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Immobilier, la grande carambouille

29 mars 2007

Au moment même où l’immobilier américain vacille, en France le gouvernement fait tout pour entretenir le mécanisme de la spéculation immobilière. L’accession à la propriété est d’ailleurs un des principaux points du programme des deux favoris de la présidentielle : ainsi, Sarkozy veut défiscaliser les intérêts des crédits immobiliers, comme aux Etats-Unis. Résultat, les acheteurs s’endettent pour des durées toujours plus longues, et l’on voit désormais apparaître des prêts sur 50 ans, signe que le prix des logements est totalement déconnecté du pouvoir d’achat, y compris celui des classes moyennes. Ne leur reste qu’à s’étrangler de dettes pour emménager dans une petite surface achetée à prix d’or – et qui risque fort de perdre de sa valeur...

Après « travailler plus pour gagner plus » et « créer sa propre entreprise » (en guise de réponse à la baisse du pouvoir d’achat et au chômage), « accéder à la propriété » serait la solution à la crise du logement. Pour nombre de ceux qui s’y laisseraient prendre, les lendemains risquent de déchanter.

Aux Etats-Unis, la récente faillite de New Century, spécialiste des prêts immobiliers « avec surprime » - c’est-à-dire réservés aux ménages qui risquent de ne pas pouvoir rembourser - fait planer à nouveau le spectre d’un effondrement du marché de l’immobilier.

L’envol du prix des maisons depuis les années 1990 aux Etats-Unis comme dans d’autres pays occidentaux a atteint des proportions inouïes. En l’absence d’explosion démographique, de nette baisse du chômage ou de croissance forte du pouvoir d’achat, cette flambée a un caractère indéniablement spéculatif. Au niveau international, c’est la plongée des principales bourses au début des années 2000 qui a effrayé les détenteurs de capitaux les plus frileux et les a poussés à chercher refuge dans la pierre, contribuant à doper les cours.

Aux Etats-Unis, de nombreux facteurs ont stimulé la hausse de l’immobilier résidentiel : bas niveau des taux d’intérêt, réductions d’impôts pour les accédants à la propriété. Des organismes semi-publics favorisent l’emprunt hypothécaire. Une véritable frénésie de crédit a favorisé le développement d’officines aux pratiques douteuses : des démarcheurs font miroiter aux ménages modestes la possibilité de devenir propriétaires moyennant des taux exorbitants. Des immigrants maîtrisant mal l’anglais sont trompés sur le contenu des contrats ; des montages financiers risqués permettent contourner l’obligation légale d’apport de fonds personnel ; parfois encore, des familles ne payent que les intérêts, et remettent à plus tard le remboursement du principal, qui est de toute façon hors de leurs moyens. Ces titres de créance douteux, mais assortis de rendements élevés, sont ensuite revendus sur les marchés financiers.

Ces sociétés de crédit dont le business consiste à ratisser les travailleurs ne peuvent prospérer que sur fond de hausse continuelle des prix de l’immobilier. En effet, lorsqu’un ménage que leurs pratiques ont contribué à étrangler devient incapable de faire face aux échéances de son prêt, la saisie de l’habitation constitue une juteuse affaire – puisque les maisons ne cessent de prendre de la valeur.

Au premier signe de craquement du marché immobilier – en l’occurrence, le recul rapide des ventes constaté ces derniers mois – ces sociétés devaient donc être les premières à chuter. 25 d’entre elles avaient déjà bu la tasse peu avant New Century Financial, le numéro 2 du secteur. Derrière le problème du crédit immobilier se profile celui du crédit tout court : bien des familles ont été incitées à gager leur habitation, dont le prix avait augmenté, pour obtenir des cartes de crédit, et l’endettement a atteint des niveaux inouïs. La croissance américaine repose largement sur cette fièvre de crédit, elle-même stimulée par la flambée de l’immobilier. Le dégonflement de la bulle immobilière pourrait donner un coup d’arrêt à tout le mécanisme. Les premières victimes seraient les centaines de milliers de ménages modestes endettés qui risqueraient bien de se retrouver à la rue.

La solution à la crise du logement n’a rien à voir avec la prétendue « accession à la propriété ». Cela commencerait par la réquisition des logements vides, des terrains, et un service public de construction de logements pour les quelque 3 millions de mal logés.

Julien FORGEAT

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