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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 91, janvier-février 2014

Portugal : Un Noël réchauffé par la combativité des travailleurs !

Mis en ligne le 14 janvier 2014 Convergences Monde

Les éboueurs de Lisbonne étaient en grève pendant la période des fêtes, suivis certains jours par d’autres fonctionnaires de la municipalité. Mais aussi les pilotes d’Easyjet et le personnel au sol de l’aéroport – privatisé au profit de Vinci dernièrement – contre la dégradation de leurs conditions de travail.

Les éboueurs ont tenu un piquet de grève entre Noël et le Nouvel An devant une des plus grandes déchetteries de la ville afin d’entraîner d’autres collègues dans le mouvement. Le personnel de la mairie se bat contre un projet de démantèlement programmé de plusieurs services, en particulier celui du ramassage des ordures et du nettoyage urbain, le maire socialiste de la ville voulant transférer la responsabilité et le financement aux 24 « freguesias » (équivalent des arrondissements) de la capitale. Les éboueurs veulent donc mettre en échec le vote de ce projet par le Conseil municipal courant janvier et ce, malgré les propos rassurants du maire qui affirme que tous garderont leur statut et leur emploi. Personne n’est dupe ! En cette période de privatisations accélérées, les arrondissements seraient libres de sous-traiter, externaliser en prétextant des coupes budgétaires déjà prévues. Libres par la même occasion de casser la capacité du personnel (1 800 employés dont 870 affectés au nettoyage urbain) de se mobiliser ensemble. C’est tout cela que craignent les grévistes.

Un automne mouvementé

Cette grève s’inscrit dans une série de mouvements qui ont marqué l’automne 2013. Bien que menés en ordre dispersé, ils n’en témoignent pas moins de la combativité des travailleurs à un moment où les attaques pleuvent. Dès janvier, la loi budgétaire 2014 implique de nouvelles restrictions ainsi que le passage de 35 à 40 heures pour toute la fonction publique sans rémunération supplémentaire. Après avoir connu ces deux dernières années des baisses de salaire allant jusqu’à 25 %, des coupes supplémentaires sont prévues, entre 2,5 et 12 % en moins sur les salaires supérieurs à 600 euros.

Donc, le 8 novembre dernier, tous les fonctionnaires étaient majoritairement en grève, notamment ceux des entreprises de transports publics qui avaient commencé à effectuer des arrêts de travail depuis fin octobre. Des policiers manifestants avaient même fait la une en affrontant un barrage de forces de l’ordre sur les marches de l’Assemblée nationale. Pourtant, les directions syndicales n’avaient pas même pas appelé à une manifestation, le minimum pour que tout le monde se retrouve ensemble.

Fin novembre, c’était au tour des postiers de faire une journée de grève très suivie contre la privatisation de la poste, bradée par le gouvernement aux appétits privés. Quant aux professeurs, ils sont encore une fois menacés par le projet d’une épreuve d’évaluation qui signifierait pour nombre de contractuels un licenciement pur et simple, parfois après dix ans de service ! Ils ont raison de se sentir menacés puisque des milliers d’entre eux ont déjà été licenciés ces dernières années. Suite à leurs actions menées cet automne, ils se sont sentis confortés par le soutien des parents d’élèves ainsi que par une décision du tribunal administratif de Porto qui vient de suspendre la mise en place de cette épreuve par l’Éducation nationale.

Forts aussi des journées de grève de l’automne, les travailleurs des transports publics, menacés de nouvelles baisses de salaires, devaient participer encore à des arrêts de travail en janvier – trains, compagnies de bus, métro, ferrys. Ceux du métro de Lisbonne risquent de perdre une retraite complémentaire qui existe depuis 1960 et que le gouvernement voudrait « suspendre » en arguant du déficit, alors que 17 % des effectifs de l’entreprise ont déjà été supprimés et que le prix des tickets et pass a déjà augmenté, jusqu’à 140 % depuis 2011 ! Le ministre des Transports prend toutes les pincettes en annonçant que cette mesure ne serait effective qu’après trois ans de mauvais résultats mais personne n’y croit.

Cela dit, au vu de ces grèves organisées en ordre dispersé, le gouvernement n’est pas encore aux abois et peut passer bon nombre des mesures prévues.

La Révolution des Œillets comme référence

Pourtant le discrédit du gouvernement est total. Il est associé à toutes les mesures d’austérité qui n’ont fait qu’augmenter la pauvreté et le chômage ces dernières années. Même s’il met en avant les exigences de la « troïka » – les instances européennes et le FMI – afin de rembourser le dernier prêt de 78 milliards d’euros, la majorité de la population tient ce gouvernement pour responsable de la situation. Les gens sont d’autant plus choqués que certains ministres appellent directement la population à partir à l’étranger pour s’en sortir, prônent les vertus du serrage de ceinture alors qu’ils baignent dans des affaires de corruption ou déclarent que le Smic (moins de 480 euros) serait trop élevé...

Tandis que 120 000 chômeurs sont partis du pays en 2013 – ce dont se réjouit le gouvernement qui annonce des chiffres du chômage « stables » – 24 milliardaires portugais ont vu leur fortune progresser de 16 % en un an. Et, selon la banque suisse UBS, 85 millionnaires supplémentaires disposent d’une fortune personnelle dépassant les 22 millions d’euros.

Cette année sera célébré le quarantième anniversaire de la Révolution des Œillets, qui avait permis de mettre à bas un régime dictatorial et d’en finir avec la guerre coloniale qui durait depuis 20 ans. Beaucoup de manifestants, notamment des jeunes, s’y réfèrent aujourd’hui en chantant l’air révolutionnaire qui avait marqué les événements de 1974. À l’époque, les travailleurs des arsenaux, des banques et bien d’autres avaient été à la pointe de la lutte pour changer la société. Beaucoup avaient d’ailleurs été très déçus par la politique de la gauche, Parti Socialiste et Parti communiste, qui avait pris les commandes.

Aujourd’hui, pour qu’une lutte d’ampleur s’engage, il faudrait de la même manière que les travailleurs prennent confiance pour engager un vrai bras de fer avec le gouvernement. Bras de fer qui n’est possible que s’ils mettent toutes leurs forces en commun pour l’emporter, pour gagner tout à fait la sympathie de la majorité de la population qui leur est d’ailleurs déjà largement acquise.

4 janvier 2014, Anne HANSEN

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