Frantz Fanon, une BD de Ciriez et Lamy
La Découverte, 2020, 240p., 28 €
En août 1961, atteint d’une leucémie, Frantz Fanon (1925-1961) rencontre Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir à Rome. Le psychiatre martiniquais demande à Sartre de préfacer son nouveau livre, Les Damnés de la Terre, appel à la révolution anticoloniale dans le Tiers Monde. Édité par Maspero, le livre sera saisi plusieurs fois par les autorités. Fanon estime Sartre mais le trouve trop timoré.
Leur rencontre est l’occasion de sentir une époque et les projets de ceux qui, derrière le mot « socialisme », défendaient un nationalisme s’affirmant révolutionnaire. Au-delà de raconter la vie et d’exposer les options politiques de Fanon, ce roman graphique montre une atmosphère et les espoirs soulevés. On sent comment la révolution anticoloniale a pu faire se mouvoir des millions d’hommes et de femmes et bouleverser les débats politiques, alors que toute une partie de la gauche française soutient l’impérialisme, comme le vote des pleins pouvoirs à Guy Mollet en 1956 et l’escalade dans la guerre d’Algérie qui a suivi l’ont bien montré. La pensée anticoloniale se situe hors de la SFIO et du PCF, à la marge, comme Sartre également.
Né dans la petite bourgeoisie aisée de Martinique, Fanon fait ses études de médecine en France et prend un poste de psychiatre à Blida, en Algérie, où il fait face aux ravages de la colonisation : torture, humiliations, aliénation. Fanon commence à travailler pour le FLN tout en occupant son poste. Quand l’étau de l’armée française commence à se resserrer sur lui, il fuit en Tunisie où il occupera la double fonction de psychiatre pour les réfugiés algériens et d’ambassadeur du FLN pour l’Afrique noire.
Fanon est mort jeune, en plein soulèvement et avant que la vague des révoltes anticoloniales ne soit terminée. C’est l’Algérie, sur laquelle il fondait les plus grands espoirs, qui a montré les limites de sa politique. Avec l’indépendance, le FLN a pris le pouvoir et installé une bureaucratie militaire anti-ouvrière contre laquelle les classes populaires d’Algérie continuent de lutter aujourd’hui.
Stan Miller
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