Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Autres > Tribunes de la Fraction dans l’hebdomadaire Lutte ouvrière > 2003 > août > 19

Les urgences du capitalisme

19 août 2003

Face à l’émotion suscitée par les victimes de la canicule, Raffarin a fini par écourter ses vacances, et est allé porter quelques verres d’eau, devant les caméras bien sûr, aux résidents d’une maison de retraite. Toute honte bue, il a dénoncé « l’individualisme et l’égoïsme de la société ». Coupables, les familles qui laissent leurs vieux à leur solitude pour partir en vacances, et les voisins « indifférents aux volets clos »  !

Petit cinéma dérisoire, pour essayer de faire oublier son incurie. Sa bienveillance envers les personnages âgées, le gouvernement l’a déjà prouvée, et tout récemment : parce qu’il trouvait trop chère l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui doit favoriser l’aide à domicile et le financement de l’entrée en résidence, il en a limité les droits d’accès et réduit le budget de 400 millions d’euros. Il a également divisé par deux l’enveloppe destinée à favoriser l’embauche de nouveaux personnels soignants dans les maisons de retraite ! Et qui a diminué le remboursement de nombreux médicaments largement consommés par les personnes âgées ? Qui, après avoir amputé les retraites en juin, prévoit de s’attaquer à la sécurité sociale en octobre, ce qui restreindra encore plus l’accès aux soins des vieux travailleurs ?

Mais les causes qui ont rendu si meurtrière cette canicule remontent à bien plus loin : manque d’effectifs et d’équipements, insuffisance chronique de l’aide à domicile et des urgences, l’hôpital et tout le système de santé ont été mis au régime sec pendant de longues années. En dénonçant l’apathie de la bande à Raffarin, les dirigeants socialistes, d’ailleurs, ne manquent pas d’air : la santé n’était pas davantage pour eux une urgence quand ils étaient au gouvernement.

Quand la sonnette d’alarme a été tirée par des médecins et des associations, le gouvernement n’a pas eu l’air trop pressé : Mattei, avant de relativiser les estimations sur le nombre des victimes, annonçait à la télé l’ouverture… d’un numéro vert pour les conseils de prévention.

Pourtant, empressé, vif à réagir, la main sur le cœur et le portefeuille, le gouvernement a su l’être, cet été : pour Alstom !

Là, vraiment, ça chauffait ! Pour renflouer ce groupe au bord de la faillite, et sauver au passage la mise des banques qui en sont les actionnaires et les créditrices, l’Etat n’ a pas hésité à intervenir massivement et mobiliser des milliards ! L’emploi ne sera pas pour autant sauvé, les licenciements auront bien lieu.

Impossible de se tromper sur les vraies urgences du gouvernement : pas la santé des anciens, celle des profits.

Outre-Atlantique, la même logique a mené à la plus grande panne d’électricité de l’histoire, que le gouvernement tente d’attribuer…à l’utilisation excessive des climatiseurs. Il a suffi d’une heure pour qu’une série d’incidents sur des lignes de haute tension provoque en cascade l’écroulement de tout le réseau nord-est des Etats-Unis : 60 millions d’américains et de Canadiens privés de lumière, de train, de téléphone, d’ascenseurs, de frigos, et parfois d’eau, pendant plus de 24 heures, des centaines de milliers de personnes contraintes de dormir dans la rue ! Un chaos directement engendré par l’anarchie capitaliste. Si la puissance américaine entretient la plus moderne armée du monde, elle possède « un réseau électrique digne du tiers-monde », selon un ancien secrétaire à l’énergie de Clinton. Depuis 10 ans, les Etats-Unis y ont investi les mêmes sommes que la Grande-Bretagne, pour une consommation 10 fois supérieure. La production et la vente ont été totalement dérégulées. De nombreux trusts comme Enron ont édifié des fortunes en spéculant sur les cours de l’électricité, mais fort peu investi dans la remise à niveau des centrales et du réseau de distribution, car ce n’est pas assez rentable. Selon Les Echos du 18-08, la « boucle de l’Erié », un circuit de 1600 km de lignes d’où serait partie la panne, « fonctionne un peu comme un marché où les compagnies d’électricité (…) viennent vendre ou acheter leur électricité au gré des besoins », et « il n’existe pas d’autorité régulatrice supérieure ». Déjà, pour les mêmes raisons, domination du profit privé et absence de toute planification générale, la Californie avait subi en 2001 de graves pénuries d’électricité. Encore un avertissement pour rien…

De part et d’autre de l’Atlantique, l’Etat ne sait intervenir qu’au chevet… des profits.

Bernard RUDELLI.

Imprimer Imprimer cet article