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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 94, juin-juillet-août 2014

Cheminots : du ras-le-bol général au mouvement d’ensemble !

Autour de 20 000 cheminots ont défilé à Paris le 22 mai à l’appel de la CGT, de FO, de Sud, et de l’UNSA – la CFDT ayant milité contre la mobilisation. La colère couve depuis plusieurs mois dans les gares : nombre de cheminots ont fait signer des pétitions contre le manque d’effectifs dans leur service ; d’autres ont envahi les bureaux de leurs chefs trop agressifs, histoire de leur couper le sifflet ; des équipes de roulants se sont mises en grève contre des plannings altérés, parfois en cherchant à convaincre leurs collègues d’autres lignes de les rejoindre ; des commerciaux sont allés à la rencontre d’usagers pour informer de la fermeture de points de vente. Ce ne fut donc pas une surprise si plus de 10 % des travailleurs de la SNCF, au départ de toutes les gares de France, se sont retrouvés à Paris pour battre le pavé. Ce fut en tout cas une respiration appréciée que de se retrouver dans la lutte entre cheminots de toutes régions et de tous métiers. Les participants sont repartis assurés que la colère était bel et bien partagée d’un service à l’autre, d’une gare à l’autre, d’une région à l’autre. Les discussions glanées ici et là derrière les bannières syndicales se faisaient l’écho d’une envie commune, celle de construire une mobilisation large pour déjouer les attaques quotidiennes contre les conditions de travail ainsi que le projet de réforme du ferroviaire, actuellement concocté par la direction de la SNCF et le gouvernement.

Une réforme du ferroviaire en guise d’accord de compétitivité du rail [1]...

Le 17 juin prochain, le secrétaire d’État chargé des Transports compte présenter la réforme du rail à l’Assemblée nationale. En substance : les deux entreprises publiques Réseau ferré de France (entreprise de 1 500 salariés, propriétaire du réseau, qui loue les voies à la SNCF) et SNCF (150 000 salariés) seraient recombinées en trois : la première se chargerait de la maintenance du réseau, la deuxième du transport des voyageurs, et la troisième entité chapeauterait les deux premières. Les cheminots de l’actuelle SNCF seraient donc séparés en trois entreprises différentes. Le fameux « diviser pour mieux régner », avec à la clef des restructurations de services qui serviraient de prétextes à de nouvelles vagues de suppressions d’emplois (car elles ont déjà largement commencé !).

En supplément, le projet de loi ouvre une phase de négociation de trois ans entre les différents patrons du rail et les syndicats de cheminots. Cette négociation déboucherait sur une nouvelle convention collective du rail, qui se substituerait à la réglementation du travail actuelle des 150 000 cheminots de la SNCF.

La direction de la SNCF imiterait volontiers la convention collective existant déjà dans le Fret (transport de marchandises sur rail), ouvert il y a 15 ans à la concurrence : entre 10 et 15 jours annuels de repos seraient alors sucrés aux cheminots SNCF, et l’amplitude des journées pourrait s’allonger jusqu’à 14 heures. En somme, il est explicitement question de niveler les conditions de travail par le bas. C’est même tout l’enjeu de la réforme : introduire plus de flexibilité pour faire fonctionner l’entreprise malgré le manque d’effectifs chronique et les coupes déjà programmées.

Le PDG de la SNCF, Guillaume Pépy, présente d’ailleurs cette réforme comme un moyen d’éponger la dette de la SNCF en augmentant la « productivité ». Entendez, faire peser la charge de travail sur un nombre toujours plus restreint de cheminots.

Qu’ils rabotent leurs quais, pas nos emplois et nos pensions !

La direction de la SNCF n’a d’ailleurs pas attendu de proposer sa réforme pour dégager de la « productivité » sur le dos des cheminots. Son plan « Excellence 2020 », débuté en 2013, prévoit 2 500 suppressions d’emplois dans le secteur commercial et, partant, des fermetures de points de vente. Un plan de départs « volontaires » en retraite anticipée a été lancé dernièrement, alors que sous les coups des différentes réformes des retraites, l’âge de départ à taux plein a reculé. On aurait pu apprécier que la direction cherche à nous faire quitter le boulot plus tôt... si nos pensions n’en étaient pas rabotées (cf. encart ci-dessous) !

