Grève du nettoyage au technicentre SNCF de Hellemmes (Lille) : Jours 6, 7, 8 – Nettoyer, Balayer, Elior il faut payer !
27 juillet 2022 Article Entreprises
Lundi : Elior envoie son perroquet
Dès 6h du matin devant le technicentre SNCF, les travailleurs du nettoyage en grève installent leur piquet pour une nouvelle semaine de mobilisation. On accroche la banderole, on installe tables et chaises, et surtout on distribue le nouveau tract aux cheminots qui entrent dans l’usine. Les revendications n’ont pas bougé depuis la semaine précédente : « On veut des sous et des embauches. »
La télévision est même venue couvrir la grève. « On n’a pas l’habitude des caméras. » Pourtant les grévistes ne mâchent pas leurs mots devant les journalistes. « On est en manque d’effectif donc surchargés de travail. On nous prend pour des esclaves ! » Le message est clair. Mais les propositions de la direction d’Elior le sont beaucoup moins. Le directeur régional arrive sur le site dans la matinée. Lui non plus n’a pas changé de position depuis la semaine dernière. « On vous propose de reprendre le travail, mais vous ne ferez pas plus que ce que vous faisiez avant l’appel d’offre. Comme ça on évalue les besoins et on embauchera en fonction ». Vous reprenez le travail d’abord, on discute ensuite. On commence à connaître la chanson !
Mais qu’est-ce qui garantit qu’une fois le travail repris on ne demandera pas aux salariés d’en faire toujours plus ? Une tâche par-ci puis par-là, pour augmenter peu à peu la charge de travail ? « Je vous ferais des fiches de postes, pour définir précisément vos tâches » lance le directeur. Les grévistes ne sont pas dupes, « une fiche de poste ça peut se modifier », et sans que le salarié ait son mot à dire ! « Ils vont nous dire tu nettoies là-bas. Mais imaginons, ce n’est pas dans ta fiche de poste. Si tu refuses : avertissement ! Et au bout de trois avertissements, licenciement ! Je connais Elior comme ma poche. » En résumé la seule garantie que peuvent avoir les salariés que la charge de travail ne changera pas, ce sont des embauches. Mais le directeur se refuse à en promettre. « Il faut qu’on fasse une estimation de ce qu’on a besoin – Les grévistes ils l’ont fait l’estimation, c’est dix personnes ! » On se quitte sans avoir plus avancé. Mais on sent bien que le directeur enrage de ne pas être parvenu à faire reprendre le travail. « Tiens, si tu veux sécher tes larmes », lui lance un soutien de la CGT en tendant un kleenex. Le directeur est penaud, mais sur le piquet on est hilare.
Mardi : La propreté ? La SNCF s’en lave les mains !
En ce septième jour de grève, des cheminots de la SNCF s’arrêtent sur le piquet et montrent des photos prises à l’intérieur du technicentre. « C’est dégueulasse ! » Les poubelles débordent, les moucherons volent autour et les sanitaires sont presque insalubres… L’environnement de travail se dégrade à vue d’œil. La grève commence à se voir. « Mais la SNCF n’en a rien à faire. » Et si des salariés Elior d’autres sites viennent bien faire des heures supplémentaires au technicentre, ce n’est pas suffisant pour le rendre propre. C’est peut-être l’occasion de discuter avec la direction de l’entreprise ? Les grévistes décident d’aller remettre la pétition de solidarité, signée par plus de 400 cheminots, au directeur de l’établissement, en espérant de celui-ci qu’il fasse pression sur Elior pour que le centre soit nettoyé.
On vient trouver le directeur à la cantine. Il n’a pas fini sa pause-déjeuner. Les grévistes lui remettent la pétition et lui font part de leurs revendications auprès d’Elior. Le directeur écoute, indifférent, en terminant son steak-frites. La propreté du site n’a pas l’air de beaucoup le préoccuper. « On s’arrange avec Elior, on se téléphone souvent. » Les grévistes sortent de l’entrevue irrités. En fin de compte ces patrons, « ils sont de mèche, c’est comme les hommes politiques. » Ils en ont aussi après le mépris du directeur « Il aurait pu s’arrêter de manger pendant qu’on lui parlait. » A la SNCF comme chez Elior, on a peu de considération pour les petites mains, qui s’occupent de nettoyer. Mais en témoignent les photos prises par les cheminots dans l’usine : quand les invisibles font grève, ça se voit !
Mercredi : Les grévistes s’invitent chez Elior
Aujourd’hui le piquet de grève déménage. Décision est prise d’aller devant les locaux de la direction régionale d’Elior. On confectionne une nouvelle banderole spécialement pour l’occasion et on fait du bruit sous les fenêtres : « Nettoyer, balayer, Elior il faut payer ! », « On est là, pour l’honneur des travailleurs et pour des salaires meilleurs on est là ». On croise des salariés d’Elior et des responsables qui arrivent au compte-gouttes. « Il y a des belles bagnoles ! Eux ils n’ont pas de problème de salaire – Et ils sont nombreux ! Il y a plus de directeurs que de salariés pour nettoyer. » Les grévistes demandent à rencontrer le directeur régional mais il se fait attendre. Quand il arrive il demande à voir « ses » agents, mais refuse de discuter en présence de leurs soutiens cheminots qui les accompagnent depuis le début de la grève. « Ici on est à Elior on discute entre gens d’Elior. » Mais nous sur le piquet, on voit surtout des travailleurs d’un côté et un directeur de l’autre. Les grévistes refusent d’entrer s’ils ne sont pas accompagnés. Le directeur dit qu’il va réfléchir.
On ne le revoit qu’au bout de plusieurs heures ! Entre-temps, un peu déboussolé par le fait que ses interlocuteurs habituels soient absents, il a appelé des représentants du personnel CGT et CFDT pour qu’ils participent à la négociation. Mais après deux heures de discussion, on n’a pas avancé d’un pouce. Elior se refuse à faire une proposition chiffrée d’embauches. Et pour le treizième mois c’est non. « Si je donne une prime à neuf salariés, d’autres vont réclamer. »
La lutte continue donc pour les huit salariés du nettoyage de chez Elior qui reconduisent la grève au lendemain. La pression et la fatigue se font sentir sur tous après huit jours de lutte. Mais chacun mesure également à quel point la solidarité et les liens de confiance tissés ces derniers jours sont importants pour la poursuite du combat.
Correspondants, le 27 juillet.
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