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L’avortement, un droit toujours à défendre

19 novembre 2022 Article Société

Les débats parlementaires sont lancés depuis un mois sur la question de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, une proposition qui vient notamment de la gauche. Malgré les oppositions de la droite et de l’extrême droite, un texte a finalement été adopté à l’Assemblée nationale, qui doit encore passer par le Sénat.

Chercher à protéger l’avortement dans une période où ce droit acquis de haute lutte est remis en cause partout dans le monde, quand il existe, y compris en Europe, paraît nécessaire. En Pologne, il n’est maintenant autorisé qu’en cas de viol ou de mise en danger pour la vie de la mère. En Hongrie, on oblige les femmes qui veulent interrompre leur grossesse à écouter les battements de cœur du fœtus. À Malte, l’avortement reste un crime, jugé comme tel par la justice. Tout cela sans compter les médecins objecteurs de conscience qui rendent l’avortement presque impossible dans certains pays, comme l’Italie, qui l’ont pourtant légalement autorisé. Alors en réponse, les députés de l’Union européenne inscrivent l’avortement dans la Charte des droits humains… au côté du « droit à vivre décemment de son travail ». Autant dire qu’il s’agit d’un effet de manche plus que d’une garantie pour ce droit menacé.

L’État défend l’IVG en parole…

Face à cette offensive réactionnaire, on ne peut compter ni sur les députés de l’Union européenne, ni sur les membres de l’Assemblée – et encore moins sur un Sénat où la droite, dont le fonds de commerce est l’affirmation des prétendues « valeurs de la famille », s’est considérablement renforcée après les législatives.

Charte des droits humain ou Constitution peuvent être piétinées aisément. Les garants des textes de loi sont ceux qui nous gouvernent, et lorsque la situation politique s’y prête, les politiciens les plus réactionnaires et l’État n’hésitent pas une seconde à revenir sur les droits. L’annulation de l’arrêt Roe vs Wade qui protégeait l’accès à l’avortement par la Cour suprême américaine n’est que le dernier exemple en date.

… mais le détruit dans les faits !

L’avortement n’est pas qu’une question de lois. C’est aussi une question de moyens.

D’abord les moyens financiers dont disposent les femmes qui veulent avorter. Au Portugal, l’avortement reste inscrit dans la loi comme un droit, mais le gouvernement l’a rendu payant. Dès lors que les frais liés à l’interruption volontaire de grossesse sont à la charge des patientes, ce sont les femmes des classes populaires qui en pâtissent. De même, elles sont privées du droit à disposer de leur corps lorsque les pouvoirs publics coupent dans les budgets des associations qui permettent aux personnes les plus fragiles d’avoir accès à l’avortement. En France par exemple, le Planning familial, qui reçoit gratuitement des milliers de personnes chaque année, a pâti de la nouvelle répartition des subventions allouées aux associations – certains départements, comme le Rhône, enregistrent jusqu’à 30 % de baisse de budget dès 2019.

L’inscription de l’avortement dans la Constitution ne compensera pas ces difficultés d’accès. Difficultés qui sont renforcées par les attaques contre le service public de santé. En quinze ans, ce sont 130 centres pratiquant l’IVG, et des dizaines d’établissements hospitaliers où il était possible d’avorter qui ont fermé. Les déserts médicaux posent problème pour la prise en charge de nombreuses maladies, mais aussi pour l’exercice du droit à disposer de son corps.

Passe arrière à la droite

Malgré la constitutionnalisation de l’avortement, c’est bien le droit de toutes et tous à disposer de son corps qui est menacé par le texte déposé à l’Assemblée nationale par le parti présidentiel Renaissance. En remplaçant la phrase initiale « Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse » par « Nulle femme ne peut être privée du droit à l’interruption volontaire de grossesse », le texte présenté par la présidente de la majorité macroniste, Aurore Bergé, exclut de fait les personnes transgenres. Une telle formulation tend à interdire l’avortement à ceux qui sont devenus des hommes à l’état civil mais qui gardent un appareil reproducteur féminin. Lorsque l’on connaît les situations de détresse psychologique et d’isolement social dans lequel se trouvent parfois les hommes transgenres, exposés aux violences et aux abus, garantir à ces personnes le droit à tous les soins dont elles ont besoin, y compris l’avortement, est essentiel.

Ainsi, le texte validé à l’Assemblée mène un assaut discret, mais direct, contre les personnes transgenres. Histoire de faire une passe à la droite et à l’extrême droite en saupoudrant la constitutionnalisation de l’avortement d’une attaque contre la défense des minorités ? Sans doute les oppositions de LR et du RN sont-elles pour quelque chose dans cet exercice d’équilibrisme que mènent les députés de Macron : lors des débats sur le texte début novembre, la députée LR Virginie Duby-Muller a proposé d’inscrire dans la Constitution « le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » – qui se veut visiblement contradictoire avec celui d’interrompre sa grossesse. Le RN, lui, s’oppose à la constitutionnalisation de l’avortement sous prétexte que ce droit n’est pas menacé en France… tout en abritant dans son parti des membres qui militent activement pour l’abroger, à l’image de Laure Lavalette, partisane de la suppression des subventions au Planning familial et fervente soutien de l’association anti-IVG Choisir la vie. Ce sont ainsi les calculs politiques, bien plus que l’intérêt de toutes celles et ceux qui revendiquent de pouvoir décider librement de donner naissance, qui guident les discussions qui se mènent à l’Assemblée.

Partout dans le monde, l’IVG demeure un droit à conquérir et à défendre pied à pied quand il existe. Mais ce n’est pas dans les salons feutrés des ministères ni dans l’hémicycle des Assemblées ou des Parlements que nous réussirons à gagner ou à garantir ce droit fondamental. C’est dans les luttes que nous le ferons. « Mon corps, mon choix », c’est un slogan qui reste d’actualité tant que la société capitaliste qui reproduit et entretient les inégalités de genre ne sera pas abattue, tant que les droits les plus élémentaires des femmes seront encore bafoués, aussi bien au sein de la « famille traditionnelle » que dans la société en général.

Mona Netcha

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