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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 129, novembre 2019 > Retraites

Réforme des retraites : levons le poing !

30 octobre 2019 Convergences Politique

« Il y a trop d’hommes politiques qui jouent avec l’affaire des retraites et qui font miroiter […] ce qu’on appelle les retraites par points. Le système de retraite par points j’y suis favorable, mais il ne faut pas faire croire aux Français que ça va régler le problème des retraites. Le système par points en réalité ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet chaque année de baisser le montant, la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions ».

C’était un spécialiste des réformes des retraites, François Fillon, qui s’exprimait ainsi le 10 mars 2016, devant un parterre de grands patrons. Il était venu se faire adouber comme leur candidat à la future élection présidentielle. Fillon s’est cassé le nez. Macron a pris sa place. Mais le « point » est toujours là, dont Macron tente de faire miroiter les mérites, devant quelques parterres de citoyens de base, mais bien sages, susceptibles de venir participer à la nouvelle campagne de « grands débats » qu’il a inaugurée jeudi 3 octobre à Rodez. « On acquiert des droits à la retraite par des points, parce que c’est plus transparent et plus lisible », y a-t-il déclaré. « Comment on fixe ces points ? C’est le débat que l’on doit avoir ».

Et c’est bien la question, sur laquelle ni les salariés ni les retraités n’auront leur mot à dire. Ce sera l’apanage du gouvernement et d’un « Conseil d’administration de la caisse nationale des retraites », où organisations patronales et syndicats de salariés seraient invités à siéger, pour y négocier périodiquement entre eux les nouveaux mauvais coups. Combien faudra-t-il cotiser pour avoir droit à un point ? Cela pourra changer d’une année à l’autre. Combien d’euros par mois vous vaudront, au moment de votre retraite, les points accumulés ? Mystère et boule de gomme. Ce sera fixé à ce moment-là, et pourra aussi être réévalué d’une année à l’autre en fonction de l’argent qui sera dans la caisse, du taux de chômage, et de cette fichue longévité des retraités qui ne veulent plus mourir assez jeunes.

Et on en a encore pour des mois de ce blabla.

Tenter d’endormir les salariés et offrir un somnifère aux syndicats

Car Macron, ayant eu chaud l’an dernier et voyant qu’à la rentrée l’incendie des Gilets jaunes n’était pas complètement éteint, a décidé de reporter l’adoption de sa réforme à après les élections municipales de mars prochain. Voire même jusqu’à l’été. Question d’endormir la colère, tant que la réforme n’est que pour après-demain, tant que le détail des mesures n’est pas encore entièrement fixé.

Quant aux syndicats, Macron a pour eux un somnifère peu coûteux mais puissant : la cogestion.

Ce n’est pas nouveau : depuis la création, en 1945, du système de sécurité sociale et de retraite que nous connaissons aujourd’hui, les caisses en sont cogérées par les représentants patronaux et les organisations syndicales. Pourquoi « co-gérées » d’ailleurs, puisque l’argent qui entre dans les caisses est le nôtre, une part de notre salaire retenue à la source, dite « salaire différé ». La différence proclamée entre la part dite patronale et la part dite salariale, qui ne se trouvent pas dans la même colonne de votre fiche de paye, n’est qu’un artifice comptable : c’est l’ensemble salaire plus cotisations qui fait pour le patronat ce fameux « coût du travail » que, depuis des années, toute les réformes ont pour but de réduire.

