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« Génocide des Ouïghours » : un grand mot… pour une toute petite résolution

26 janvier 2022 Article Monde

Jeudi 20 janvier, l’Assemblée nationale française a adopté à la quasi-unanimité une résolution qui caractérise la répression subie par les Ouïghours au Xinjiang (région de l’ouest de la Chine) de génocide, et « invite le gouvernement français » à agir pour faire cesser les persécutions.

Un grand mot et ses enjeux

L’objectif de la démarche portée par les associations de défense des Ouïghours était surtout symbolique, car cette résolution n’aura aucune portée contraignante. Au-delà des comparaisons (pas toujours très pertinentes) avec d’autres massacres, l’usage du terme « génocide » plutôt que « crime contre l’humanité », « violences génocidaires » ou « génocide culturel », visait essentiellement à faire reconnaître cette qualification par les institutions internationales comme l’ONU, dirigées par les grandes puissances. Et on sait que celles-ci ne bougeront pas le petit doigt pour stopper les violences que subissent les Ouïghours en Chine, ni plus généralement pour freiner des régimes dictatoriaux en lien avec les mêmes puissances impérialistes, qu’il s’agisse de la junte militaire birmane qui persécute les Rohingyas ou la monarchie saoudienne qui bombarde le Yémen. De ce point de vue, cette résolution n’aura aucun impact sur la politique de l’État chinois…

Petits calculs diplomatiques…

Dans ce domaine comme dans d’autres, le droit international accompagne bien souvent un rapport de force entre les grandes puissances. Ainsi, le gouvernement français s’accommodera volontiers de cette résolution (la preuve : les députés LREM ont voté en sa faveur), pour peser dans sa concurrence avec la grande puissance chinoise. En effet, cette requalification des persécutions au Xinjiang servira d’outil diplomatique à Macron et à son gouvernement, qui pourront utiliser ce léger moyen de pression dans leur bras de fer avec Pékin, dont les enjeux sont plus géopolitiques et économiques qu’humanitaires. Quel que soit le terme choisi par les députés français pour qualifier les violences abjectes perpétrées par l’État chinois contre la population ouïghoure, il n’aura guère d’effet… à moins que les puissances impérialistes n’utilisent ce prétexte dans leur guerre (pour l’instant économique) avec la Chine. Comme ses homologues impérialistes, la bourgeoisie française et son personnel politique instrumentalisent volontiers l’oppression des Ouïghours pour critiquer une Chine qualifiée en 2019 de « concurrent systémique » par la Fédération des industriels allemands et de « rival systémique » par la Commission européenne.

… et grande hypocrisie

Preuve supplémentaire que l’enjeu est avant tout économique, c’est le ministre délégué chargé du Commerce extérieur (Franck Riester) qui a commenté le vote de la résolution au nom du gouvernement français… pour expliquer que cela n’allait rien changer du tout. On s’en doutait : ce n’est pas demain que la France de Macron va ouvrir ses frontières aux migrants qui fuient les persécutions ! Pour ne pas trop froisser la Chine, le président macroniste de l’Assemblée, Richard Ferrand, a même décidé lundi 24 janvier d’évacuer de l’ordre du jour un débat parlementaire sur le « risque sérieux de génocide en cours » contre les Ouïghours, prévu le 4 février, jour de l’ouverture des JO de Pékin. D’ailleurs, Paris, Berlin ou Washington feignent d’ignorer la situation au Xinjiang quand il s’agit pour les grandes entreprises occidentales d’y exploiter les êtres humains et les matières premières [1]. Quant à la réponse du gouvernement chinois, elle semble taillée sur mesure pour le gouvernement français, puisqu’elle justifie les persécutions par la « lutte contre le terrorisme, la radicalisation et le séparatisme ». Des mots spécialement choisis pour parler à Darmanin et à ses collègues ?

Avec des « alliés » pareils, les Ouïghours n’en ont pas fini avec les persécutions… mais c’est bien le cadet des soucis de Macron et de ses homologues.

Hugo Weil

(Article paru dans l’Anticapitaliste no 600)


[1Voir à ce sujet l’article publié dans L’Anticapitaliste n° 540 (20/10/2020)

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