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L’OMS, sous influence chinoise ou concours de démagogie nationaliste ?

27 avril 2020 Article Monde

(Photo : Salle du Conseil exécutif de l’OMS à Genève en 2013. Thorkild Tylleskar, CC-BY-SA-3.0)

Le 14 avril dernier, Donald Trump mettait sa menace à exécution et retirait à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les financements américains, au prétexte qu’elle serait inféodée à la Chine. C’est le même personnage qui avait qualifié le coronavirus de « virus chinois », usant de démagogie raciste pour mieux masquer la crise sanitaire dramatique que traversent les États-Unis. Par cette décision, le président américain ampute l’OMS de 20 % de son budget, les États-Unis étant le premier contributeur de cette institution.

Une institution sous quelle influence ?

L’influence de la Chine sur cette institution s’exercerait depuis 2007 et l’élection au poste de directeur général de Margaret Chan, suivie de celle de l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus à partir de 2017. Disons au passage que Margaret Chan est originaire de Hong-Kong, a fait ses études de médecine au Canada et a poursuivi sa carrière à Singapour. Il y a Chine et Chine… Deuzio, il y a quelques mois, alors que la crise du coronavirus n’avait pas encore pris le caractère d’une pandémie mondiale, c’est bien cette fois la Chine « capitale Pékin », dite communiste, que Trump citait… pour reprendre sans filtre les déclarations du régime chinois de Xi Jinping qui minimisaient la situation, espérant sans doute pouvoir camoufler le problème. Ce qui a été critiqué par une partie du milieu scientifique et médical mondial, mais à l’encontre donc de Trump qui faisait chorus !

Si les activités et points de vue de l’OMS sont sujets à caution, c’est qu’elle reste essentiellement sous l’influence de ses bailleurs de fonds, dont les deniers publics et privés des États-Unis – l’émotion suscitée par l’annonce du retrait des financements par Trump suffisant à le prouver ! Ce qui ne veut pas dire que l’OMS ne puisse pas faire l’objet de critiques sévères. Mais pas celles de Trump ! Comme toutes les institutions mondiales, l’OMS est soumise au jeu des rapports de force entre les grandes puissances. C’est sous influence des États-Unis que l’OMS a refusé à la Palestine, en 1989 et 1990, le statut de membre à part entière.

… Et surtout sans moyens indépendants !

Les risques sanitaires sont aujourd’hui plus que jamais des problèmes mondiaux. C’est d’ailleurs pour répondre à ce constat que l’OMS a été créée en 1946. Un beau projet de coordination des efforts inter-pays et des scientifiques de tous horizons pour que l’humanité se serre enfin les coudes. Du moins sur le papier… Mais jamais les moyens nécessaires n’ont été donnés par les États pour permettre de passer des paroles aux actes. Le budget de l’OMS s’élève aujourd’hui à moins de six milliards de dollars. À peine une goutte d’eau ! Et une large part du financement de cette institution provient en fait de fonds… privés ! La fondation Bill Gates participe ainsi à hauteur de 9,4 % et se place au second rang devant la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Trump ne tient pas à le dénoncer. Pas plus qu’il ne tient à dire que son administration a refusé les tests de dépistage du Covid-19 fournis par l’OMS, entrainant un retard de plus d’un mois de la mise en circulation de tests aux États-Unis [1].

Les frontières ne protègent pas du virus

Le retrait des financements américains de l’OMS a provoqué, à juste titre, la colère d’une partie importante du monde scientifique. Le virus provoque une pandémie mondiale qui ne connaît évidemment pas de frontières. Le repli nationaliste que Trump et de nombreux autres mettent en avant est une ineptie et une catastrophe. C’est au contraire d’une ample et large coopération internationale dont aurait besoin aujourd’hui l’humanité pour pousser au plus loin la recherche d’un traitement ou d’un éventuel futur vaccin. Aucune des avancées actuelles n’est d’ailleurs le produit d’un effort uniquement national, n’en déplaise aux hommes politiques qui aiment mettre le « made in France » ou l’« America First » en tête de gondole. Le tissu de recherches sur le Covid-19, qui comprend à l’heure actuelle plus de 51 000 publications scientifiques [2], est un réseau international impliquant près de 80 pays [3]. C’est d’ailleurs la publication internationale rapide de la séquence de l’ADN du virus par des chercheurs chinois qui a permis de donner le coup d’envoi de ces efforts. À la date du 20 avril 2020, l’Iran était placé au huitième rang du classement des publications scientifiques dans le cadre de cette recherche mondiale. Cela, pendant que les dirigeants des États-Unis et de l’Iran continuaient allégrement à se menacer d’une guerre sans merci… dans une situation plus qu’asymétrique puisque l’Iran est toujours sous le coup de sanctions économiques draconiennes de la première puissance mondiale, pas même levées face à la crise sanitaire !

Si l’OMS ne joue pas son rôle, ce n’est donc pas à cause d’on ne sait trop quelle influence chinoise (n’en déplaise à la dernière bouffée de chaleur raciste de Trump). C’est que dans aucun des domaines vitaux de la planète, à commencer par la santé, l’éducation, la science et tous les autres, les dirigeants politiques des plus grandes puissances capitalistes, généralement barricadés dans les frontières d’intérêts industriels ou financiers nationaux (ce qui ne veut pas dire frontières géographiques nationales, car la circulation et les profits les ignorent superbement), ne veulent ni ne peuvent avoir la vision planétaire que le xxie siècle mondialisé exigerait.

C’est de ce système borné qu’il faudrait se débarrasser rapidement.

Igor Tahm-Kench


Carte des échanges internationaux en matière de recherche sur le Covid-19

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