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La vraie réussite du 9 juin et de l’appel des LU

8 juin 2001

Les députés du PCF vont-ils voter contre la loi Guigou, se contenteront-ils de s’abstenir, ce qui siérait fort bien à Jospin, ou pire voteront-ils pour ? La question n’est pas encore tranchée à l’heure où nous écrivons et où les tractations entre Alain Bocquet, président du groupe, et le ministre continuent bon train.

Pour les travailleurs menacés la loi Guigou, même amendée, est évidemment inacceptable. Il n’est toujours pas question d’interdire les licenciements, ni même d’opposer un « veto suspensif » comme le proposait initialement le PCF. Au mieux, le comité d’entreprise se verra octroyer la possibilité de faire des contre-propositions, via un médiateur, au plan de la direction. On connaît d’avance la réponse et surtout le résultat.

Alors loi ou pas, les LU, Marks & Spencer, AOM-Air liberté, Dim, Péchiney, Bata et les dizaines d’autres n’ont pas d’autre choix que de continuer et d’intensifier la lutte s’ils veulent empêcher les licenciements.

Le vote du PCF

Le vote des députés du PCF a tout de même son importance car il pourrait, s’il était négatif, contribuer à encourager cette lutte, encourager les travailleurs de ces entreprises, encourager tous les militants qui à travers le pays se sentent solidaires et ont enregistré le 9 juin comme un premier pas. Ou au contraire contribuer au découragement si ce vote aide Jospin et Guigou ; si par exemple le PCF renouvelle l’opération qu’il a réalisé le 16 octobre 1999 : soi-disant du côté des travailleurs en manifestant le samedi contre les licenciements (à l’époque ceux de Michelin) et votant le mardi la loi Aubry qui allait permettre de porter de nouveaux coups à la classe ouvrière.

A l’époque Robert Hue s’était senti assez sûr de lui pour étaler ouvertement sa stratégie, précisant la veille même du 16 octobre qu’il voterait la loi immédiatement après. Puis il avait gardé la main en annonçant une nouvelle manifestation pour le 11 décembre, qu’il n’a pas eu trop de mal à enterrer. Plus personne et surtout pas les militants du PCF eux-mêmes ne voyaient de sens à continuer une action que le parti avait désavouée dans les faits par son vote.

Aujourd’hui l’initiative des LU a un peu modifié la donne et la liberté de trahir du PCF, qui semblait pourtant bien parti pour renouveler tranquillement son coup du 16 octobre. Robert Hue a pu en effet, dans un premier temps, se sentir à l’aise, convoquant une première manifestation à Calais le 21 avril, puis annonçant qu’il prendrait une nouvelle initiative nationale, sans garantir qu’il n’allait pas rééditer ce qu’il avait déjà fait avec le 11 décembre 1999. L’initiative prise par les organisations syndicales et les salariés de LU-Danone, Marks & Spencer, AOM-Air Liberté (survenant dans la foulée des résultats des municipales) aura au moins contribué à l’inciter à ne pas oublier trop facilement ses bonnes intentions, comme l’auront montré ses hésitations à laisser passer la loi Guigou.

Un premier pas

L’initiative des LU n’a pas amené la grande mobilisation souhaitée par eux et qui serait nécessaire pour changer le rapport des forces. Dans le contexte actuel une part essentielle de la réussite dépendait évidemment de la volonté des organisations ouvrières de s’y joindre. C’est pourquoi ils avaient pris soin de n’opposer personne et de s’adresser fraternellement à tous les militants des organisations ouvrières ou de gauche, partis, syndicats, associations, comme à leurs directions, en s’inscrivant dans la continuité des actions qui avaient déjà été prises ou qui étaient envisagées, réussissant quand même au passage à faire défiler les SUD et la FSU avec le PCF, ce qui n’avait pas été le cas les fois précédentes.

Mais les grandes confédérations qui ont vite pris la température avant de se déclarer opposées dans le cas de la CFDT et de FO, la CGT gardant jusqu’au bout une certaine ambiguïté... bien négative. Il aurait sans doute fallu que la pression soit plus forte pour que cette dernière se joigne à cette initiative.

La manifestation du 9 juin a donc réuni le double, au moins, des manifestants venus à Calais. C’est évidemment loin de ce qui serait nécessaire pour redonner espoir et confiance à des millions de travailleurs même si ce n’est pas rien.

Mais la vraie réussite du 9 juin n’est pas dans le nombre de manifestants. Elle est qu’elle a contribué à faire apparaître que deux idées trouvent un impact un peu plus grand dans le monde du travail, aussi bien parmi les militants que parmi les travailleurs du rang.

D’abord qu’il faudra bien finir par imposer aux patrons l’interdiction des licenciements, comme en témoignaient les slogans les plus fréquemment repris : « Plans sociaux, ras l’bol, plans scélérats, y’en a marre, interdisons les licenciements ! », « Jospin, Jospin, arrête ton baratin, le plan Guigou vaut pas un clou ». Le PCF, lui, préférait insister sur la « suspension des licenciements par la loi ».

Ensuite que l’idée du « tous ensemble », de la nécessité de la mobilisation de tous, salariés, licenciables et chômeurs a continué à faire son chemin.

Bata, en ce moment même, montre que la question des licenciements reste plus que jamais dramatiquement d’actualité, mais aussi que rompre l’isolement est bien une question vitale pour tous les travailleurs.

C’est dans cette direction que les LU ont voulu aller, et qu’ils entendent continuer d’aller. Le 9 juin n’était donc qu’une première étape. Au PCF, comme à tous les autres partis et syndicats, extrême gauche comprise, de dire et montrer maintenant s’ils entendent suivre ou pas dans les prochaines.

Raoul GLABER

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