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Tunisie : lycéens en prison après une manifestation pour des conditions d’études et d’avenir dignes

1er novembre 2022 Article Monde

Depuis plusieurs jours, le hashtag #free_louled (« libérez les enfants ») circule sur les réseaux sociaux dénonçant l’arrestation le 21 octobre de cinq jeunes du lycée Cité Amal à Fouchana (agglomération de Tunis) pour « émeute » à la suite d’une manifestation lycéenne dénonçant les conditions d’accueil et d’études déplorables dans leur établissement. Dès la mi-septembre, plusieurs lycéens avaient demandé à la direction de l’établissement la fermeture et la rénovation de certaines salles de cours dont l’état mettait en danger la sécurité des élèves et du personnel, notamment avec la menace d’un effondrement du toit.

Devant la fin de non-recevoir de la direction, le 18 et 19 octobre les lycéens refusent de rentrer en cours et débutent un mouvement de protestation et des sit-in devant l’établissement, violemment réprimés par la police. Dans un cri de détresse sur les ondes de la radio IFM, la mère d’un des lycéens appelle le Président à intervenir directement, certaines organisations comme la Ligue tunisienne des droits de l’homme ou l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) annoncent quant à elles tenir une conférence prochainement… Les lycéens ont continué sans attendre personne les protestations réclamant la libération de leurs camarades, qui ont été relâchés de la prison civile de Mornaguia depuis.

En Tunisie, les tensions et la colère s’accumulent depuis la mi-septembre dans la jeunesse, à l’image des émeutes dans les quartiers populaires de Tunis qui ont débuté le 14 octobre dernier à l’annonce de la mort de Malek Sellimi, âgé de 24 ans, décédé après deux mois de coma où l’avaient plongé les coups de la police. D’autant que la situation économique et sociale continue de s’aggraver : en septembre l’inflation a atteint 9,1 %, les pénuries d’essence ou les pénuries alimentaires à répétition attisent la colère. Aujourd’hui, trouver des denrées élémentaires comme le sucre, le café, le riz, l’eau minérale en bouteille ou encore le lait est un défi du quotidien.

Le 15 octobre dernier, comme tous les samedis depuis presque un an, une manifestation à l’appel du Front de salut national et des islamistes d’Ennahdha a réuni environ 1 500 personnes pour protester contre la situation en Tunisie. D’un autre côté, se multiplient des émeutes et manifestations spontanées ou à l’appel de formations politiques anti-islamistes. Si elles réunissent moins de monde, mais plus de jeunes, elles montrent que la colère face à la situation s’étend largement dans la population et particulièrement la jeunesse qui ne croit plus à l’argument du président Kaïs Saïed que les difficultés ne sont qu’une « situation passagère ».

Avec une jeunesse sans perspectives, privée de conditions d’étude et de vie dignes, influencée par les réseaux sociaux, les « harragas » (brûleurs de frontières, ceux qui choisissent de partir) se transforment en influenceurs : les traversées, l’immigration clandestine prennent de l’ampleur et deviennent un projet collectif. Certaines familles sont désormais prêtes à payer pour faire embarquer leurs enfants, même en bas âge… comme l’illustre l’histoire d’une enfant de quatre ans arrivée seule sur les côtes de Lampedusa (Italie) le 23 octobre.

Ignorée et méprisée, la jeunesse s’est largement abstenue lors du référendum de cet été ; à moins de deux mois des législatives, elle ne semble toujours pas intéressée par le chemin des voies électorales ; sur TikTok se multiplient les vidéos de violences policières ou de manifestations, illustrées par des chansons faisant référence au Hirak algérien [1] ou des rappeurs mettant en lumière l’indignation sociale face à la pauvreté. S’il est vrai que les réseaux sociaux avaient joué un rôle dans la révolution de 2011, c’est bien en reprenant le chemin de la rue et donc IRL (« dans la vraie vie ») qu’il faudra que la jeunesse se fasse entendre.

Nora Debs


[1 Raja Meziane - Doña Victoria

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