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TCL (Transports en commun lyonnais) : un premier round qui en appelle d’autres !

14 septembre 2021 Article Entreprises

Quatre heures du matin. Les conducteurs en grève du dépôt de bus de Perrache se regroupent. Ils sont une trentaine, mais sur le dépôt, on compte entre 70 et 80 grévistes. « Et plus de 110 à Vaise ! », un autre dépôt. Pas mal pour une première journée ! D’autant que cela fait longtemps qu’il n’y en avait pas eu une comme ça, venant de la base.

Quatre coups de feu tirés le 1er septembre sur un conducteur ont été l’élément déclencheur de la grève. Heureusement, il n’est pas blessé, mais ras-le-bol des violences contre les conducteurs ! Alors, contre les fous de ce genre, il n’y a pas grand-chose à faire. Mais pour la multitude d’agressions qui pèsent sur le quotidien, c’est autre chose. Avec trop peu de conducteurs, les plannings de la direction planifient surtout le retard et la surcharge des bus… et donc le stress des passagers qui n’arrange pas les choses bien au contraire !

La chasse aux temps

Sur telle ligne, il y a systématiquement dix minutes de retard la nuit, et seulement cinq minutes pour se « retourner », c’est-à-dire faire la transition entre la fin de la ligne et son recommencement. Le conducteur a donc le choix entre prendre une pause en risquant de tomber sur des passagers agacés ou de cavaler après la montre, avec les risques que cela comporte. Telle autre ligne est en « horaires vacances » depuis début septembre. Les bus sont moins fréquents et le temps pour parcourir la ligne, donc le temps payé au conducteur, plus resserré. Mesquinerie de Keolis qui s’en prend ainsi au salaire, tout en mettant les conducteurs en retard permanent.

Keolis cherche à gratter toutes les minutes qu’elle doit payer. À la Croix-Rousse, le retournement est de trois minutes, mais il en faut bien cinq pour passer tous les feux rouges. Ailleurs, il faut 35 minutes à une voiture pour faire ce qu’un bus doit parcourir en 29 !

Keolis est en revanche très généreux avec le temps de ses conducteurs. Les services « mixtes », en deux fois ou plus, se multiplient, avec des 12, 13 voire 13 heures 30 d’amplitude. Entre chaque période de circulation, des « coupures » à passer au dépôt, dans une salle de repos avec seulement deux canapés. Les coupures ne sont pas payées mais « compensées », et la boîte se charge toujours de les compenser au minimum. Pour ceux qui font des services en une fois, les pauses de plus de trente minutes deviennent monnaie courante. Car jusqu’à la trentième minute, la pause est payante pour le patron. Au-delà, elle devient gratuite.

La chasse aux salaires

Aux TCL comme sur d’autres réseaux de transport, le sous-effectif est permanent. Pas étonnant que les patrons « n’arrivent pas à recruter », vu l’organisation du travail et sa rémunération ! Leur dernière trouvaille s’appelle Hastus. C’est un logiciel qui fait disparaitre les heures supplémentaires, en lissant le temps de travail sur un cycle de douze semaines. Ceux qui dépannaient, qui s’ajoutaient des services pour gagner un peu plus se retrouvent au salaire de base. Et, pour que le lissage se fasse, les roulements sont chamboulés du jour au lendemain, entravant sur l’organisation de la vie privée.

Tout cela fait ressortir la faiblesse du taux horaire. En 2020, comme dans d’autres entreprises de transport public, les négociations annuelles obligatoires ont affiché 0 % d’augmentation. Les directions pleurent sur leurs pertes, mais entre le chômage partiel – pas pour tout le monde, certains conducteurs ont continué à rouler – et l’essence économisée, il y a de quoi s’interroger.

Dans le même bateau que le reste des conducteurs

C’est tout cela que cette grève exprime. Il y a aussi des craintes face au futur allotissement. Comme ailleurs, les conditions dans lesquelles une entreprise gère le réseau sont redéfinies régulièrement. À chaque nouvel appel d’offres, les trois gros poissons du secteur – Keolis, RATP et Transdev – essaient de remporter le marché en faisant la différence sur la manière dont ils vont exploiter les travailleurs – salaires, horaires, etc.

Il se pourrait qu’à Lyon, le réseau soit prochainement saucissonné entre différents lots que se partageraient les trois gros. Mais ce qui fait particulièrement peur, c’est que des petites boites comme Berthelet ou Planche, une filiale de Keolis, où ont commencé à rouler dans des conditions moins favorables bon nombre de conducteurs aujourd’hui aux TCL, gagnent des bouts du réseau. Ce serait alors un aspect de l’attaque des patrons du transport contre les salariés : mettre en concurrence les uns et les autres pour tout revoir à la baisse.

Et dans le cas où l’allotissement ne se ferait pas et où Keolis remporterait de nouveau le marché, rien ne serait pour autant sauvé. En Seine-et-Marne, Transdev a gagné un réseau qu’il exploitait déjà mais en a profité pour raboter de partout. Les conducteurs ont décidé de réagir par la grève.

La grève à la base bouscule le « dialogue social »

Retour à Lyon. Huit heures du matin. Les grévistes de Perrache rejoignent ceux de Vaise. Il y en a aussi de la Soie, un dépôt à l’est de la métropole. Plus de cent grévistes de différents dépôts échangent. D’ailleurs, certains ont entendu parler de la grève à Transdev.

Les grévistes ne sont pas seuls. Des chefs de Keolis sont descendus de leur bureau. Sont-ils surpris de ce mouvement inattendu ? En tout cas, ils discutent. Depuis deux semaines, ils discutent beaucoup. Les réunions s’empilent, encore une lundi après-midi, juste après la grève. La direction cherche des gens avec qui négocier, pour étouffer la colère. Mais c’est l’expression de cette colère à la base qui rebat les cartes et qui pourrait la contraindre à céder !

Pendant que les uns discutent, les autres s’organisent. Beaucoup de grévistes sont fiers d’avoir lancé un mouvement à la base et veulent que cela continue. Dans les discussions, le mot passe : vite, une prochaine date ! La semaine prochaine ? Lundi 20, pour avoir le temps de mettre dans le coup d’autres dépôts, ainsi que le tram et le métro. Ça chauffe sur les boucles WhatsApp de conducteurs. Chacun y va de son idée. La semaine risque d’être chargée ! On se donne rendez-vous au siège de Keolis Lyon, le B12, dans une semaine.

Correspondant

(Une version courte de cet article est parue dans l’Anticapitaliste no 582)

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