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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 108, novembre 2016 > Ecoles

Contre la ségrégation sociale à l’école

« Mixité », ou justice sociale ?

10 novembre 2016 Convergences Société

À la rentrée, une tribune de deux pages très détaillée de Thomas Piketty [1] dans Le Monde du 5 septembre, relançait le débat sur la ségrégation sociale dans les collèges, tout particulièrement à Paris.

Le constat est sans appel : enfants de la bourgeoisie et enfants des milieux populaires ne se mélangent pas au collège. Les collèges huppés comptent moins de 1 % d’élèves défavorisés, alors que d’autres établissements en comptent plus de 60 %. Les cartes publiées dans Le Monde sont éloquentes : ces établissements sont concentrés dans les 18e, 19e et 20e arrondissements, en général non loin du périphérique. Tout peut se jouer à quelques rues d’écart : le collège de la butte Montmartre, Yvonne-Le Tac, a seulement 9 % d’élèves issus de milieux défavorisés, quand les collèges alentours en comptent beaucoup plus. Ces inégalités sont donc liées à la ségrégation sociale qu’on peut observer entre les différents quartiers.

Mais le succès du privé est aussi pour beaucoup dans cette ségrégation : à Paris, plus d’un élève de collège sur trois est dans le privé (36,1 % en 2015) et cette proportion est en augmentation. 75 % des élèves scolarisés dans les collèges privés sont issus de classes très favorisées, contre 39 % dans le public (chiffres de 2014).

Le privé échappe à la carte scolaire, les familles peuvent donc choisir leur établissement, lequel peut librement faire le tri entre les élèves qu’il accepte ou refuse. Mieux, les collèges privés ont conservé les options qui étaient bien souvent supprimées dans le public, ils ont même ouvert en toute tranquillité des classes bilangues (commencer deux langues dès la 6e) alors que la moitié des classes bilangues des collèges parisiens ont été supprimées.

Face à ce constat de véritable apartheid social, Piketty réfléchit à des solutions. Mais pas d’emballement. L’économiste ancien conseiller de Ségolène Royal (en 2007), n’est pas un subversif. Dans son livre le Capital au xxie siècle, il n’envisageait qu’une « révolution fiscale » pour anéantir les inégalités. Cette fois, il en appelle après tant d’autres, à des mesures favorisant « la mixité sociale » dans les collèges. Mélanger à l’école enfants des riches et enfants des pauvres, la solution à l’injustice sociale ? À l’inégalité scolaire ?

L’état des lieux était dévastateur, les solutions proposées dérisoires

Piketty propose la mise en place d’une procédure informatisée d’affectation des élèves en collège, à l’image de celle qui existe déjà pour l’affectation en lycée : la procédure dite Affelnet, laquelle prend en compte les notes, les vœux d’affectation des élèves et des « points boursiers » pour les élèves les plus défavorisés. La grande volonté réformatrice de Piketty accouche... d’un algorithme. On est économiste ou on ne l’est pas. Soyons juste, selon le souhait de Piketty, cette procédure inclurait les collèges privés. Bref, une carte scolaire... pour le privé ! Et qui contraindrait ceux qui contournent la carte ?

Il existerait pourtant d’autres solutions. Et cette fois, même pas de contraintes. Mais une question de choix politique : tout simplement fournir les moyens nécessaires au fonctionnement pédagogique efficace des collèges publics, de sorte que tous rêveraient d’y inscrire leurs enfants : par exemple deux profs présents dans chaque salle de classe, 15 élèves par classe maximum, des heures en plus pour l’apprentissage des langues ou le soutien… On verrait alors de véritables caricatures de familles filmées à la « manif pour tous » se précipiter, très librement, pour y inscrire leurs chères têtes blondes.

10 octobre 2016, Lydie GRIMAL


[1Auteur du Capital au xxie siècle et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.

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