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À Bruxelles, pourquoi pas, mais pas dans les choux !

25 mars 2005

La directive Bolkestein sur la « libéralisation des services » dans l’Union Européenne, destinée à permettre aux patrons d’appliquer à un travailleur en sous-traitance dans un pays la législation sociale de son pays d’origine, a été la cible principale des dizaines de milliers de syndicalistes venus manifester à Bruxelles le samedi 19 mars. Plus curieusement, depuis une dizaine de jours, elle soulèverait aussi la réprobation de la quasi-unanimité du monde politique français.

« Très bien », s’est exclamé mardi 15 mars le président du groupe Communiste à l’Assemblée, Alain Bocquet, après l’intervention d’un député UMP, Jacques Myard, qui se félicitait que le parlement ait, « dans un élan de lucidité », « refusé la directive Bolkestein ». Ledit député en profitait, il est vrai, pour appeler à voter Non à la constitution européenne. Mais bien d’autres, prônant le Oui comme le Non, de droite comme de gauche, exprimaient leur nouvelle réticence à la directive en question, qui pour en demander le réexamen, qui l’annulation. Même Chirac l’a jugée « inacceptable ». Comme si tous ces gens-là découvraient soudain.

On comprendrait presque l’énervement de l’ancien commissaire européen Bolkestein, qui se plaint qu’associer la directive à son nom « fasse preuve de sentiments xénophobes ». Ce qui n’est pas entièrement faux, de la part d’un De Villiers, partant en guerre contre ce projet au nom de la défense du plombier français contre le plombier polonais. Mais cette directive européenne pourrait avoir d’autres noms de baptême. On pourrait l’appeler Barnier, comme l’actuel ministre français des affaires étrangères qui, lorsqu’il était commissaire européen, l’avait tout autant approuvée que son collègue hollandais Bolkestein. Elle a aussi pour parrains Jospin et Chirac, représentants de la France au sommet européen de Lisbonne, en 2000, qui avait adopté le principe d’un tel projet.

La mouche qui a piqué le monde des politiciens français, au point de les voir prendre leurs distances vis-à-vis d’un projet que sur le fond, de Fabius à Chirac, ils approuvent tous, n’est que de saison. Ce projet sert d’épouvantail aux partisans du Non au référendum. Et les partisans du Oui craignent qu’elle ne donne à l’électorat une mauvaise image de l’Europe. Jusqu’au 29 mai. Passé l’échéance, et quelle qu’en soit l’issue, la Commission européenne, à qui Chirac prêche un peu de patience, pourra se remettre à la tâche, avec l’assentiment de tous ces gens-là, pour peaufiner la nouvelle réglementation sur les services, dont la directive Bolkestein trace les grandes lignes et dont les détails se marchanderont au mieux des intérêts des diverses fractions du patronat.

Pour les travailleurs, c’est bel et bien une nouvelle attaque qui se fomente dans le domaine dit « des services ». Il s’agit de donner au patronat, et en premier lieu à celui des plus grandes entreprises, le droit de faire travailler partout en Europe dans ses usines ou ses chantiers, sous couvert de prestation de services ou de sous-traitance, une main-d’oeuvre immigrée aux salaires et conditions de travail des pays les plus pauvres d’Europe. Une pratique utilisée déjà par un certain nombre de grandes entreprises, dont des grands noms français du bâtiment, de la construction navale ou autres, qu’il s’agit d’étendre et légaliser. C’est une pression pour abaisser les salaires, les conditions de travail et les protections sociales de tous.

C’est le contraire qui s’impose. Une égalisation par le haut, et forcément par la lutte d’ensemble, des conditions de salaire et de travail des travailleurs du continent.

La riposte, les grandes organisations syndicales auraient les moyens de l’organiser. Elles viennent d’en donner à nouveau une idée, en rassemblant pour un jour à Bruxelles quelque 50000 à 60000 manifestants, venus des quatre coins de l’Europe -de Pologne, Roumanie ou Slovénie, comme d’Italie d’Allemagne ou de France ! Cela dit, ce rassemblement tenait surtout de la parade organisé à la veille d’un « sommet européen » par des chefs syndicaux soucieux de montrer qui et combien pouvaient défiler derrière leur propre panache. Et les uns et les autres de montrer leur représentativité respective. Au hit-parade, la CGT est en tête.

Mais pour en faire quoi, ensuite ?

Pour brader les espoirs et par exemple, au nom du moindre mal, accepter les licenciements à Opel ou à Perier, marchander des baisses de salaire ou l’allongement des horaires à Bosch, Siemens ou ailleurs, sous prétexte d’éviter une délocalisation ? Et ici, aujourd’hui, après cette journée du 10 mars qui a vu une mobilisation importante du monde du travail, ne pas annoncer de suite ? Pire même, laisser croire qu’un Non à un lointain référendum ou des rencontres tous azimuts avec le gouvernement à Matignon et le patronat, branche par branche, entreprise par entreprise, pourraient changer la donne ?

Les dirigeants de la CGT se félicitent de leur démonstration de force à Bruxelles. Les plus nombreux. Les plus têtus. Ils sont fiers de leurs biscotos. Il ne leur reste plus qu’à s’en servir : tout de suite et maintenant, quel programme et action ils proposent au monde du travail ?

Olivier BELIN

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