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Brésil : la victoire de la gauche a-t-elle évité le pire ?

Avec 50,9 % des voix, Lula, le candidat de la gauche brésilienne, l’a emporté contre l’ex-président d’extrême droite, Jair Bolsonaro. À peine deux millions de voix séparent les deux candidats sur les 128 millions de votants, dans ce continent au sein d’un continent. Si l’on peut comprendre le soulagement d’une part importante de la population suite à la défaite de ce Trump tropical, sur le terrain social et politique, les solutions de la gauche n’annoncent rien de bon pour les milieux populaires.

Un géant aux pieds d’argile

Dans la mondialisation capitaliste, le Brésil est le premier exportateur de viande bovine et occupe une place prépondérante sur le marché du soja, du café et de bien d’autres aliments essentiels. Cela profite aux multinationales impérialistes, aux grands propriétaires terriens qui sont la base de Bolsonaro, tout en laissant les milieux populaires dans une misère croissante. Les inégalités sociales sont à leur comble.

Le tournant de la bourgeoisie brésilienne vers l’exportation agricole a détruit l’emploi industriel, ruiné les paysans pauvres, pillé l’Amazonie en dévastant la forêt la plus vaste du monde (dévastation dont les multinationales importatrices sont également responsables). Cette réserve végétale immense voit ses capacités à produire de l’oxygène décroître de façon dramatique. Or cet oxygène, on le respire au Brésil mais aussi ici : les conséquences de ces politiques touchent les populations du monde entier.

La gauche ultime rempart ?

Auprès des classes populaires, Lula reste auréolé de son passé de militant syndicaliste contre la dictature féroce des années 1980, prestige personnel qui a résisté aux mesures en faveur du patronat et à celles prises contre les travailleurs lorsqu’il était au pouvoir et aux scandales de corruption. Il veille d’ailleurs à maintenir une certaine distance avec le parti qu’il avait lui-même fondé, le Parti des travailleurs, qui est aujourd’hui fortement discrédité. Mais il se tient aussi à distance des syndicats et collectifs populaires de lutte, et il souligne sa proximité avec les milieux patronaux. Il s’est d’ailleurs allié, dans ces dernières élections, à un politicien de droite dont il a fait son vice-président pour rassurer les milieux d’affaires. Il a courtisé les milieux religieux, a clamé son opposition à l’avortement. Il n’est pas étonnant dès lors que la presse économique bourgeoise internationale ait salué sa victoire, signe espéré de stabilité.

Le programme de Lula ne parle pas des salaires, de la lutte contre la vie chère, de la lutte contre la violence des riches qui brise les militants de gauche et les peuples autochtones. Même si Lula conserve un grand prestige parmi les travailleurs les plus pauvres, l’abstention est restée élevée et, surtout, Bolsonaro a gagné plus de six millions de voix entre les deux tours. L’extrême droite milite avec le soutien ouvert des évangélistes sur le terrain et le soutien plus discret de secteurs importants de l’armée, en mobilisant tous ces nouveaux riches et apprentis fascistes. La gauche ne compte que sur les institutions, sans les mobilisations pour garantir ne serait-ce que la promesse de justice pour le plus grand nombre.

Où va le Brésil ?

Lula est certes président. Mais Bolsonaro a obtenu la première place au parlement et au sénat, et c’est un de ses soutiens qui est devenu gouverneur du poumon économique du Brésil, l’État de São Paulo. Le silence de Bolsonaro après sa défaite à la présidentielle laisse planer la menace d’un coup de force. Le seul atout « institutionnel » de Lula est dans le soutien que lui apporte une partie de la bourgeoisie brésilienne et, surtout, les dirigeants des grandes puissances, ce qui fait sans doute hésiter Bolsonaro. Mais cela laisse les travailleurs du Brésil sans perspectives propres, abandonnant leur sort aux mains des institutions et des dirigeants impérialistes.

Le Brésil est heureusement fort de traditions de luttes immenses du monde du travail, des paysans sans-terre. Il dispose encore aujourd’hui de milliers de militants qui pourraient rompre avec cette politique institutionnelle et reprendre le terrain des luttes et des idées révolutionnaires. Mélenchon a salué la victoire de Lula, le citant comme « un exemple à suivre ». On va y réfléchir à deux fois. Car s’il n’y a pas de mobilisations, Lula continuera d’arroser de milliards le patronat brésilien, y compris celui qui déforeste. Quant aux victimes de la famine au Brésil, elles n’obtiendront que des miettes.

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