Grèce : Acharnement de la droite face à Dimitris Koufodinas et aux manifestants
Alors que la Grèce est traversée de manifestations appelées par des défenseurs des droits humains ou des groupes d’extrême gauche, le prisonnier politique Dimitris Koufodinas vient de frôler la mort par inanition en prison.
« Responsabilité politique » et suspension de l’État de droit
Figure du « 17 Novembre » [1], une organisation usant de phraséologie marxiste relativement similaire à la Fraction armée rouge et ses équivalents, Dimitris Koufodinas s’était rendu à la police en 2002 pour participer au procès organisé par l’État grec contre des membres du groupe et revendiquer la « responsabilité politique » de onze assassinats. L’organisation « terroriste » avait particulièrement ciblé des bourreaux impunis de la dictature de colonels, régime militaire en place de 1967 à 1974 et soutenu par les États-Unis. Quatre officiers de ce pays avaient été abattus ainsi que le chef de la CIA à Athènes, première cible du groupe en 1975 [2].
Durant deux décennies d’emprisonnement au cours desquelles il ne s’est pas repenti, il a été la cible d’un acharnement judiciaire appuyé par les diplomaties britannique et américaine. En mai 2019, il avait notamment dû faire trois semaines de grève de la faim appuyée par des manifestations de rue pour obtenir une autorisation de sortie légalement prescrite en faisant céder la Cour suprême grecque. Alors qu’il bénéficiait d’un régime pénitentiaire plus souple depuis 2018, la droite avait fait voter en décembre 2020 une loi interdisant cette possibilité aux condamnés pour « terrorisme ». La loi ne trouvait à s’appliquer qu’à un seul cas : le sien.
Retourné dans une prison de haute sécurité à la suite de cette législation, Dimitris Koufodinas a alors demandé à aller dans la prison d’Athènes où il avait été emprisonné de 2002 à 2018. Une demande légale appuyée par la pétition d’un millier d’avocats mais un transfert jugé impossible par le pouvoir invoquant courageusement le coronavirus. Pour défendre ses droits, il a alors entamé une grève de la faim le 8 janvier, puis une grève de la soif à partir du 22 février. Un choix fâcheux pour l’État grec allant jusqu’à interdire – à nouveau sous le courageux prétexte du coronavirus – les visites de ses médecins pour le maintenir artificiellement en vie et le réanimer contre sa volonté [3]. L’indignation face au sort qui lui était réservé a suscité des protestations de rue et, face à leur développement ces derniers jours, il vient de suspendre ses grèves de la faim et de la soif.
Le rouge ou le kaki ?
Au-delà du cas de Dimitris Koufontinas, comme ailleurs en Europe, le régime grec se durcit. Dès le début du mois de février, les manifestations alors très modestes de soutien à Dimitris Koufontinas ont été immédiatement réprimées. Et les restrictions sanitaires ont été comme par hasard renforcées lorsque les manifestations ont pris de l’ampleur. Cela alors même que, il y a quelques semaines, le premier ministre Mitsotákis faisait scandale en participant à un déjeuner avec une trentaine de convives sur l’île d’Ikaria ! Des amendes de 300 euros (le montant que gagnent mensuellement un tiers des salariés grecs) ont été dressés contre les manifestants pour interdiction de circuler et la case « déplacement pour venir en aide à quelqu’un dans le besoin » a été supprimée des formulaires d’autorisation de sortie. Mais, les images de la répression violente durant le weekend des 6 et 7 mars – notamment le tabassage d’une famille sans attestation de déplacement – ont fait grossir les manifestations suivantes, devenues plus dures à réprimer. Par sa dénonciation des flics et du pouvoir, la protestation a largement dépassé le cas de Dimitris Koufontinas.
La suppression de libertés fondamentales associée à la morgue du pouvoir pourrait radicaliser certains manifestants. Ce qui, sans un mouvement général de la classe ouvrière qui, seul, permettrait de débloquer la situation, serait plonger dans une politique sans issue parce que minoritaire et, du coup, exclusivement placée sur un terrain où les forces de répression excellent. En organisant depuis plusieurs semaines, malgré les interdictions, des manifestations groupant plusieurs milliers de personnes à Athènes ou Thessalonique, des étudiants grecs montrent également la voie en s’opposant à une réforme de l’éducation imposant à la fois des mesures d’austérité et une police spéciale sur les campus. La crise sociale imposée aux travailleurs du pays depuis des années ne peut que pousser à la révolte. Durant l’épidémie, s’il y a eu 434 tests Covid pour 100 000 habitants en Allemagne, il n’y en a eu que 53 en Grèce. Une triste illustration du sort réservé à la population. D’autant que le budget 2021 du ministère de la Santé grecque serait de 16 % inférieur à celui de 2020 ! Mais le budget de la Défense serait, lui, augmenté de 30 %.
Chris Miclos
[1] De la date anniversaire de la répression de l’université Polytechnique d’Athènes le 17 novembre 1973 qui avait fait plusieurs dizaines de morts.
[2] Un des leaders corrompus de Nouvelle Démocratie, un parti politique de droite reconvertissant notamment du personnel issu de la dictature, Pavlos Bakoyánnis – père de l’actuel maire d’Athènes Kóstas Bakoyánnis et beau-frère de l’actuel premier ministre Kyriákos Mitsotákis – avait aussi été visé et un attaché militaire de Grande-Bretagne – pays associé à la guerre civile qui avait ravagé le pays de 1946 à 1949 – avait également été tué en 2000.
[3] Pour des détails en français sur le calvaire de Dimitris Koufodinas voir notamment le blog de Yannis Youlontas
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