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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 20, mars-avril 2002 > Cinq ans de gauche plurielle

Triste passé, sombre avenir

1er avril 2002 Convergences Politique

Ces élections du printemps 2002 vont-elles sonner le glas de la gauche plurielle ? Plus on approche et plus les deux principaux partenaires du PS au sein de cette gauche se font amers.

Robert Hue durcit le ton chaque jour un peu plus. Accusant le PS de « dérive droitière », il se dit « préoccupé de voir qu’au sein du PS et du gouvernement, de nombreux responsables plaident pour toujours plus de dogmes libéraux ». Interrogé par des journalistes sur la volonté des dirigeants socialistes de privatiser EDF et GDF, il répond qu’ils « disent la même chose qu’Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy ». Même la main que le PS continue à lui tendre le laisse froid : « On a besoin de deux pieds pour constituer la majorité plurielle mais à condition que l’autre pied soit affaibli, à condition qu’il se taise, qu’il se range et qu’il s’aligne sur la position des socialistes,… ». Dans ces conditions on pourrait comprendre évidemment que la participation à un nouveau gouvernement de gauche ne soit pas certaine, puisque « les communistes ne peuvent pas envisager de participer ou de soutenir une politique à la Blair ».

Mais les Verts et Noël Mamère ne sont pas en reste. Yves Frémion, un de leurs leaders, n’estimait-il pas lui aussi que la participation gouvernementale a été pour son parti « une période de compromis, de concessions et de mollesse » ?

Masochistes ou aveugles, les Verts et le PCF ?

Car il est étonnant que des gens, de qui le PS exigeait d’être « mous » ou « de se taire », aient pu le soutenir sans broncher pendant 5 ans ! Cinq ans pendant lesquels aucun député vert ou PCF n’a jamais menacé par son vote la majorité parlementaire, ni aucun ministre ni vert ni PC n’a claqué la porte. La seule exception fut la démission de Chevènement en août 2000. C’était après plus de trois ans au gouvernement, et chacun a compris que la Corse n’était qu’un prétexte pour prendre le large suffisamment à l’avance et préparer sa candidature à l’élection présidentielle.

La fonction de la Gauche plurielle

Jospin n’avait pas seulement besoin de l’appoint des députés verts et PCF pour une question d’arithmétique parlementaire et s’assurer une majorité au Palais-Bourbon. Les deux partis avaient un rôle politique, chacun à sa place et chacun vis-à-vis de la fraction des électeurs qui avaient pu mettre quelques espoirs en eux : leur donner l’illusion qu’ils étaient représentés au gouvernement, les faire patienter et les lanterner, ou décourager ceux qui pouvaient prendre conscience qu’une nouvelle fois ils étaient cocus.

Contestataires, voire turbulents, mais jamais mauvais élèves… les Verts ont passé haut la main l’examen des responsabilités gouvernementales. Sur les dossiers environnementaux, sur le nucléaire, sur la chasse, ils ont avalisé les décisions socialistes. Le seul moment où ils se sont faits menaçants, après leur bon score aux élections européennes de 1999, ce fut pour réclamer davantage de postes ministériels. Il a suffi pour les calmer que Jospin leur accorde royalement un poste supplémentaire de secrétaire d’Etat à l’économie solidaire, dont personne n’a encore compris à quoi cela pouvait bien servir.

Et il n’en a pas été différemment du PCF. Juste avant la formation du gouvernement Jospin en 1997, Robert Hue avait déclaré qu’il n’était pas question « de refaire ce qui avait échoué en 1981 ». Certains ont cru alors qu’il menaçait le PS. Il fallait en fait comprendre, comme lui-même le confirmait quelques semaines plus tard, que « la participation des communistes au gouvernement, c’est pour longtemps ». Et longtemps, il le sera resté, jusqu’au bout même, sans faillir et en avalant toutes les couleuvres.

