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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 3, mai-juin 1999

L’alliance LO-LCR a-t-elle une vie après les élections ?

Mis en ligne le 1er juin 1999 Convergences Politique

La question ne soulève pas seulement le scepticisme plus ou moins malveillant ou carrément hostile des médias ou des politiciens ennemis. Bien des militants qui font campagne pour la liste commune la posent, ou du moins se la posent. Comme se la posent aussi, à juste titre, un certain nombre de travailleurs qui s’apprêtent à voter pour elle.

Personne, parmi ceux qui prêtent quelque crédit aux révolutionnaires, ne leur demande d’agir ensemble quand ils ont des positions divergentes. Mais personne non plus ne peut accepter que l’engagement de le faire, quand leurs positions concordent, ne vaudrait que pour les élections.

Qu’elles le veuillent ou non, la constitution d’une liste commune par LO et la LCR pour ces élections a valeur d’engagement implicite, au moins aux yeux de tous ceux à qui elle aura redonné espoir dans la capacité des deux organisations à prendre leurs responsabilités, voire simplement pour les électeurs qui découvrent un duo Arlette Laguiller-Alain Krivine complémentaire et dynamique. Si LO et la LCR peuvent faire des mois de campagne ensemble pour défendre une plate-forme commune qui se veut, bien plus qu’une profession de foi électorale, un programme pour les luttes futures, il n’est pas imaginable qu’elles n’aient plus aucune position à défendre en commun, aucune politique commune à proposer, aucun terrain de lutte où elles puissent se retrouver, une fois les urnes rangées.

Construire une force politique décisive

Pas plus après le 13 juin qu’avant, le rassemblement dans un grand parti révolutionnaire des travailleurs de tous les militants révolutionnaires – notamment de la LCR et de LO, mais aussi de toutes et tous les militants politiques, syndicaux, associatifs qui refusent cette société capitaliste, rejettent la politique de la gauche plurielle et veulent combattre pour le socialisme ou le communisme – ne sera sans doute immédiatement à l’ordre du jour. D’une part la construction d’un parti ne peut s’appuyer seulement sur des élections et doit se matérialiser au feu des échéances de la lutte de classe. D’autre part, même si elles ont toutes deux pour projet la construction d’un parti révolutionnaire, la LCR et LO, qui pourraient être en position de prendre des initiatives en ce sens, ne s’accordent pas pour l’instant sur le type de parti souhaitable et possible aujourd’hui. Même si ces élections européennes peuvent contribuer à modifier les positions de chacune des deux organisations, il est évident que ce débat n’est toujours pas dépassé par une nouvelle situation. Et pour le moment cette campagne électorale, qui certes n’est pas terminée et dont l’effet final n’est pas complètement mesurable aujourd’hui, n’a pas encore modifié suffisamment les données pour amener ce dépassement.

La campagne commune rencontre un succès certain. Des femmes et des hommes qui avaient plus ou moins raccroché le militantisme politique y reprennent quelque goût. Il n’y a pas toutefois d’afflux spontané vers LO et la LCR. Les conditions pour la création immédiate d’un nouveau parti, beaucoup plus large que les organisations actuelles, ne sont pas encore là.

Les militants ou ex-militants du PCF, dont nombre regardent incontestablement vers l’extrême gauche, envisagent de faire le geste de déposer un bulletin dans l’urne. Pour un certain nombre il s’agit d’une première rupture politique ouverte avec le PC. Parfois ils posent le problème de ce que les révolutionnaires pourraient faire avec eux. Mais au stade où nous en sommes, il n’y a pas de courant significatif en faveur de la création d’une organisation commune avec les révolutionnaires.

Tout cela ne signifie en aucun cas que la seule perspective pour la LCR et LO est de se séparer à nouveau au lendemain des élections, et d’aller chacune leur chemin sans plus s’occuper d’agir ensemble, comme elles l’ont fait pendant la décennie précédente.

Aux yeux des travailleurs du rang, des militants, des médias, LO et la LCR auront constitué une seule force politique. Cette force elles doivent et peuvent la maintenir après les élections et nos deux organisations ne devraient avoir aucune réticence à l’affirmer au cours même de la campagne.

C’est d’abord la seule manière de tenir vraiment la promesse implicite faite aux électeurs en se présentant ensemble.

C’est ensuite la seule politique correspondant à l’aspiration à être tous membres d’un même futur parti révolutionnaire, comme LO et la LCR l’affirment parfois. Un parti n’implique pas la fin de toute divergence, ni même d’activités spécifiques à chacune de ses tendances, mais il implique l’existence de convergences assez fortes et assez importantes pour permettre que tous ses militants se retrouvent sur une politique et dans une activité commune sur des points essentiels.

Continuer la campagne pour le plan d’urgence

Pour l’essentiel la campagne électorale de LO et de la LCR porte sur le programme des mesures d’urgence à imposer au patronat et au gouvernement, nécessaires pour changer le sort immédiat du monde du travail, et en premier lieu s’attaquer au chômage. Ce n’est pas un programme électoral, même si un nombre important de suffrages en faveur de la liste qui le défend pourrait contribuer à changer le rapport des forces entre la bourgeoisie et le prolétariat. C’est un programme pour les luttes futures. Et il est présenté explicitement comme tel.

