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Allemagne : deuxième vague de l’offensive patronale !

20 octobre 2020 Article Monde

L’Allemagne était parmi les rares pays relativement épargnés par la « première vague » de la Covid. Les hôpitaux, certes dégradés aussi par les logiques de réduction de coûts, n’ont presque jamais été débordés, avec, entre autres, comme résultat un nombre de morts presque cinq fois moindre qu’en France. Si des mesures de confinements, de fermetures de lieux publics et de restrictions de déplacements ont été mises en place, un confinement « total » n’a été décrété dans aucune région (rappelons que dans la République fédérale, ce sont elles qui sont maîtresses de leur législation en la matière). Au niveau économique et dans un premier temps, le recours massif au chômage partiel, comme lors de la crise de 2008, a atténué l’impact de la crise sur la situation matérielle des travailleurs.

Mais la situation sanitaire empire

Comme partout pourtant, la situation sanitaire se dégrade à nouveau depuis la fin août. Et comme partout, aucune mesure n’a été prise pour y parer. Notamment en termes d’embauches dans les hôpitaux, puisque, si le nombre de lits s’est avéré relativement suffisant au printemps, le personnel manque partout, en lien avec des conditions de travail et de bas salaires décourageantes. Le 15 octobre, le nombre record de 6638 cas était enregistré, en reprise rapide.

Après s’être longtemps contentés d’en appeler à la responsabilité individuelle et… d’augmenter les amendes, les gouvernements régionaux ont dû resserrer les mesures sanitaires : restrictions de déplacements à partir de zones à risque, à l’étranger ou à l’intérieur ; couvre-feu nocturne (de 23 h à 6 h) dans certaines villes, dont Berlin. Une mesure interdisant l’accueil de touristes venant de régions en circulation active a été abandonnée face à la levée de boucliers des hôteliers. Le gouvernement fédéral se réserve d’imposer un confinement si d’ici dix jours, ces mesures ne parviennent pas à faire baisser la circulation du virus.

Avec répercussions sur l’emploi

Lors de la première phase de la crise, de nombreux travailleurs (jusqu’à six millions), ont bénéficié du chômage partiel. Si cela impliquait des baisses de salaire pour ceux dont les patrons ne complétaient pas les 67 % payés par l’État, et si la grogne face aux entreprises richissimes laissant les contribuables payer les salaires est restée bien palpable, de nombreux salariés ont ainsi échappé au pire. Dans l’immédiat. Car le patronat allemand s’attelle désormais à mener à bien ses projets de « restructuration », qui datent bien souvent d’avant la pandémie. Depuis septembre, les annonces de licenciements pleuvent, surtout dans la métallurgie.

En tout, 300 000 emplois seraient menacés. Sans être exhaustif : 2 000 suppressions de postes chez le sous-traitant automobile Mahle (équipementier automobile), environ 11 000 en Allemagne et en Autriche chez MAN (machines et véhicules industriels), 13 000 chez Continental, 27 000 chez Lufthansa et Airbus, 16 000 en comptant les intérimaires et sous-traitants à BMW… Chez Mercedes, sur le seul site d’Untertürkheim, 4 400 salariés seraient menacés ! Un jour après l’annonce, l’entreprise se réjouissait d’avoir renoué depuis juillet avec sa marge opérationnelle, et prévoyait un rebond du marché de l’automobile et de ses bénéfices d’ici la fin de l’année… La colère des salariés est d’autant plus grande qu’ils sont conscients qu’il s’agit d’attaques pour lesquelles la Covid n’est qu’un prétexte.

Souvent prévues depuis 2019, ces « restructurations » s’ajoutent à d’autres dans les dernières années, « tous les cinq ans la même merde », comme disait un travailleur de MAN. Des premières actions, des réunions agitées et des réactions à chaud manifestent la colère. Mais le syndicat de la métallurgie, l’IG-Metall, ne propose pour le moment que des négociations où quelques reculs sur le nombre de licenciements seront payés – cher – par des baisses de salaire et des augmentations du temps de travail. Ou bien ils proposent des « plans alternatifs » pour la transition écologique, avec des fonds financés par les cotisations des syndiqués… Mais de plan ou perspective de bagarre, il n’en est pas question ! Au printemps dernier, cette même fédération de la métallurgie avait accepté de renoncer à des augmentations de salaire, contre des promesses, notamment de maintien de l’emploi…

La colère des « héros » de la pandémie

De son côté, la fédération syndicale des services, ver.di, semble davantage sous pression des syndiqués. Les négociations de branche engagées, qui concernent 2,3 millions de salariés dans les transports en commun, les hôpitaux, les crèches, les services municipaux et autres, sont accompagnées actuellement d’une série d’actions et de débrayages, de « grèves d’avertissement » appelées par l’appareil syndical. Avec une participation sortant de l’ordinaire. La colère est grande : même pas une augmentation de salaire pour les « héros » du Covid dont certains ont du mal à payer leur loyer ! Dans le camp d’en face, c’est une campagne médiatique – bien classique mais qui peine à prendre dans la population ! – contre « l’irresponsabilité » de celles et ceux qui font grève en pleine pandémie et en prendraient d’autres en « otages ».

Au mois d’août, des « manifs corona » avaient défrayé la chronique, à l’initiative de complotistes notoires et de diverses sphères d’extrême droite. Le 29 août, certains avaient paradé sur les marches du Reichstag et réussi, en particulier avec un discours anti-masque, à capitaliser une certaine colère. La remontée du virus a rendu ces démagogues moins convaincants, mais ils n’ont certainement pas dit leur dernier mot.

Comme ailleurs, la population est moins prête qu’au printemps à se plier à un confinement qui interdirait toutes les activités, ou presque, sauf le travail.

Dima Rüger

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