et le contenu paraît s’adresser non pas aux lecteurs habituels de la LdC, mais à de jeunes, très jeunes militants ou futurs militants (qui pour l’heure, en fait, vont plutôt dans les stages de formation de la LCR)… au risque de simplifier à l’excès (pour rester pondéré) « les idées que nous défendons auprès du monde du travail ».
Ce vade-mecum s’ouvre sur un rythme nostalgique : « Dans le passé… Aujourd’hui… », « Aujourd’hui… dans le passé… ». Les situations sont différentes, certes. Et elles ont varié abondamment au cours des deux siècles écoulés. Mais c’est justement pour ça qu’il est faux de nous présenter un passé indéterminé et du coup plus ou moins mythique. Celui où les travailleurs manuels étaient plus nombreux ? Alors que artisans, boutiquiers et surtout paysans formaient l’écrasante majorité de la population ? Celui où les salariés étaient plus syndiqués ? Mais dans l’Allemagne de la « belle époque » de la social-démocratie, en 1905, Rosa Luxembourg ne constatait-elle pas qu’une petite minorité seulement – l’aristocratie ouvrière – était organisée ? Certes aujourd’hui les partis socialistes ne pensent qu’à s’intégrer douillettement dans le personnel politique de la bourgeoisie et les syndicats n’existent que par la négociation avec le patronat. Mais il y a 70 ans déjà Trotsky n’éprouvait-il pas le besoin d’écrire un texte sur… l’intégration des syndicats ? Et l’expérience de participation gouvernementale et ministérielle socialiste ne remonte-t-elle pas à plus d’un siècle ?
Aujourd’hui, donc, malgré tout, tout espoir n’est pas perdu. Il arrive que la classe ouvrière fasse preuve de solidarité et surtout de sérieux : « Bien sûr, on n’entre pas en lutte pour le plaisir. Pour le monde du travail, ce n’est pas un jeu. Ce n’est pas casser quelques carreaux, bloquer un péage d’autoroute, brûler quelques pneus ou saccager des bureaux.(…) » (p. 12). Nous y voilà ! Le camp des travailleurs, c’est tout de même autre chose que les petits jeux de la jeunesse… Tiens donc. Vraiment ? Le blocage des péages d’autoroute, les pneus brûlés, les bureaux saccagés… ne font-ils pas partie du quotidien de biens des grèves de salariés, autant de formes de luttes que les militants révolutionnaires dans les entreprises, précisément, s’efforcent de faire dépasser, sans pour autant jouer les effarouchés ? Pour une fois, ne créditons pas trop la jeunesse. Elle est loin d’avoir tout inventé !
Les « impasses » de la jeunesse
Suit le reste de l’article (les deux tiers) sur la fausse radicalité des luttes de la jeunesse, qui « n’ont aucune possibilité de changer la société dans un sens favorable. Ce n’est pas en brûlant les voitures… » Curieusement, la jeunesse devient ici un tout homogène. Brûleurs de voiture, saccageurs de locaux, électeurs de Chirac au second tour de 2002 (rappelons quand même que l’union sacrée pour le vote Chirac en 2002 était celle des grands et petits appareils politiques, pas particulièrement jeunes !), manifestants anti-Sarkozy du 22 avril 2007 et étudiants en lutte contre le CPE… Tous dans le même sac des impasses rédhibitoires. Mêmes limites qui différencieraient si bien le terrain de jeu des jeunes… du camp des travailleurs.