En 1997, au contraire de 1981, les illusions dans la capacité du Parti socialiste à « changer la vie » avaient pratiquement disparu. Au PC revenait donc de se présenter comme la seule force vraiment réformiste. Même sérieusement affaibli, il pouvait prétendre, grâce à sa présence au gouvernement, faire écho aux mécontentements des couches populaires, faire croire qu’on allait les prendre en compte.

Lors du XXXe Congrès du PC en 2000, Robert Hue résuma cela par la formule « un pied dans le mouvement populaire et un pied au gouvernement ». Et concrètement, à plusieurs reprises, le PC s’est bien retrouvé dans la rue aux côtés de travailleurs pour dire une chose, et voter ou avaliser le contraire quelques jours plus tard : la loi Aubry sur les « 35 heures » quatre jours après la manifestation du 16 octobre 1999 ; la loi Guigou « de modernisation sociale » après les manifestations de Calais du 22 mai 2001 et de Paris du 9 juin 2001. Le groupe PC à l’Assemblée a voté toutes les lois de finance et les budgets annuels qui restreignaient les dépenses publiques, mais faisaient la part belle aux subventions au patronat. Et il ne s’est jamais abstenu (budgets de la Sécurité sociale qui ont poursuivi les réductions de dépenses de santé inaugurées sous Juppé, ou lois Chevènement qui ont maintenu celles de Pasqua sur la double peine et la non-régularisation automatique des sans-papiers) ou plus rarement n’a voté contre un projet de loi du PS que lorsqu’il était bien assuré que le gouvernement allait trouver ailleurs les soutiens nécessaires.

Jospin va-t-il remettre le couvert ?

Le positionnement « au centre » de Lionel Jospin depuis son entrée en campagne ne signifie donc pas que la gauche « plurielle » a vécu. Pas plus que l’affirmation que son « projet n’est pas socialiste ». Il ne s’agit pour lui que de ratisser large, y compris sur les terres de Chirac. Accessoirement il montre aussi le peu de cas qu’il fait des électeurs socialistes dont il se croit sans doute assuré du vote (à tort, espérons-le).

Avec qui gouvernera-t-il s’il est élu ? Certes une alliance au centre, avec le renfort des chevènementistes, ne peut être exclue a priori. L’allure du prochain gouvernement dépendra d’abord du nombre de députés qu’auront obtenu les différents partis et des possibles combinaisons pouvant former une majorité.

Mais tout indique que le PS et Jospin n’oublient pas que s’ils sortent vainqueurs des prochaines élections, ils auront encore et toujours à se protéger et à combattre sur leur gauche. L’attitude de grands seigneurs légèrement amusés qu’ils prennent, le temps d’une élection, devant les attaques et les critiques de Mamère ou de Hue s’explique d’abord par le peu de cas qu’à juste raison ils en font. Mais aussi parce qu’ils savent que demain ils auront besoin d’eux à nouveau et que leur intérêt bien compris est de les empêcher de se déconsidérer et s’affaiblir encore plus. D’où, par exemple, les accords pour laisser aux Verts un nombre de circonscriptions qui leur permettent d’exister sinon dans le pays du moins au parlement.

D’où l’inquiétude visible du PS devant le possible effondrement électoral du PCF (surtout au profit d’Arlette Laguiller) et sa mansuétude devant les écarts de langage de Robert Hue.

Robert Hue n’a-t-il pas d’ores et déjà assuré qu’il « ferait tout pour battre un candidat de droite » au deuxième tour ? Les Verts n’ont-ils pas déjà pris date par la bouche de Dominique Voynet assurant qu’ils sont « ancrés au cœur de la gauche ». Le scénario « gauche plurielle II » est déjà écrit. Les contours du futur gouvernement qui lancera les prochains chantiers anti-ouvriers (les retraites en premier lieu) déjà dessinés. La seule inconnue pour le PS c’est le nombre d’électeurs et de travailleurs qui ont déjà vu le film et qui n’ont pas envie de se redéplacer.

Le 15 mars 2002, Marie DARWEN

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