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À bas la sale guerre qu’ils nous préparent

28 septembre 2001

Bush a hissé symboliquement la bannière étoilée sur sa résidence de Camp David, saluant la fin du deuil officiel après les attentats. Dow Jones et Nasdaq, qui avaient chuté dix jours plus tôt, reprendraient un peu de poil de la bête (pour combien de temps ?). « L’Amérique relève la tête » a commenté la presse. Celle des profiteurs en tout cas.

Les compagnies d’assurances relèvent la tête... en relevant leurs primes de risque. Hausses qui seront répercutées sur les prix à la consommation. Mais elles ne sont pas seules : les compagnies aériennes qui s’étaient dites gravement frappées par un arrêt momentané de leurs activités et les constructeurs aéronautiques qui disaient craindre une baisse de commandes ont rassuré leurs actionnaires en annonçant quelques 100 000 licenciements. L’occasion était trop bonne de faire avaler des plans de licenciements déjà dans les cartons. En prime, le Congrès leur a accordé 17 milliards de dollars d’aide (plus de 100 milliards de francs).

Avant même que débute la guerre que promet Bush, la note commence à en être présentée au peuple américain. A un degré moindre, il en est de même ici : les assurances européennes font exploser leurs tarifs, et les ministres des finances des Quinze ont promis des aides aux compagnies aériennes, qui annoncent déjà des milliers de suppressions d’emplois ou d’embauches prévues.

Les contours de cette guerre, qui pourrait aller d’une série de bombardements et raids ponctuels à l’escalade militaire sans fin, personne ne les connaît. Le gouvernement américain en est encore à échafauder ses plans, tout en acheminant troupes et matériel. Mais les premières victimes sont désignées : la population d’Afghanistan déjà ruinée et décimée par la guerre qu’y avait menée l’URSS, puis par la guerre pour le pouvoir entre clans afghans rivaux, tous choyés et armés à un moment où à un autre par les USA. Qu’importe de savoir si Ben Laden y est encore réfugié ou si ses comptes en banque seront bloqués ou pas : ce n’est qu’un prétexte aux raids de représailles qui visent à étaler la puissance américaine dont l’attaque sur New York et Washington aurait pu faire douter. Tant pis si ce sont les plus pauvres de la planète qui vont en faire les frais.

Les USA s’efforcent, comme dans la guerre du Golfe, d’aligner tous les gouvernements derrière leur politique. C’était gagné d’avance avec les Schröder, Blair, Chirac ou Jospin. Ceux-ci y mettent parfois verbalement les formes, comme Chirac qui dit préférer à la guerre de civilisation annoncée par Bush, un « combat du monde contre le terrorisme » qui éviterait « tout amalgame entre terrorisme et monde arabo-musulman ». Car ils ont chacun leurs intérêts et leurs relations à ménager avec les gouvernements des pays arabes. Ces formules semblent suffire à l’Humanité, qui se dit pourtant anti-guerre, pour se réjouir que le sommet de Bruxelles se soit « montré raisonnablement solidaire des Américains ». Mais elles n’empêchent pas Jospin d’affirmer, après Chirac, que « la France prendra toute sa part dans ce combat déterminé contre le terrorisme ».

Quant à son ami Blair, il est déjà passé aux actes. C’est un commando spécial britannique SAS qui aurait eu le tout premier accrochage avec des militaires afghans. Vingt navires de guerre britanniques participent déjà aux premiers déploiements de forces et 23 000 militaires, en manoeuvre d’entraînement en Oman, épaulés de 14 000 soldats du sultanat, sont prêts pour les opérations. Ancienne puissance coloniale du Moyen Orient, de l’Inde et du Pakistan, la Grande Bretagne ne tient pas à laisser toute la place aux USA dans la région.

L’alignement de Poutine, qui y voit l’occasion de faire cautionner sa guerre de Tchètchènie, n’a pas non plus traîné. Et, d’après Le Monde, ce serait à partir du Tadjikistan qu’aurait opéré le commando SAS britannique en même temps que, d’après l’agence russe Interfax, des avions militaires américains, avec 200 soldats américains et du matériel de reconnaissance, faisaient escale sur un aéroport d’Ouzbékistan.

L’alignement des gouvernements des pays arabes ou plus généralement à majorité musulmane est un peu plus problématique. Il n’est pas si facile à ces diverses dictatures, qui jouent, elles aussi, de la démagogie religieuse et ont aidé les divers mouvements islamistes, de s’engager dans la croisade américaine, sans risquer la colère de leurs propres peuples.

Mais les USA ont déjà supprimé toutes les sanctions économiques et restrictions aux livraisons d’armes qu’ils avaient prises à l’encontre de certains régimes au nom des droits de l’homme ou en représailles à des essais nucléaires Ils sont prêts à renouer avec tous, y compris le régime iranien, pour peu qu’ils s’alignent sur sa croisade. Il faudra nous en souvenir quand certains de ces régimes seront peut-être présentés à nouveau demain comme terroristes ou dangereux pour la paix du monde. Les terroristes pour l’impérialisme sont ceux qui ne l’aident pas à répandre sa propre terreur. C’est tout.

Bush parle d’une guerre longue et d’un nouveau type. Longue, peut-être. D’autant qu’au-delà des frappes terroristes qu’ils préparent, les USA pourraient chercher à saisir l’occasion de modifier plus profondément à leur profit la situation dans la région en y implantant de nouvelles bases militaires, en y accroissant leur contrôle sur les divers régimes et sur leurs armées, afin de pouvoir au moins y assurer une plus grande protection de leurs intérêts, voire de prendre pied dans les républiques du sud de l’ex-URSS, riches en ressources pétrolières.

Mais cette guerre ne peut que ressembler à celles qui l’ont précédée. Mêmes si les USA et ses alliés vont encore une fois chercher à contrôler la région par dictatures locales interposées, en augmentant ainsi misère et désolation ils ne pourront qu’enflammer encore plus les colères et pourraient bien s’y enliser.

Face à ces préparatifs, refusons de nous laisser enrôler moralement ou physiquement. Refusons d’être sacrifiés sur l’autel du profit, dans une guerre contre des peuples encore plus pauvres que nous, à laquelle notre gouvernement s’apprête à apporter sa caution et sa participation.

Olivier BELIN

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