La preuve ? Prenons les jeunes les moins déplorables, les étudiants en lutte contre le CPE qui « n’ont pas fait que cela » (brûler des voitures etc.) : seulement voilà, « Ils n’ont pas parlé de ‘direction’, car ils étaient hostiles à tout pouvoir, mais de ‘ coordinations’ lesquelles (…) n’avaient pas pour objectif de changer la société et surtout, ne gênaient absolument pas le patronat ». Car du côté des travailleurs, ce serait tout autre chose. Les grèves isolées, émiettées, celles qui, grâce aux grands appareils syndicaux sont pratiquement la règle depuis des années, ont-elles beaucoup gêné le patronat ? Quant aux rares coordinations et comités de grèves qui se sont presque exclusivement constitués à l’initiative de militants révolutionnaires, avaient-ils pour objectif de « changer la société », ou tout simplement, pour commencer, de diriger démocratiquement leur lutte, ce qui ne serait déjà pas une mince avancée dans la conscience de classe ? L’article reproche aux coordinations étudiantes de ne pas avoir été « l’embryon ou même l’ébauche d’un contre-pouvoir opposé à celui de la bourgeoisie. C’est pourquoi ce ne sont pas de telles luttes qui peuvent changer la société ». Jusqu’à présent on nous parlait plutôt du faible niveau actuel de la conscience ouvrière, et voilà qu’on donne en exemple à la jeunesse et ses misérables coordinations… les contre-pouvoirs ouvriers, autrement dit les soviets !
Mais il y a une autre différence fondamentale : « De plus, dès qu’elles sont terminées [les luttes des jeunes], il n’en reste rien car leurs acteurs, deux ou trois ans plus tard, n’ont plus, autour d’eux, à qui en parler ». Parce que pour les travailleurs, c’est tout différent en cette période de licenciements, d’emplois précaires et autres intérimaires ? Certes, ils en parleront ailleurs, sur d’autres lieux de travail (la conscience et l’expérience des luttes, ça essaime aussi de cette façon). Mais n’en va-t-il pas de même des jeunes qui ont lutté contre le CPE quand ils travailleront à leur tour ? A trop vouloir prouver…
Là encore, soyons justes. L’article contient tout de même un petit paragraphe, p. 14, qui est comme une main tendue à cette fautive jeunesse : « Mais ils (les jeunes) appartiennent quand même [quand même !] à la classe sociale des travailleurs. Les travailleurs, les chômeurs et même les travailleurs retraités, appartiennent à une même classe sociale et les jeunes, s’ils n’y appartiennent pas encore, en font intégralement partie ». Un remords ? En tout cas une formule bien contradictoire pour leur reconnaître de faire « intégralement partie » d’une classe à laquelle « ils n’appartiennent pas encore » ? On respire quand même. En dépit de ses fatales impasses, il reste une issue à la jeunesse des banlieues et d’ailleurs : le parti révolutionnaire. En somme, comme pour les travailleurs. Car pour changer la société, « il faut des outils. Et le premier outil… est un parti politique puissant défendant les intérêts politiques du monde du travail ». Certes. Là-dessus, nous sommes bien d’accord. Mais était-il si nécessaire de fustiger les formes de lutte de la jeunesse au nom du « camp des travailleurs » pour en arriver là ? N’aurait-il pas mieux valu entrer d’emblée dans le vif du sujet et proposer quelque pas dans la construction de ce parti, en entamant par exemple une véritable discussion avec nos camarades de la LCR, en oubliant cette fois les scores des uns et des autres ?
Côté LCR : parti anticapitaliste ou parti révolutionnaire ?
Deux millions de voix pour les révolutionnaires au premier tour des présidentielles, à comparer au million et demi de 1995 et aux trois millions de 2002. Revient donc naturellement la question de savoir si ce ne serait pas l’occasion et le moment de capitaliser cette sympathie pour faire un pas dans la construction du parti ouvrier révolutionnaire que nous appelons de nos vœux.
C’est en tout cas l’opinion exprimée par la LCR, sortie en meilleure position que LO des péripéties électorales : « Pour s’opposer à cette droite arrogante, il est temps que les salariés disposent d’un parti aussi fidèle à leurs intérêts que l’UMP l’est à ceux du MEDEF. La LCR consacrera tous ses efforts dans les mois qui viennent à ce qu’un tel parti anticapitaliste voit le jour rassemblant tous ceux et toutes celles qui veulent que s’affirme une gauche de combat. »
Alléchant ! Mais cela demande pourtant quelques clarifications. D’abord pourquoi des militants communistes devraient-ils limiter leurs prétentions aujourd’hui à vouloir construire un parti « anticapitaliste » ? Car l’ambiguïté de la formule laisse en suspens une question de taille : l’objectif est-il de s’opposer à certains méfaits du capitalisme ou de le renverser ? Et dans ce dernier cas, par des réformes ou par la révolution ?