Il fallait bien que le patronat ait son mot à dire : au nom de la parité, les représentants de la poignée des grands patrons sont dans la gestion à égalité avec les représentants de millions de salariés ! Et ce que les représentants des salariés ont la responsabilité réelle de gérer est on ne peut plus minime. Surtout depuis la réforme de 1996, quand il a été décrété que le budget de la Sécurité sociale serait annuellement décidé par une loi votée au Parlement. Peu importe, la gestion d’énormes budgets donne aux principales confédérations syndicales un bon nombre de postes et de pouvoir bureaucratique au-delà de leur influence réelle. Ainsi aujourd’hui la CFDT a la présidence de la plus grosse caisse, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), FO celle de l’assurance vieillesse (Cnav), la CFTC les allocations familiales (Caf). La CGT en a été écartée : les représentants patronaux, qui ont la moitié des voix, préférant voter pour les candidats gestionnaires des autres syndicats. Quant à l’organisme chargé de la gestion de la trésorerie de l’ensemble des branches, il est confié tout naturellement à un représentant du Medef.

13 places pour les syndicats, 13 places pour le patronat…

Le futur conseil d’administration de la caisse nationale de retraites sera de la même eau. Le projet actuel parle de 13 places pour les syndicats et autant pour le patronat. Mais leur nombre justement fait partie des marchandages prévus dans les six mois ou l’année qui vient. Une seule chose est non négociable, son rôle : « Dans le cadre de la trajectoire définie par le Parlement et le gouvernement », précise le projet, ce Conseil « contribuera à déterminer le conditions de pérennité du système ».

Aucun syndicaliste un tant soit peu combatif n’aurait la moindre envie d’avoir la tâche, « dans le cadre de la trajectoire fixée », de revoir périodiquement les hausses de cotisations à exiger des salariés d’un côté, le montant des retraites versées de l’autre, pour garder l’équilibre d’une caisse aux ressources de plus en plus restreintes. Aucun, sauf nos dirigeants confédéraux. Et même ceux qui se diront jusqu’au bout opposés à la réforme, comme peut-être la CGT qui pour l’instant au moins dit que pour les retraites il faut prendre un peu plus dans la poche des patrons. La crainte d’être écarté du Conseil pourrait bien être la menace qui les fera craquer, sous prétexte de garder la possibilité de défendre les salariés au sein dudit Conseil.

En attendant, tous tiennent à ne pas manquer les multiples séances de marchandages que Macron leurs promet pour les mois à venir, sur les divers détails de la réforme.

Notre règle d’or et la leur

Finalement, syndicats comme gouvernants, en « bons gestionnaires », raisonnent pour résoudre la « crise des caisses de retraite » (qui n’en est pas une car pour l’instant les caisses sont plutôt bénéficiaires) avec le même logiciel : puisque les caisses de retraite sont alimentées par les cotisations des salariés, comment équilibrer leurs budgets quand le nombre de retraités par rapport au nombre de salariés augmente ? Une contrainte d’équilibre à laquelle le gouvernement ajoute sa nouvelle règle d’or : interdiction au montant total des retraites de dépasser la barre de 15 % du PIB. Les retraites coûtent trop cher, pas question de réduire la part du PIB qui tombe dans les poches des patrons du CAC 40.

Certes, toutes les réponses ne sont pas les mêmes. Et la CGT dénonce le chômage qui pèse lourdement sur les cotisations sociales, prône l’augmentation des salaires qui entrainerait celle des cotisations aux caisses de retraite. À juste titre, tant les problèmes de l’ensemble du monde du travail, en activité ou en retraite, sont étroitement liés, tant les attaques actuelles contre les retraites ne sont qu’un des volets des efforts du patronat pour réduire au maximum le coût de la main d’œuvre, à côté des réductions d’effectifs et du blocage des salaires.

Mais d’où vient cet axiome de base qui voudrait, au nom de la « solidarité », que ce soit aux pauvres de payer pour les pauvres, aux salariés en activité, et à eux seuls, de travailler plus pour assurer la retraite des vieux salariés ? Où en est, face à ce calcul qu’on nous présente comme irréfutable, la vieille demande du « Droit à la paresse », dont le militant socialiste Paul Lafargue, gendre de Marx, faisait une brochure de propagande il y a déjà plus de 120 ans (1883) ?

