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Israël : la politique d’austérité contestée

5 août 2003

Les « mères en colère » ont fait la une des journaux israéliens en juillet. Ces femmes, qui campent à plusieurs centaines devant le ministère des Finances à Jérusalem, protestent contre la réduction drastique des aides sociales aux mères qui élèvent seules leurs enfants. Tout a commencé avec la marche d’une mère de trois enfants, Vicky Knafo, qui a décidé début juillet de se rendre à Jérusalem. Les 200 kilomètres qu’elle a parcourus pendant 9 jours l’ont fait connaître. Suivie par les médias, elle était acclamée sur son passage. D’autres femmes ont décidé de prendre la route et de camper devant le ministère des finances de Netanyahu. Ces femmes ont le soutien d’une large partie de la population. Et l’idée des marches a été reprise par d’autres, comme ces Bédouins qui réclament la fin de destructions de maisons dont ils sont victimes.

Alors, face aux « mères en colère », certains ministres ont exprimé tout leur mépris des classes populaires. Ainsi, Meir Shitrit, ministre sans portefeuille, a ironisé sur la performance physique « salutaire pour la santé » des marcheuses, et leur a recommandé de se rendre plutôt à l’antenne de recherche d’emploi… Si Netanyahu a accepté de les recevoir et a même annulé un voyage aux États-unis, il a refusé de revenir sur les mesures incriminées. Invitées à assister aux débats de la Knesset, les « mères en colère » y ont exprimé leur désapprobation et ont été expulsées manu militari. Toujours déterminées, elles continuent à réclamer l’annulation des coupes dans les budgets sociaux, et maintiennent leur campement dans des conditions difficiles.

Cette mobilisation rappelle qu’en Israël, la situation sociale s’aggrave. Le pays a connu deux années de récession et le chômage augmente, atteignant 11 % et jusqu’à 25 % dans certaines régions. 1,3 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les soupes populaires se multiplient.

Le gouvernement Sharon en a rajouté avec son dernier plan d’austérité en avril : au programme, le licenciement de 10 % des fonctionnaires, la réduction de 8 % des salaires pour ceux qui ne perdent pas leur emploi, le recul de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans. Et, ce qui touche directement les « mères en colère », les réductions massives de toutes les allocations sociales (aide aux handicapés, allocations vieillesse, aide au logement, allocations familiales). Tout cela, conjugué à une politique de réduction des budgets de l’Etat aux services publics, particulièrement forte dans les hôpitaux. Certains ont cessé de prodiguer des soins.

En Israël, la situation sociale n’est que la contrepartie de la politique d’occupation. Car si l’Etat n’a pas de fonds pour les mères israéliennes menacées de tomber dans la misère, il en a pour ériger un mur en béton de centaines de kilomètres de long et de 8 mètres de hauteur, avec des barbelés et des capteurs électroniques, tout autour de la Cisjordanie. Il en a pour soutenir les colonies. Et pour maintenir une armée d’occupation dans les Territoires.

Faisant mine aujourd’hui d’être un partisan de la paix, Sharon fait libérer quelques prisonniers palestiniens. Mais il poursuit la construction du mur, annexant de nouvelles terres au passage. Des Palestiniens ont leur champ placé du côté israélien, leur maison placée du côté palestinien. Pour passer de l’un à l’autre, il leur faut montrer patte blanche aux soldats israéliens. Et Sharon vient de faire adopter au parlement une loi infâme empêchant les Palestiniens d’acquérir la nationalité israélienne par le mariage.

Cette politique d’agression a, on le sait, des conséquences terribles pour la population palestinienne. En plus de l’occupation militaire, avec le bouclage des Territoires, la société palestinienne est contrainte au dénuement, le chômage y étant massif. La révolte des Palestiniens est évidente bien qu’elle reste aujourd’hui contenue dans un cadre nationaliste.

Du côté israélien, la situation des travailleurs et des plus pauvres s’est dégradée. Aux difficultés sociales, s’ajoute l’enrôlement de la jeunesse dans une sale guerre, la peur des attentats pour tous. La lutte actuelle des « mères en colère » montre que du côté israélien aussi, la révolte peut naître. Elle montre que les travailleurs et les pauvres peuvent se battre pour défendre leurs intérêts face à la politique anti-ouvrière de Sharon. En dépit de l’« Union nationale » que voudrait imposer l’Etat israélien à sa population. En dépit de la politique des travaillistes et des syndicats.

Mais il faut aussi constater que peu de voix, en Israël, font le lien entre la politique de colonisation et la politique d’austérité. En tout cas, malheureusement pas les porte-parole des « mères en colère  ».

Le mouvement pacifiste israélien, de son côté, dénonce l’occupation. Des hommes et des femmes courageux défient l’armée aux côtés de Palestiniens pour défendre des maisons ou pour bloquer l’avancée du mur. Des jeunes n’acceptent pas de s’engager dans cette sale guerre, refusent de faire leur service et sont emprisonnés, traduits devant la cour martiale. Mais, dans leur majorité, les pacifistes non plus ne font pas le lien entre leur combat et celui des travailleurs contre les conséquences sociales désastreuses que la bourgeoisie et l’Etat israélien veulent imposer.

Pourtant, de là pourrait naître un véritable espoir pour les peuples de la région. Car les travailleurs israéliens pourraient, en défendant leurs intérêts de classe, être de véritables alliés des Palestiniens contre l’Etat colonialiste d’Israël. Et aussi contre les bourgeois palestiniens qui eux n’envisagent un futur Etat palestinien que comme un instrument d’exploitation de leur propre population.

Michel Charvet

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