On peut certes imaginer des situations où une organisation regroupant trotskystes et réformistes radicaux serait une étape nécessaire pour construire le parti révolutionnaire. Encore faudrait-il que ces réformistes radicaux, sans être convaincus au départ de la nécessité de la révolution… n’en soient pas des adversaires acharnés et irréductibles, absolument pas susceptibles d’être convaincus dans le cours de la lutte de classe.
La LCR pense trouver ses futurs partenaires parmi « ceux qui veulent que s’affirme une gauche de combat ». Elle vise même à rassembler « tous ceux-là ». Mais aujourd’hui le terme de « gauche », recouvre une grande variété de courants dont la plupart ne défendent pas les intérêts des travailleurs, quand ils ne vont pas carrément à leur encontre (mais qui peuvent quand même se prétendre « de combat », c’est si facile quand on ne précise pas de quel combat il s’agit…). Alors à quelle fraction de la gauche la LCR adresse-t-elle sa proposition ? Où voit-elle des réformistes radicaux et les travailleurs qu’ils influencent pour former une organisation commune ?
La LCR les a pourtant cherchés activement depuis le référendum de 2005. Elle a voulu trouver, dans les « collectifs antilibéraux », un accord pour présenter un candidat commun avec le PC et la mouvance de Bové. C’est-à-dire qu’elle a déjà tenté de construire une force politique avec eux. Cette expérience a été un échec. Et heureusement de notre point de vue puisque la suite a montré dans quelle impasse Buffet et Bové auraient entraîné la LCR : la première a fait une campagne « responsable », affirmant vouloir « reconstruire une majorité de gauche », le second a renié son indépendance affichée le lendemain du premier tour en… acceptant une mission pour Ségolène Royal ! Quant à la campagne de la LCR, en tant que telle, sur le programme d’urgence pour les travailleurs, elle a été bien plus efficace auprès de l’électorat populaire.
Elle n’a pas fière allure ladite « gauche de la gauche » ! Si c’est avec elle que la LCR entend faire le parti anticapitaliste, l’histoire simplement se répétera. Si c’est avec d’autres, c’est avec des politiciens encore plus à droite, sortis du PS par exemple. Certes, il y a fort à parier que durant la « rénovation » annoncée du parti, des « jeunes lions » voire des vieux chevaux ou éléphants de retour se draperont dans l’anticapitalisme et prétendront appeler de leurs vœux une gauche plus combative, une « gauche de combat ». Céder à leurs sirènes, comme l’ont fait les sections sœurs de la LCR en Italie dans le Parti de la refondation communiste ou au Brésil dans le Parti des travailleurs, loin de constituer une avancée vers un parti ouvrier révolutionnaire pourrait signifier un grand pas en arrière pour l’extrême gauche comme, plus grave, pour les travailleurs de ce pays.
Et si ce n’est pas là le projet de la LCR, alors à qui s’adresse-t-elle ? A des individus, à son public proche, à ses électeurs, à ceux qui sont déjà autour d’elle ? Le « parti » anticapitaliste ne serait alors que la LCR un peu grossie. Ou bien ira-t-elle au bout de la logique de sa position, en reconnaissant qu’il n’y a aujourd’hui en France « d’anticapitalistes » que les révolutionnaires et en s’adressant donc à eux, en particulier à Lutte ouvrière ?
A quand les deux fractions d’un même futur parti ?
Coïncidence ou pas, à l’occasion de cette même campagne législative, notre organisation, Lutte Ouvrière, s’est aussi prononcée sur la question : « [notre] but est de réussir à créer un parti qui soit réellement au service des intérêts sociaux et politiques, présents et à venir, de l’immense camp des travailleurs. » (tract d’appel au meeting parisien du 5 juin). La formulation de LO, déjà avancée en 1995, a l’avantage de refuser par avance des alliances contre-nature avec la prétendue « gauche de combat », et d’affirmer la nécessaire base de classe sur laquelle pourrait reposer le parti. Contrairement à celle de la LCR elle exclut la possibilité d’un parti commun avec des fractions de la gauche venant de la social-démocratie ou des ex-staliniens, de celles qui ont abandonné depuis longtemps le service du camp des travailleurs.