Car, sans remonter à plus d’un siècle, si on ne se réfère qu’aux quelques dizaines d’années au cours desquelles se sont succédées les attaques contre notre système de retraite, de la réforme Balladur à celle de Macron, 30 années de travail d’un ouvrier ne produisent-elles pas aujourd’hui autant de richesses que 40 ans au milieu des années 1980 ? Alors c’est au bout de 30 ans de labeur qu’on devrait pouvoir être à la retraite aujourd’hui avec la même retraite qu’en 1985, au lieu de 42 ans, 44 ans, voire plus pour une retraite moindre, comme le prévoit la réforme Macron.

Ce devrait être à la société, grâce à l’ensemble des richesses produites, ce fameux PIB que Macron ne voudrait pas trop écorner au profit des retraités, d’assurer la retraites de ceux qui les ont produites.

Nous vivrions trop vieux ? Non. En tout cas pas les classes laborieuses, au regard de ce que permettent les progrès de l’hygiène, de l’alimentation et de la médecine permet aujourd’hui. Les personnes les plus aisées (revenus supérieurs à 5 800 € par mois), ont une espérance de vie à la naissance de 84,4 ans, selon les chiffres de l’Insee, contre 71,7 ans pour ceux font partie des 5 % de personnes aux salaires le plus bas. (L’écart est plus étroit chez les femmes). Et ne parlons pas de l’âge de vie en bonne santé, encore plus réduit chez ceux qui ont les boulots les plus durs.

Alors notre règle d’or à nous, c’est d’exiger le droit et les moyens de vivre plus vieux, et en bonne santé. Et même revendiquer le droit de vivre tout court ; de profiter de la vie pas seulement après 60 ans d’ailleurs, mais aussi plus jeunes, par la réduction du temps de travail, alors qu’il y a aujourd’hui tant de chômeurs, et pourquoi pas le droit à des années sabbatiques indemnisées, quelques périodes de retraite par anticipation en quelque sorte, au cours de sa carrière, pour se former, se cultiver, voir le monde, au lieu de cet âge couperet où le patron vous vire quand il ne vous estime plus rentable, après avoir épuisé votre santé à la tâche.

Réagir sans attendre

Alors pour commencer, en guise de retraites, puisque nous fixons généralement à au moins 1 800 € net ce qui devrait-être le salaire minimum aujourd’hui, c’est 1 800 € qui devrait être le minimum de toutes les retraites et de tous les minima sociaux. C’est un âge de départ bien inférieur à 60 ans pour tous ceux qui ont eu un travail pénible, et l’amélioration générale des conditions de travail, supprimant les tâches qui détruisent la santé que nous devons exiger. Et c’est le partage du travail entre tous, non seulement par la réduction des horaires, mais aussi par le remplacement des travailleurs âgés par des jeunes qui cherchent des emplois, au lieu de l’incitation (hypocrite car les patrons vous virent avant) à continuer à travailler jusqu’à 65, 67 ans ou plus, sous peine d’avoir une retraite amputée, incitation que Macron, et son émule Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, appellent « le droit à choisir sa retraite ».

La grève du 13 septembre à la RATP (les transports parisiens) avait été massivement suivie. Mais à part une journée d’action CGT le 24 septembre, quand FO appelait pour le 21, le calendrier syndical est resté désespérément vide. Tout au moins jusqu’à cette date du 5 décembre prochain (trois mois après !), jour d’un nouvel appel à la grève à la RATP, auquel commencent à se joindre plusieurs autres appels syndicaux, notamment celui de la CGT des services publics.

Mais l’ampleur de cette journée de grève, qui pourrait bien ne pas concerner que les retraites, mais aussi les licenciements, le manque de moyens et de personnel dans les hôpitaux et autres, sera ce que nous en ferons. Et surtout ce sera aux travailleurs de se charger eux-mêmes, sans attendre les confédérations syndicales, de faire que cette journée ne soit pas, une fois de plus, sans lendemain. Pourquoi pas, au contraire, le début d’une vraie lutte ?

18 octobre 2019, Olivier Belin

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