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Twist à Bamako, de Robert Guédiguian

Sortie en salle le 5 janvier 2022

28 décembre 2021 Article Culture

Robert Guédiguian nous avait habitués à filmer les classes populaires de Marseille. Cette fois il nous emmène à Bamako, au Mali, en 1962. Le pays vient tout juste de gagner son indépendance, en 1960, face à l’État colonial français. C’est le règne de Modibo Keïta. On y suit Samba et Lara, deux jeunes gens entraînés dans le tourbillon du mouvement de décolonisation.

La lutte, c’est vivant et plein de couleur

Le film souligne l’énergie émancipatrice qui traverse la population malienne pendant cette période. Et particulièrement parmi les jeunes, convaincus de pouvoir enfin changer leur vie et leur pays. Samba et ses deux coéquipiers partent exporter « la révolution » dans les villages et tentent de convaincre de la supériorité de l’économie socialiste dont se réclame le nouveau régime. Ils s’acharnent aussi à lancer des chantiers pour construire des écoles, des hôpitaux et des champs socialisés. Une fois la nuit tombée, cette jeunesse en lutte se retrouve dans des clubs pour danser le twist sur la musique de Johnny Hallyday ou des Beach Boys.

Fin de la colonisation, mais pas des classes sociales

Dans cette ambiance festive, les premiers problèmes arrivent bien vite. Face aux quelques réformes instaurant un contrôle des prix ou quelques règles en matière de droit du travail du nouvel État malien, les commerçants et bourgeois de Bamako se révoltent. Eux aussi l’ont soutenue, cette indépendance, mais dans l’espoir de récupérer les parts de marché détenues par la bourgeoisie française… Pas question de se soumettre à un contrôle de l’État ! Dans les campagnes également, la colère gronde parmi les chefs de village qui refusent la réforme agraire et s’offusquent devant les nouvelles mœurs des villes. Un de ces chefs refuse par exemple de prononcer le divorce d’une femme battue et violée par son mari. Pour lui l’amour se résume aux cinq vaches bien grasses et aux champs qu’a coûté la dot de cette femme.

« Le socialisme c’est les soviets, l’électrification et le twist »

Dans ce Mali des années 60, Guédiguian s’attarde et montre avec une grande justesse la vie et les conditions de travail des classes populaires de Bamako. Des ouvrières du textile ont les mains abîmées par les acides qu’elles manipulent ; des ouvriers agricoles décortiquent les fruits. Il y a des files d’attente devant les commerces. La caméra souligne une certaine passivité de cette classe ouvrière qui semble ne pas intervenir elle-même sur la scène politique. Et quand Samba paraphrase Lénine avec cette formule : « le socialisme, c’est les soviets, l’électrification et le twist », on comprend qu’on est bien loin du socialisme. De soviets, il n’y a pas. En leur absence et sans mobilisation, bien des problèmes sont insolubles. Le « socialisme » malien de l’époque ne dépasse d’ailleurs pas ce qu’on appelait alors le « non-alignement », soit une prise de distance au demeurant assez sage à l’égard des puissances impérialistes… même si cette attitude a été bien mal tolérée par ces dernières. Tout « socialiste » que le jeune État se soit étiqueté, un tournant réactionnaire s’est vite opéré, suivi d’un coup d’État militaire en 1968.

En tout cas, un film aux couleurs chaudes, qui suscite discussion et réflexion politiques. D’une belle qualité de réalisation aussi. On a aimé ce 23e long métrage de Robert Guédiguian.

Michel Marteron

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