En fait si ce « but » est sérieusement mis à l’ordre du jour de LO (et si la formule n’a pas été seulement lancée par nécessité de trouver pour les législatives un axe de campagne qui compense sur la gauche celui bien trop complaisant envers Royal et le PS de la campagne présidentielle), cela signifierait que notre organisation repose la question de l’unité avec la LCR, à quelles conditions et par quelles étapes. C’est-à-dire la question de développer systématiquement et conséquemment une politique en sa direction.
Chacun sait en effet que, à moins de bouleversements dans le paysage de l’extrême gauche non prévisibles aujourd’hui, la construction d’un large parti révolutionnaire dans ce pays passera nécessairement par l’unité de LO et de la LCR (avec d’autres évidemment, mais d’abord elles deux). Ce que dans le passé LO admettait, défendait et résumait par l’excellente formule : « nous sommes les deux fractions d’un même futur parti ».
Certes nous savons bien qu’il ne suffit pas qu’une des deux organisations propose l’alliance ou l’unité pour qu’elle se réalise. Chacune a ses justifications, bonnes ou mauvaises, d’exister à part et aucune raison de les abandonner, pas plus la LCR que LO. Et il est incontestable que si l’extrême gauche dans ce pays a grosso modo plus maintenu le cap que dans bien d’autres, sans rester marginale, cela doit beaucoup à la politique volontariste de LO en direction de la classe ouvrière et sa capacité à ne pas céder à l’opportunisme auquel les autres courants trotskystes se sont trop souvent abandonnés. Ni pour la majorité de LO, ni pour la Fraction il ne doit être question de s’écarter de cette orientation fondamentale.
Cela ne doit pas empêcher pourtant les pas possibles et nécessaires sur le chemin de l’unité. Ça ne les a pas empêchés d’ailleurs puisque depuis 8 ans les deux organisations ont à trois reprises mené des campagnes électorales communes. Mais justement à trois reprises sur 8 ans, c’est-à-dire pas systématiquement et sans que le refus à une occasion (par exemple de faire d’Arlette Laguiller la candidate commune aux présidentielles de 2002) ait plus de justification que l’acceptation à une autre (les listes communes aux européennes et régionales de 2004). Et uniquement à l’occasion des élections, car ce n’est pratiquement qu’à cette occasion que notre organisation a su faire des propositions à la LCR. Au point que, les élections passées, comme après les européennes de 1999, la seule question posée par notre majorité était : comment trouver la meilleure manière de se séparer et ne plus rien faire ensemble ?
C’est pourtant, bien plus dans les luttes que dans les élections, les luttes de la classe ouvrière, celles aussi de la jeunesse, que l’intervention commune des révolutionnaires serait importante et qu’il faudrait proposer d’agir ensemble chaque fois qu’il est possible.
Un long chemin reste à parcourir, donc… Et pas seulement parce que la situation n’a pas que des aspects favorables aux révolutionnaires : recul de l’influence des organisations ouvrières, syndicales et politiques, combativité des travailleurs trop souvent en deçà de ce qui serait nécessaire. Mais il ne doit pas nous faire oublier le chemin déjà parcouru : le courant révolutionnaire a droit de cité dans le mouvement ouvrier et même dans la vie politique en France.
La percée électorale de l’extrême gauche, initiée en 1995 par le score d’Arlette Laguiller, fait que dans aucun autre pays européen les révolutionnaires n’atteignent régulièrement ces scores. Mais ce qu’on a aussi pu vérifier en douze ans, c’est qu’un tel crédit ne suffit pas à construire un parti. C’est en combinant les campagnes électorales et l’interventionnisme sur le terrain des luttes, en sautant sur les occasions, mêmes incertaines – mais quelle occasion ne l’est pas ? – pour influencer l’opinion ouvrière, en proposant systématiquement l’action commune aux autres courants militants, et avant tout aux révolutionnaires, que nous avancerons.
