Hit the Road, film de Panah Panahi

Dans ce road movie drôle et émouvant, une famille iranienne se rend vers une destination inconnue. Un voyage chaotique où chacun des quatre membres de la famille joue sa partition : un père goguenard à la jambe plâtrée, une mère protectrice qui peine à cacher ses larmes, le fils ainé insaisissable et terré dans le silence, et en contrepoint des adultes donnant le change sur leur douleur, le fils cadet bouillonnant de vie – presque agaçant – mais terriblement attachant. Le voyage prend des allures burlesques et on comprend alors au fil du trajet que la destination finale est la frontière avec la Turquie où l’ainé va être confié à des passeurs.

En reprenant un leitmotiv du cinéma iranien, la voiture comme espace intime au cœur de l’espace public, on y découvre par touches discrètes un pays qui change sous le poids de la dictature (bien qu’absente du film). Le lac d’Ourmia, où le père se baignait autrefois, est devenu un désert où les deux frères partent à la poursuite du chien qui s’est enfui. La crainte d’être suivi ou sous écoute est omniprésente et on enterre un téléphone portable dans le désert.

Derrière la gravité se joue un conte pour enfant, rythmé par ce qu’on va faire croire au petit frère, le seul qui ignore le but du périple. Les adultes, qui décident de ne pas parler, se protègent derrière les histoires racontées au petit garçon pour qui tout devient un jeu ou un monde de fantaisie, à l’image du passeur masqué dans lequel il voit un personnage de super-héros. Avec une bande son composée de tubes d’avant la révolution islamique de 1979 (d’artistes qui ont dû fuir à l’étranger après la révolution) sur lesquels on danse et chante pour cacher les larmes, le film est une tranche de vie amère et drôle, un reflet d’une condition plus répandue que jamais : l’exil.