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Pour une Europe des travailleurs, il faudra un peu plus d’électricité dans l’air !

15 mars 2002

Le jeudi 14 mars est annoncé comme une journée européenne en faveur des « services publics ». Manifestation à Barcelone, en Espagne, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES), à laquelle la CGT et la CFDT ont promis un contingent de troupes. Manifestation aussi à Paris. Mais appels très confidentiels ! A deux jours de ce 14 mars, mis à part les milieux syndicaux, bien malin, parmi les cheminots, électriciens et gaziers, conducteurs de la RATP, postiers ou autres travailleurs concernés, qui peut savoir précisément qui appelle, à quoi et pour (ou contre) quoi ! Et pourquoi pas les hospitaliers (qui manifestent deux jours avant !), voire les enseignants (alors que des instituteurs nombreux sont en lutte en Loire-Atlantique) ou ceux de la « fonction publique territoriale » ? N’y aurait-il pas besoin d’un vrai tous ensemble, imposant, cinglant, préparé avec soin et détermination, contre gouvernants et patrons du privé, qui sont comme larrons en foire, les premiers privilégiant les cadeaux aux seconds au détriment du public, les seconds croquant les bons morceaux des services publics, après « rentabilisation » maximum de certains secteurs par les premiers ?

Le bilan, on le voit, on le vit. Tarifs croissant et prohibitifs contre les usagers les plus pauvres. Réduction drastique des personnels « statutaires » et remplacement par des précaires, toutes catégories, dont les emplois jeunes. Marche accélérée vers la privatisation, ouverte ou insidieuse, à partir d’une « gestion par activités » qui trie, sépare le bon grain de l’ivraie, le « rentable » du reste, pour livrer à terme le plus juteux au privé.

Les travailleurs et les usagers sont loin d’être dupes, ou passifs. Une bonne partie d’entre eux ont déjà débrayé, manifesté. Mais derrière des directions syndicales qui font tout pour taire les responsabilités et détourner de toute préparation d’une lutte d’ensemble. De Bernard Thibault à Nicole Notat, tous ont partie liée avec les institutions, tous nourrissent une complicité étroite avec leurs amis du gouvernement de la gauche plurielle, voire des conseils d’administration patronaux - surtout des grandes entreprises publiques ! Tous sont désormais fiers d’appartenir à cette CES qui ne fait plus depuis longtemps de syndicalisme ouvrier mais du vulgaire lobbying auprès des institutions européennes, en vue d’arracher la négociation d’une quelconque « directive-cadre » !

Pour ce 14 mars, c’est la CGT et le PCF qui font le plus de courants d’air. A croire l’Humanité, les services publics européens seraient menacés par le gouvernement... de José-Maria Aznar, de Silvio Berlusconi et de Tony Blair. Lionel Jospin, connaît pas ! Pourtant, la gauche gouvernementale française a privatisé, précarisé, à tirelarigot. Davantage que ses prédécesseurs de droite. Plus d’un millier d’entreprises publiques et leurs filiales ! Vient aujourd’hui sur le tapis EDF-GDF. En vendre 50 % ou plus, voilà ce qui se discute parmi les socialistes.

Certes, une EDF qui serait un service public immaculé est déjà une fable. Ceux à qui elle coupe l’électricité pour retard de paiement connaissent la rapacité de la firme. Et sa réforme projetée a déjà commencé, par étapes. Notamment avec l’ouverture à la concurrence du marché de 1’électricité, décidée en 1999 par Jospin et sur laquelle les députés du PCF se sont contentés de s’abstenir. EDF est devenue une grande multinationale et le premier fournisseur mondial d’électricité. Et il faut bien ouvrir le marché chez soi, si l’on veut aller exploiter ailleurs ! Si l’on en croit le quotidien « La Tribune », EDF vient d’acquérir discrètement le plus important réseau de distribution, Eastern Electricity, auprès du groupe américain TXU. L’opération a été réalisée par la filiale d’EDF au Royaume-Uni, London Electricity (elle-même acquise en janvier 1999 pour un très gros pactole).

La « libéralisation » est un des volets de la politique d’un trust comme EDF, à qui elle assure des participations croisées sur le marché mondial. Il en va de même de la SNCF qui a pris sa part du dépeçage des chemins de fer britanniques ! Alors Aznar, Berlusconi et Blair, là-dedans ? Tellement pires, ou différents, des Jospin, Fabius ou Strauss-Kahn ?

Pas besoin de passer le tunnel du Mont-Blanc, que Jean-Claude Gayssot vient de réouvrir contre l’avis d’une écrasante majorité de la population, pour aller chercher Silvio Berlusconi. Ni celui du Somport pour aller chercher José-Maria Aznàr ou le Channel pour attaquer Tony Blair ! Les travailleurs ont des ennemis à combattre, ici même !

Cela n’empêche évidemment pas de participer aux manifestations du jeudi 14, à Paris ou à Barcelone. Mais la classe ouvrière d’Europe, si elle veut imposer l’interdiction des licenciements, la fin de la précarité et l’embauche massive, pour des services publics de qualité, devra compter sur ses propres forces, et surtout pas sur la cohorte des amis politiques et syndicaux des Jospin... Blair, Aznar et Berlusconi !

Michelle VERDIER

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