Maintenant que la parenthèse électorale est fermée et que le gouvernement va passer à l’application des mesures anti-ouvrières qui ont marqué sa campagne, avec une certaine circonspection néanmoins car le spectre de la grève ouvrière (ou de la révolte… de la jeunesse) semble hanter quelque peu Fillon et Sarkozy, il serait bon que les deux organisations d’extrême gauche qui existent dans ce pays, confrontent leurs appréciations de la situation, fassent l’inventaire de leurs forces et de leurs moyens, et voient ensemble comment aider les travailleurs à réagir au plus vite et au plus fort – vers une riposte générale sur un même programme, défendu séparément sur le terrain électoral.
Ces cinq dernières années, les révolutionnaires ont su peser au-delà de leur influence supposée : en 2003 pour les retraites, en 2006 pour le CPE et même encore récemment dans la grève de Citroën-Aulnay. Vu l’état du PC, vu la politique du PS, vu l’attitude des confédérations syndicales, nous aurons certainement un rôle à jouer dans les mois ou les années qui viennent. Nous le jouerons d’autant mieux que nous interviendrons ensemble. C’est en tout cas ce à quoi nous proposons de nous préparer.
Le 29 juin 2007
Mots-clés : Elections | Extrême gauche | LCR | Lutte ouvrière
Réactions à cet article
1. Sale temps pour les révolutionnaires ? , 11 juillet 2007, 14:04, par cerise
Et pourquoi pas créer une grande force de gauche rassemblant tous les courants -LCR,Communistes, verts, PS le temps des cerises est a repenser puisque Sarko se permet toutes les fantaisies et qu’il est plébiscité.
Pour la gauche l’heure a sonné d’un grand rassemblement
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1. Sale temps pour les révolutionnaires ? , 15 juillet 2007, 15:53
la seule recette efficace c’est la mobilisation générale comme en 36 sauf que là on a une vision corrigée de ce qu’il ne faut pas faire reste a réussir la propagation des luttes le parti révolutionnaire ne peut se faire que dans une période de luttes irrécupérables pour la bourgeoisie et seulement de cette maniere il ne se décrete pas laissons cela aux bureaucrates de tous poils dont c’est le boulot !!
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2. Sale temps pour les révolutionnaires ? , 18 juillet 2007, 00:14, par Tony
Cerise, comme il est écrit dans l’article ci-dessus, « le terme de « gauche », recouvre une grande variété de courants dont la plupart ne défendent pas les intérêts des travailleurs, quand ils ne vont pas carrément à leur encontre ».
Une « grande force de gauche » avec le PS et les Verts ne serait donc pas une aide mais un piège pour les travailleurs. Et quand l’heure sonnera d’un « grand rassemblement » de la gauche, les révolutionnaires auront même pour tache de le combattre.
C’est de ça que parle l’article ci-dessus, mais je ne sais pas si tu l’as bien lu.
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1. Sale temps pour les révolutionnaires ? , 5 août 2007, 18:15
Tony, pourquoi dit-tu que Cerise n’as peut-être pas bien lu l’article, en mettant au passage un peu d’ironie ? Cerise n’est peut-être pas d’accord avec ce qu’elle a lu, non ?
Si non, sur le fond je relèverai un passage :
« Et il est incontestable que si l’extrême gauche dans ce pays a grosso modo plus maintenu le cap que dans bien d’autres, sans rester marginale, cela doit beaucoup à la politique volontariste de LO en direction de la classe ouvrière et sa capacité à ne pas céder à l’opportunisme auquel les autres courants trotskystes se sont trop souvent abandonnés. Ni pour la majorité de LO, ni pour la Fraction il ne doit être question de s’écarter de cette orientation fondamentale. »
Est-ce que celà reste vrai à l’heure actuelle ? Quand on lit votre critique du texte de la majorité, le refus de publier votre tribune dans la LDC, la question se pose. Sans oublier comment c’est constituée la Fraction, l’attitude de la majorité à son égard, comment deux sections ont été exclus il y a dix ans, ...
Il me semble qu’un certains nombre de chose relativise pour le moins le fait de dire toujours que LO garde un meilleur cap politique que la lcr...
José
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