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EDF ou Sécu : Les confédérations syndicales jouent la montre

24 juin 2004

Loin de profiter de l’affaiblissement d’un gouvernement désavoué dans les urnes, les confédérations syndicales jouent la montre. La CGT a bien programmé une nouvelle journée d’action pour la Sécu, le 29 juin. Mais ce calendrier, de journée d’action en journée d’action, à intervalle de 15 jours, sans lien ni effort pour faire monter la vapeur, ne peut viser qu’à tenir jusqu’aux vacances, date à laquelle les projets gouvernementaux (sur l’EDF comme sur la Sécu) devraient avoir été adoptés par l’Assemblée nationale. À moins bien sûr qu’un « imprévu » ne vienne déranger l’agenda. Comme l’an passé (mais si possible mieux que l’an passé !) sur les retraites et la décentralisation, quand les enseignants sont venus mettre de l’animation dans les projets plan-plan des directions syndicales.

Tout ne dépend pas, bien sûr, des directions syndicales et si les travailleurs eux-mêmes ne se mobilisent pas, quelle qu’en soit la raison, personne n’y pourra rien. Pourtant, entre l’inaction et la mobilisation massive, il y a toutes les situations intermédiaires comme à EDF/GDF aujourd’hui quand des minorités combatives ont la sympathie de la majorité. Ce serait alors le moment de faire monter l’ambiance afin d’aider les salariés, sceptiques ou hésitants, à mesurer leur force, sinon entrer en lutte... À condition d’avoir une politique et la volonté d’y parvenir.

Au contraire la politique des confédérations, loin de viser à casser le projet gouvernemental, et d’abord dans la tête des gens, a consisté à en conforter la légitimité. Elles ont admis la nécessité d’une réforme, admis aussi le « constat partagé » du Haut Conseil de l’Assurance Maladie qui la justifiait par avance, admis encore leur intérêt pour les postes offerts dans le nouveau projet de la « gouvernance » des organismes de la Sécu. Et les « négociations » proposées par le gouvernement ont été accueillies avec faveur par toutes, y compris par la CGT de Bernard Thibault qui, interviewé par Le Monde à ce propos, réaffirmait une fois de plus qu’il ne voyait « pas de contradiction à être à la fois une force de proposition et une force de mobilisation ». Encore faudrait-il, pour que cela soit démontré, que la CGT ne se contente pas de négocier... mais tente aussi de mobiliser ?

Il est vrai que sur ce plan, la CGT n’a pas grande concurrence. Quand FO parle de « grève générale interprofessionnelle »... c’est pour justifier de ne même pas se joindre aux journées de la CGT (sinon FO elle-même proposerait quelque chose aux travailleurs et aux autres organisations syndicale). Quant à la CFDT, après avoir carrément saboté les manifs du 5 juin, auxquelles elle appelait pourtant, elle a saisi la première occasion pour trouver des « points positifs » au projet gouvernemental. Et si elle organise elle aussi sa « journée », ce 22 juin, c’est une journée... de débats. Au moins Chérèque ne pourra pas être accusé de masquer son aversion pour l’action.

Certes les postes occupés, les coupures de courant (ou même les rétablissements pour des familles nécessiteuses) donnent le sentiment que la direction CGT aurait là, sinon une véritable stratégie de lutte, du moins beaucoup de combativité. C’est certainement vrai des militants CGT, voire des dirigeants locaux, à l’initiative de ces coups de main. C’est beaucoup moins sûr des directions fédérales et surtout confédérales... qui les assument après coup. Le Figaro du 16 juin, peu suspect de voir avec sympathie des coupures de courant organisées par des militants CGT, évite à ses lecteurs, peut-être horrifiés par le radicalisme des gens d’EDF, un tel contresens : « la CGT tente simplement de sortir au mieux d’un conflit qu’au fond elle ne souhaitait pas, mais dont elle ne pouvait faire l’économie sauf à s’aliéner sa base. » Et Le Figaro reconnaît bien volontiers à la CGT une attitude responsable. Ce qui correspond très exactement à la réalité du terrain. Si les personnels de l’EDF/GDF ont montré qu’ils étaient largement opposés aux projets gouvernementaux, l’ont même manifesté il y a un an et demi par un vote spectaculaire, la CGT n’a pas tenté de s’appuyer là-dessus pour aller vers un mouvement d’ensemble du secteur de l’Énergie. Quand dans certains secteurs au contraire, Sud à lancé l’idée d’une grève reconductible (même si c’était avec bien des limites, en particulier sans trop chercher à véritablement y gagner ni l’ensemble des salariés ni les autres organisations), les dirigeants CGT s’y sont montrés a priori hostiles. Ce qu’a confirmé Thibault dans son interview au Monde : « si des individus veulent interférer dans cette mobilisation pour la détourner ou la faire échouer, ils sauront que la CGT s’y opposera ».

Une partie au moins des militants, de ceux qui organisent les coupures de courant à travers le pays, ou encore de ceux qui devant l’expectative de leur parti ou de leur syndicat, tentent faute de mieux d’animer les comités de défense de la Sécu, attendaient sans doute autre chose de leurs directions. Mais puisque les leaders réformistes de tous bords, syndicaux comme politiques, de la CGT au PS, se refusent à développer une politique susceptible de mobiliser les salariés contre les projets gouvernementaux et patronaux, ne serait-ce pas à l’extrême gauche de tenter de la proposer ? Cette extrême gauche est faible, certes. Elle peut paraître encore affaiblie au sortir des élections européennes. Il ne faudrait pourtant pas que des résultats d’élections, auxquelles l’ensemble des travailleurs n’a pratiquement prêté aucune attention, lui servent de prétexte pour renoncer, par avance et sans avoir tenté, d’intervenir politiquement sur le terrain social.

Robert PARIS

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