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Europe des clochers, Europe des trusts

23 juin 2005

L’échec du sommet européen de Bruxelles, samedi 18 juin, ce serait Waterloo, 190 ans jour pour jour après le vrai, dont quelques nostalgiques de l’empire fêtaient l’anniversaire sur les lieux de la bataille de 1815, en Belgique, à quelques kilomètres de celle que se livraient Jacques Chirac et Tony Blair. Ajouté au coup de Trafalgar du Non au référendum, qui n’a coulé que Raffarin, mais laissé en place toute la flotte gouvernementale française et sa politique, l’Europe sans constitution ni budget serait à la dérive.

« Crise identitaire » dit La Tribune. « KO debout », dit Libération. Et le pire, « Blair aggrave la crise » titre Le Monde. Dans la presse française, c’est évidemment l’intransigeance de la perfide Albion amarrée égoïstement à son chèque qui serait la principale coupable. Inutile de dire que de l’autre côté de la Manche, les manchettes stigmatisent l’Europe rétrograde attachée à sa PAC.

Car dans cette discussion de marchands de tapis sur le projet de budget européen, chaque chef d’Etat ou de gouvernement a cherché à se donner le beau rôle vis-à-vis de son opinion publique. Même si les intérêts qu’ils marchandaient n’étaient que ceux de leurs trusts respectifs, et, dans le cas des subventions agricoles de la PAC dont Chirac était le champion, les intérêts des très grandes exploitations agricoles et des trusts de l’agroalimentaire, bien plus que des paysans petits ou moyens qui ne touchent que la part congrue desdites subventions.

Quant à la prétendue crise, elle n’est qu’une des multiples péripéties qui ont émaillé l’histoire de l’union européenne à chaque négociation d’un nouvel accord commercial, d’une nouvelle aide ou d’un nouveau budget. Rien de dramatique : les gouvernements européens ont encore un an avant de boucler définitivement ce budget 2007-2013 : le temps de quelques nouvelles escarmouches à qui paiera le moins pour recevoir le plus et pour le mieux servir les intérêts de ses patrons avant de doser le compromis.

Mais ils voudraient qu’on s’y passionne. Après nous avoir tenu la jambe pendant un an avec leur constitution, allègrement repoussée à 2007 par le sommet de Bruxelles, ou aux calendes grecques sans que cela ne gêne personne, c’est reparti pour un tour.

Sarkozy en profite pour renouveler sa démagogie nationaliste en déclarant qu’il serait « particulièrement étrange d’engager des négociations avec la Turquie » en ce moment, et en s’inquiétant du « commissaire maltais » qui risquerait de faire la loi en Europe - nouvelle variation sur le thème du plombier polonais. Question de lorgner du côté des électeurs du Non sauce Le Pen mais aussi de quelques autres.

Hollande, lui, critique Chirac qui « n’a pas pu faire entendre la voix de la solidarité », mais également ces partisans du Non par la faute desquels « la Grande-Bretagne est en situation de force ». Quant au Parti communiste , il vitupère les tenants de « l’Europe libérale ». Ce qui n’empêche pas l’Humanité de trouver quelques charmes aux déclarations de Chirac à la veille du sommet, sur la nécessité de mieux répondre « aux questions soulevées par les citoyens » ou d’harmoniser l’Europe « par le haut et non par le bas », même si elles sont hypocrites et contradictoires avec la politique antisociale de son gouvernement. Et le journal de souligner qu’entre la ristourne anglaise et la politique agricole commune, cette dernière « doit absolument être défendue ». Cocorico !

L’Europe pourrait ainsi être « le thème majeur de la présidentielle » écrit Libération. Ça promet.

Et pendant ce temps, en Grande-Bretagne comme en Allemagne ou en France, les attaques continuent à pleuvoir contre les travailleurs, de la part des gouvernements et patrons nationaux. Ils se chamaillent quelque peu sur le montant d’une PAC ou d’un chèque, mais ont une même politique contre le monde du travail.

Tous ces politiciens d’Europe, de gauche comme de droite, partisans de dire Non ou Oui, cherchent du côté de leurs marchandages et marivaudages continentaux un dérivatif à la colère des travailleurs. A commencer par Chirac, qui vient de recevoir un camouflet au référendum mais n’a pas attendu trois jours pour nommer un nouveau gouvernement qui s’illustre par l’escalade anti-ouvrière, dont la trouvaille d’un contrat d’embauche avec période d’essai de deux ans. Sans oublier la nouvelle campagne anti-immigrés. Et par-dessus le marché, il se paie le luxe de se faire plébisciter comme défenseur de « La France » face à « l’Angleterre ».

Mais y’a pas « La France », « L’Angleterre » ou « La Pologne ». Il y a les exploiteurs du continent (et du reste du monde), et les travailleurs d’Europe. Malgré des luttes isolées, ces derniers sont tous acculés à la défensive contre les coups qui pleuvent contre leurs salaires et leur emploi. Le mécontentement existe, mais il doit sortir de ses gonds et de ses frontières locales et nationales.

Gageons qu’alors, ce ne serait pas la PAC ou le chèque britannique qui feraient l’actualité. Si les travailleurs d’Europe s’occupaient sérieusement de leurs propres oignons, les bourgeois d’Europe abandonneraient leurs dindons et leurs cochons !

Olivier BELIN

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