Les errements de la CGT et la mobilisation à construire...

Le 22 mai, de Bastille à Montparnasse, les discussions allaient bon train dans les cortèges syndicaux : manque d’effectifs, mutations impossibles dans certains services et multiplication des coups de pression des chefs. Et pourtant, rares étaient les slogans et les banderoles confectionnés par les manifestants eux-mêmes ; seuls les drapeaux syndicaux flottaient par milliers. Cette occasion de manifester a été saisie par tous ceux qui souhaitaient exprimer leur colère. Mais la direction de la CGT, qui comptait derrière ses camions l’écrasante majorité des troupes, n’a pas tenté de dynamiser la manifestation, de proposer des mots d’ordre combatifs. Au contraire, elle a fait taire certains qui avaient des revendications trop précises à son goût, car elle entretient encore le flou quant à la réponse à adresser au gouvernement et parle d’ores et déjà d’une « autre réforme ».

Face à l’ampleur de la manifestation, la CGT, à la suite du syndicat Sud Rail, a consenti à parler d’une grève reconductible autour de la deuxième semaine de juin, mais en y mettant bien des bémols. La centrale conditionne son appel à la grève au résultat d’une rencontre avec le gouvernement, qui aura lieu le 4 juin. Un moyen de botter en touche ? Elle laisse en tout cas des portes ouvertes pour démobiliser : au lieu de préparer les cheminots à la bagarre pour le retrait de cette réforme, elle quémande au gouvernement de redéfinir les contours d’une « autre » réforme plus « juste », que la confédération dessine à l’aide de formules bien trop vagues et générales pour que les cheminots se les approprient et les défendent dans la rue. Même si la CGT appelait à une grève reconductible en juin, elle semble d’ores et déjà se ménager des échappatoires à la lutte.

Il est bien significatif de la colère existante que, les 13 juin 2013, 12 décembre 2013 et 22 mai 2014, les cheminots aient répondu présents par la grève ou la manifestation aux appels syndicaux, et qu’ils aient tenu tête au gouvernement et à la direction de la SNCF. D’autant que tous ces rendez-vous sont l’occasion de se réunir entre collègues, et de discuter des moyens d’actions à adopter et des revendications à avancer pour l’avenir. Contre la réforme du ferroviaire certes, mais aussi et surtout – ce que cette réforme va sanctionner et élargir – contre la gangrène des suppressions de postes et des embauches de précaires ou de cheminots ne bénéficiant plus des quelques avantages du « statut ». Bref, c’est le moment de mettre en avant toutes les revendications précises, discutées par les cheminots dans tous les services et secteurs depuis des mois. C’est aujourd’hui une évidence que les directions syndicales, engagées dans des discussions complices avec le gouvernement, veulent surtout évacuer ces revendications précises.

Les pièges à éviter sont nombreux. Raison de plus pour tenir des assemblées générales, se préparer à la lutte entre collègues de différents services par le biais de comités de mobilisation par exemple, et s’adresser aux autres secteurs. Autant de pas importants qui permettront, dès les prochaines semaines, de construire la riposte d’ampleur du monde ferroviaire... et au-delà !

30 mai 2014, Alek SOZEN


Coup de rabot sur les retraites !

« Une blague ! » C’est la réaction qui semble la plus appropriée face au plan de départs « volontaires » en retraite anticipée lancé par la direction de la SNCF le 13 mai dernier. Après avoir imposé aux cheminots de travailler sept ans de plus, avec les réformes de 2007 et 2010, la SNCF leur demande désormais de partir plus tôt ! Mais les cheminots qui choisiront le repos anticipé le feront avec des pensions sabrées, puisque la prime proposée pour les pousser dehors ne compensera pas les effets de la décote.

Et le « volontariat » de la direction laisse songeur. Ce sont le sous-effectif permanent et la pression redoublée du management qui pourraient pousser plus d’un travailleur vers la sortie malgré sa sous-retraite. En clair, une sale manœuvre de plus pour abaisser les pensions des cheminots, supprimer des emplois ou même embaucher plus de jeunes sans ancienneté, qui coûtent moins cher à l’entreprise.


[1Pour plus de détails sur la réforme du ferroviaire, se reporter au dossier de Convergences révolutionnaires n°88.

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