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À petits pas... vers une nouvelle union de la gauche

15 juillet 2005

Une semaine après la conférence nationale des « collectifs pour le non », les 2 et 3 juillet, Jean-Luc Mélenchon réunissait son courant à Arles, avec en invités Francine Bavay, des Verts pour le non, Marie-George Buffet, pour le PCF, et Olivier Besancenot, pour la LCR. Étaient aussi présents José Bové et Jacques Nikonoff.

Si, à la conférence des collectifs pour le non, le ton général était de dire « Il ne faut pas entrer à marche forcée [sic] dans une (...) projection prématurée sur de prochaines échéances électorales », à Arles, l’objectif de Jean-Luc Mélenchon était ouvertement cette fois de convaincre tout le monde de rouler pour Fabius qui lui-même réunissait, au même moment, ses partisans près de Rouen.

Des Verts pour le non au PCF, chacun veut bien entendu d’abord trouver la meilleure façon de rouler pour lui-même. Les premiers se verraient bien derrière un José Bové ayant consenti d’être candidat à la présidentielle (lui aussi sans doute, d’ailleurs !), et Buffet a déjà annoncé, à la réunion du Conseil national de son parti, qu’il y aurait un candidat du PCF. Mélenchon, lui, essaie de mettre les pendules à l’heure : OK, tout ce que vous voulez au premier tour en 2007, mais quand viendront les choses sérieuses, pas d’autre choix que Fabius.

Olivier Besancenot a tenté de se démarquer de cette stratégie, opposant « l’alternance » représentée par Fabius à « l’alternative » que la LCR voudrait construire. Et Alain Krivine, dans le numéro de Rouge du 23 juin, expliquait : « Nos camarades du PCF vont avoir à choisir entre une coalition de toute la gauche, incluant les artisans d’une constitution libérale, et le front des forces anticapitalistes qui a commencé à émerger dans la campagne unitaire du “non”. »

Peut-on sérieusement espérer qu’une alternative fondée autour de la brochette avec qui le porte-parole de la LCR s’exhibe à la tribune depuis la campagne pour le non résistera longtemps à la tentation de reformer à un moment ou à un autre une nouvelle alliance avec le PS, quand celui-ci la proposera ? Impossible évidemment. Mélenchon a le mérite de le dire gentiment, mais non sans ironie, à ses amis. Buffet aussi qui a signifié bien clairement que le but était de reformer une nouvelle union avec les socialistes du non comme ceux du oui. Et au fond ni les dirigeants d’Attac ni ceux des Verts n’ont dit autre chose. Feindre de croire le contraire, en admettant que ce ne soit pas pour cacher des buts inavouables pour le moment, ne peut qu’aboutir à s’abuser soi-même,

Reste-t-il l’espoir qu’une partie des militants -ceux du PCF ou encore la nouvelle génération que la campagne du « non de gauche » aurait, paraît-il, fait se lever et qui se sont retrouvés au sein des « collectifs »- refuseront de suivre leurs dirigeants dans un nouvel avatar de l’union de la gauche ? Mais pour que les luttes éventuelles que mèneraient ces militants ne soient pas utilisées à entretenir une simple agitation à but électoraliste et canalisées au final dans cette seule perspective, il faudrait au préalable et dès aujourd’hui dénoncer celle-ci. Or ce n’est pas ce que fait la LCR. En particulier quand son porte-parole laisse entendre qu’elle est prête à participer à un futur gouvernement, comme il l’a fait encore à Arles. Car ce qui compte alors ce n’est pas d’énumérer les conditions qu’on mettrait à cette participation, c’est de la proposer au moment où on partage la même tribune que des ex-ministres ou futurs ministres qui eux ne cachent pas dans quelle sorte de gouvernement ils sont prêts à siéger.

Le PCF, les dirigeants d’ATTAC, les Verts, tout le monde va s’intéresser aux « nouveaux militants » qui seraient apparus dans les collectifs, les choyer, les chouchouter, feindre de s’intéresser à leurs idées et propositions. Les dirigeants du PCF en particulier ont toujours été maîtres dans l’art de faire de l’agitation sur de vrais problèmes pour ne leur offrir comme « débouché politique » que l’impasse des combinaisons électorales.

En s’affichant complaisamment aux côtés des Mélenchon ou Buffet, la LCR risque bien de contribuer à forger la chaîne d’illusions qui ira d’elle-même à la direction du PCF et de celle-ci aux dirigeants du Parti socialiste.

Le PCF comme le PS, y compris sa gauche, ont besoin de redorer leur image de partis « de gauche », porteurs d’espoirs « sociaux ». Les révolutionnaires n’ont pas à les aider mais au contraire à dénoncer les machines à fabriquer des illusions. Leur rôle est d’expliquer que ce sont les luttes qui ont toujours apporté quelque chose aux travailleurs, et non les gouvernements, les politiciens et les partis prétendument préoccupés de la « question sociale ». Leur rôle est de dire que les usagers des services publics, par exemple et puisque que c’est le sujet à la mode dans la gauche de la gauche, ne peuvent obtenir ce dont ils ont besoin en gros comme au détail -ici un bureau de poste, là le maintien d’un arrêt de train- que s’ils se mobilisent eux-mêmes. Et d’organiser ces mobilisations si l’opportunité s’en présente. C’est dans ces mobilisations qu’on peut faire alliance avec la gauche de la gauche ou même la gauche, pas sur les tribunes ou dans les conférences et les universités d’été ou d’hiver destinées à préparer des alliances électorales ou produire des discours-poudre aux yeux.

Jean-Jacques FRANQUIER

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