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Papeterie de Bègles : le piège des SCOP

2 août 2021 Brève Entreprises

La papeterie de Bègles, dans la région bordelaise, qui employait 600 personnes dans les années 1960, n’en compte plus que 90 aujourd’hui. Les machines ont cessé de tourner, mais le propriétaire étudie plusieurs propositions de reprise, dont celle de l’association des anciens salariés. Ceux-ci se retrouvent donc en concurrence avec des capitalistes intéressés par l’affaire. Leur espoir est qu’une SCOP (Coopérative ouvrière) leur permettrait de conserver leurs emplois. Face aux difficultés de retrouver du travail dans la région, leur tentative est bien compréhensible. Mais c’est aussi un piège car ils se retrouveraient dans la même situation de concurrence qui les contraindrait à se verser des salaires plus bas et à travailler davantage pour être compétitifs. Sans aucune garantie de succès car très peu de SCOP parviennent à se maintenir durablement. Et il est scandaleux qu’ils soient obligés d’engloutir leurs économies pour garder un emploi, alors que ceux qui les ont exploités pendant des décennies et se sont enrichis sur leur dos toucheraient en plus le prix du rachat.

Réactions à cet article

  • Qualifier les Scop de piège ne me parait pas très réfléchi. L’auteur s’en prend au capitalisme, c’est-à-dire notamment à la recherche du rendement du capital au détriment des travailleurs et des consommateurs. La SCOP limite fortement la rémunération en capital et interdit les plus values sur la revente des actions (parts sociales). C’est donc bien une alternative à l’entreprise capitaliste. Mais si l’on ne veut plus des capitalistes, il faut bien remplacer leur capital par un apport des salariés, sinon impossible d’acquérir et développer un outil de travail et de mobiliser des financements. Si l’auteur ne veut ni le capitalisme, ni la SCOP que reste t’il ? Le tout Etat qui vire bien vite à la dictature. Pas bien révolutionnaire.

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    • L’idée de changer la société en transformant les entreprises capitalistes en coopératives ouvrières est très ancienne. Elle se heurte à plusieurs obstacles. Le principal est l’existence de l’État qui garantit la propriété privée des entreprises et ne laisserait pas exproprier leurs propriétaires et actionnaires. Les coopératives ne peuvent donc concerner, dans la société actuelle, que quelques entreprises en faillite reprises par une partie de leurs salariés ou la création de petites entreprises. Le second obstacle, c’est que les coopératives se retrouvent dans un environnement capitaliste. Elles ne peuvent donc échapper à ses lois, à savoir la concurrence avec les autres entreprises du même secteur, nationales et internationales, et à la nécessité d’équilibrer leurs comptes. Cela implique d’atteindre une productivité qui les rende compétitives, alors que toutes sortes de facteurs leur échappent : évolution du marché, prix des matières premières, apparition de nouvelles technologies, etc.

      Cet environnement exerce une pression qui contraint les coopératives, même débarrassées des actionnaires, à rechercher la compétitivité, c’est à dire la diminution des coûts de production, y compris bien entendu des salaires. C’est d’ailleurs pour cela que les premières mesures acceptées par les coopérateurs sont bien souvent des sacrifices, sous forme de baisses de salaires et d’augmentations de la durée du travail qu’on espère provisoires.

      Les coopératives se voient aussi contraintes, toujours dans le cadre de cette concurrence, d’adopter les même méthodes que les autres entreprises : division du travail, primes et même hiérarchie. Cela va d’ailleurs fréquemment jusqu’à embaucher des salariés qui n’ont pas le statut de coopérateurs, y compris des précaires. Certains cadres de coopératives, au fil du temps, deviennent parfois de nouveaux exploiteurs en s’attribuant toutes sortes d’avantages. En dépit de tous ces sacrifices et concessions, les coopératives sont rarement viables, sauf celles qui, justement se transforment entreprises classiques, même sans actionnaires. Elles peuvent d’ailleurs ouvrir leur capital à des associés extérieurs. Même si ceux-ci ne peuvent en détenir 50 %, la gestion démocratique n’est plus qu’une fiction. Un exemple parmi d’autres : les 289 entreprises rattachées au plus grand complexe coopératif du monde, le groupe Mondragon, au Pays Basque espagnol (75 000 travailleurs au total dont 45 000 coopérateurs) ont vu, au fil des ans, le fossé s’approfondir entre coopérateurs et salariés, ces derniers n’étant plus intégrés aux coopérateurs ou ne voulant pas l’être. On pourrait dire la même chose des 250 kibboutzs israéliens (80 000 personnes), structures très égalitaires à l’origine, qui ont fini par embaucher des salariés non-membres du kibboutz, de privatiser des logements, voire de bâtir des résidences louées ensuite à des particuliers.

      En France la coopérative la plus emblématique fut celle de LIP qui vit le jour en 1977 à la suite d’une longue lutte. Elle prit fin en 1983 en se transformant en SARL classique puis fut rachetée, liquidée et ses derniers salariés à nouveau licenciés…

      Nous avons un autre exemple très significatif, c’est celui des coopératives minières de Bolivie. Celles-ci furent créées dans les années quatre vingt en raison de la chute du cours de l’étain qui déclencha des licenciements massifs de mineurs. L’objectif du gouvernement était de faire accepter ces licenciements en laissant miroiter aux mineurs la possibilité de créer leurs coopératives. Le développement de ce secteur coopératif marqua un recul social considérable car les mineurs représentaient une force qui avait réussi à imposer toutes sortes de mesures sociales dans les domaines de la sécurité, de la santé, de l’éducation et du logement. Les coopérateurs perdirent tout cela d’un seul coup. Aujourd’hui, ces coopératives ne sont que des entreprises privées déguisées qui exploitent très durement des mineurs sans statut, notamment des enfants.

      Les coopératives peuvent cependant être conçues comme des situations transitoires permettant la survie des travailleurs, dans un contexte de lutte. C’est le cas par exemple de la coopérative de céramique Zanon de Neuquen en Argentine dirigée par des révolutionnaires qui se fixent pour objectif la transformation révolutionnaire de la société.

      Enfin, à notre avis, c’est une caricature de considérer la société socialiste que nous voulons construire comme le triomphe de l’étatisme à la manière des états staliniens. Une fois effectuée l’expropriation, au profit de la collectivité, des grands groupes financiers, industriels et commerciaux, Il est parfaitement possible d’imaginer diverses formes d’associations de producteurs bénéficiant d’une large autonomie dans le cadre d’un État ouvrier. Celles-ci ne seraient alors plus soumises à une concurrence de type capitaliste mais pourraient passer des accords et prendre des engagements dans le cadre d’une planification démocratique de l’économie.

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