Dans les mois qui suivent, et ce programme et les luttes seront encore plus à l’ordre du jour, plus nécessaires que jamais, si la classe ouvrière ne veut pas s’enfoncer encore un peu plus. Les attaques contre les travailleurs vont redoubler. De nouveaux plans sociaux qui vont supprimer des milliers d’emplois dans les plus gros trusts, une deuxième loi Aubry qui aggravera l’exploitation sans remédier au chômage, comme la première, le système des retraites mis en lambeaux : voilà ce que patronat et gouvernement promettent déjà, ouvertement, cyniquement, pour la fin de l’année.

Avec cela, comment les deux organisations pourraient-elles se contenter de la campagne électorale commune ? Comment pourraient-elles, sans se renier, ne pas continuer à défendre le même programme et avec autant d’énergie après les élections ?

Dès maintenant la logique veut que LO et la LCR envisagent une campagne commune sur le plan d’urgence et sur la nécessité d’un mouvement d’ensemble. Cette campagne commune serait dans le droit fil de la campagne électorale, sa continuation naturelle et logique. Elle serait l’occasion d’associer d’autres courants ou groupes d’extrême gauche, et en premier lieu ceux qui soutiennent la liste commune. Sa nécessité s’impose dès le lendemain des élections. Elle pourrait et devrait au moins être engagée dès septembre.

S’adresser ensemble à l’ensemble du mouvement ouvrier

Une campagne pour un mouvement d’ensemble et un programme de mesures destinées à éradiquer le chômage s’adresse à tous les travailleurs, à tous ceux qui militent pour changer la situation. Un volet en serait donc des propositions d’initiatives et d’actions communes aux organisations, partis, syndicats, associations, qui se réclament de près ou de loin de ce mouvement ouvrier et à tous leurs militants.

Les occasions de telles initiatives ne vont pas manquer. Elles seront plutôt trop nombreuses, vu les nécessités d’organiser la résistance ouvrière aux attaques des capitalistes : contre la loi Aubry, contre le démantèlement des régimes de retraites, contre les suppressions d’emplois, contre l’intervention militaire impérialiste dans les Balkans...

Jusqu’ici le mouvement révolutionnaire ne pouvait avoir qu’une politique de principe, symbolique, vis-à-vis des autres organisations du mouvement ouvrier, tant la disproportion des forces et de l’influence était en sa défaveur. Aujourd’hui le rapport des forces a changé. Faites en commun par les deux organisations (surtout si leur alliance est confortée par les résultats du 13 juin), des propositions de front unique deviennent crédibles, sinon pour les dirigeants des organisations réformistes (qui n’ont sans doute guère envie de les entendre alors qu’ils soutiennent le gouvernement), du moins pour une partie des militants communistes, socialistes, syndicalistes, pour qui l’extrême gauche est une force avec qui ils peuvent compter.

Elargir le champ des activités communes

Une campagne en commun c’est, forcément, des activités communes pour s’adresser en commun aux travailleurs : meetings et réunions publiques, affiches, tracts, voire bulletins d’entreprise, de quartier ou de ville, ou encore rencontres ou conférences ouvrières pour tenter de réunir et discuter avec les militants intéressés par nos propositions. (Tout cela pouvant parfaitement coexister avec des activités spécifiques à chacune des deux organisations, ses réunions, ses affiches, ses tracts ou ses bulletins d’entreprise, et toute autre expression de la politique propre à chacune).

Une presse commune peut même être aujourd’hui envisagée, enfin, sérieusement. Dans le passé LO et la LCR en étaient déjà convenues à plusieurs reprises (un supplément commun aux deux hebdomadaires par exemple). Cela n’a jamais marché parce qu’il manquait la condition sine qua non d’un tel rapprochement : une véritable politique commune sur quelques terrains essentiels, qui lui donne une base plus solide que la bonne volonté des uns et des autres. A la modeste échelle de nos deux tendances cette revue, Convergences Révolutionnaires, démontre la viabilité d’une publication commune à deux courants qui ont des différences mais aussi la volonté de rechercher les convergences et toutes les occasions de défendre ensemble ce qu’ils ont en commun.

Affirmer la volonté d’une politique commune

Si la liste a des élus, la nécessité de montrer que l’alliance LO-LCR perdure au-delà des élections se posera dès le 14 juin. Les éventuels députés devront vite décider de leur attitude dans ce Parlement européen et au-dehors, et se comporter comme un groupe (officiel ou officieux, qu’importent les règlements parlementaires !) qui s’efforce de défendre une politique de classe face à l’ensemble des partis et des politiciens bourgeois.

L’engagement de former un groupe, qui continuera à se concerter systématiquement et adoptera une politique commune chaque fois que possible, est bien le moindre que les deux organisations peuvent prendre dès maintenant. Si peu d’électeurs se posent ce problème, les militants qui font campagne pour élire ensemble des camarades de LO et de la LCR ne devraient pas avoir à se demander si ceux-là ne vont pas se tourner ostensiblement le dos dès qu’ils seront élus.

On voit bien l’intérêt de la collaboration, même encore limitée comme elle l’est aujourd’hui, à propos de la situation au Kosovo. Il n’y a eu prise de position commune sur la question que parce qu’il y a la campagne commune et la concertation systématique à laquelle celle-ci oblige.

Avant le 13 juin, qui constitue une première étape dont il importe de faire le succès le plus important possible, il est sans doute difficile de prévoir toutes les initiatives, les actions et les activités communes qui seront possibles et nécessaires. En revanche il est indispensable d’afficher clairement la volonté de les rechercher et de les poursuivre.

Le 5 Mai 1999

Fraction L’Etincelle de Lutte Ouvrière

Tendance Révolution ! de la Ligue Communiste Révolutionnaire

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