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Dans les hôpitaux de Lyon

Le règne de la pénurie

18 avril 2020 Article Entreprises

Les Hospices civils de Lyon (HCL) connaissent une pénurie grave de matériels de protection. La direction l’a reconnu dans un courrier adressé à l’ensemble des agents hospitaliers.

Une pénurie généralisée d’équipements de protection

Elle dit avoir quémandé partout des masques, des sur-blouses, des gants, des tabliers… peine perdue. Les hôpitaux lyonnais disposent encore d’une réserve de masques, du fait du rationnement déjà effectif (prolongement de la durée maximale d’utilisation des masques, utilisation de masques périmés), auquel s’ajoute une commande de masques à la Chine. Mais la rupture est d’ores et déjà effective pour les autres équipements. Et voici la direction des HCL, le 2e CHU de France après l’AP-HP, réduite à faire appel aux dons des particuliers sur les réseaux sociaux et via sa Fondation.

Quant aux règles d’hygiène élémentaires, elles sont sacrifiées à l’urgence. Au rationnement des masques s’ajoute celui des gants – certains services devant se contenter de gants en latex au lieu des gants en vinyle ou nitrile de rigueur –, et même des sur-blouses dans les services Covid-19. L’autre solution est celle du recyclage : les sur-blouses et les tabliers de protection, normalement à usage unique, sont récupérés, lavés et remis en circulation. Cerise sur le gâteau, la direction a mis à disposition des hospitaliers un tutoriel pour fabriquer eux-mêmes leurs tabliers de protection à partir de sacs poubelle [1]

C’est dire si les travailleurs sont seuls face au danger de la maladie. Résultat : au 11 avril, selon les chiffres de l’Agence régionale de santé, près d’un tiers des personnels testés des HCL ont été diagnostiqués positifs au Covid-19 – soit 509 personnes officiellement infectées [2].

Les conséquences d’une politique sanitaire irresponsable…

Comment en est-on arrivé là ? La direction invoque le fait que les équipements de protection individuels (EPI) « se vendent au prix fort selon des règles qui dérogent aux règles habituelles du commerce international ». Lamentables effets de la concurrence capitaliste… Il va de soi, cependant, que la pénurie aurait pu être anticipée pour les sur-blouses, gants et tabliers, comme elle aurait pu l’être pour les masques ! Les travailleurs hospitaliers payent aujourd’hui la faillite des autorités sanitaires en amont de l’épidémie.

Mais ils payent aussi l’échec de la politique actuelle des directions, des ARS et de l’État, notamment leur servilité à l’égard des industriels. Ainsi le gouvernement, après avoir autorisé la réquisition des masques au début de la crise – le 13 mars –, le gouvernement s’est empressé de faire machine arrière – une semaine plus tard – en abrogeant son décret sur les réquisitions [3]. À ce moment, Olivier Véran annonçait en fanfare avoir commandé 250 millions de masques, notamment en Chine, mesure qui, depuis, s’est révélée insuffisante [4]. Contacté par le cabinet de Macron avant l’officialisation de cette décision, le Medef s’est empressé de rassurer les patrons : « En cas de surplus d’approvisionnement par rapport à leurs besoins, les entreprises pourront être invitées à en reverser une partie aux autorités sanitaires. » Qui détermine ces besoins, si ce n’est les capitalistes, en fonction des profits escomptés ?

…mais très responsable vis-à-vis des patrons

Le gouvernement a en fait, de façon très responsable vis-à-vis de la bourgeoisie, adapté sa communication auprès des fournisseurs. C’est ce que montre une note du ministère de l’Économie et des finances adressée aux fournisseurs potentiels, qui évoque « d’une part le nombre de contrats déjà signés par l’État pour assurer l’approvisionnement en masques des services de santé et, d’autre part, l’importance de la crise et de l’étendue des besoins à satisfaire hors personnel médical […] ». Les hôpitaux seraient donc, selon le discours officiel, déjà bien dotés. Un discours en décalage complet avec la réalité vécue par les travailleurs de la Santé.

Ainsi, aux HCL, la direction avoue avoir collaboré avec la CGPME et le Medef locaux, et sollicité les entreprises susceptibles de posséder des EPI. Un appel aux dons couronné d’échec : « Tous ces industriels sont dans la même situation de tension pour leur approvisionnement en EPI que les hôpitaux », confesse la direction des HCL. Tiens donc !

Des réquisitions sont nécessaires !

Mais la production de ces industries est-elle nécessaire, eu égard à l’urgence sanitaire ? La propagation du virus ne serait-elle pas plus vite endiguée, si de nombreux salariés n’étaient contraints de continuer à travailler ? N’est-il pas possible de libérer des EPI en grande quantité en arrêtant les productions qui ne sont pas directement liées à la lutte contre le Covid-19 ? N’est-il pas possible, également, de réquisitionner des usines pour la fabrication de ces équipements, au lieu de s’en remettre à la bonne volonté des particuliers ?

La réponse à ces questions est évidente, mais il ne faudra compter que sur les travailleurs pour les poser – et pour imposer les réquisitions nécessaires aux industriels et aux autorités sanitaires.

Aldo Battaglia


[1À cette pénurie pourrait s’ajouter des difficultés d’approvisionnement des médicaments liés à la réanimation.

[2Sans compter tous les asymptomatiques infectés par le virus mais qui n’ont pas été testés.

[3Mais l’État peut encore, sous certaines conditions, réquisitionner les plus grosses commandes (plus de 5 millions de masques sur un trimestre).

[4Sur ces « embrouilles de la mégacommande » de l’État, voir l’enquête de Mediapart, qui montre notamment comment le ministère de la Santé a largement bidonné les chiffres communiqués à la presse : https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-apres-le-mensonge-le-fiasco-d-etat?onglet=full.

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