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Sur un piquet de Transdev, lundi 27 septembre 2021

29 septembre 2021 Article Entreprises

Semaine 4, J1 : la quatrième semaine démarre fort

« Il y a du monde sur les trottoirs aujourd’hui ! – Oui, il y a carrément des bouchons de piétons ! » Si à l’entrée de la quatrième semaine, ça chambre aussi sec, c’est que le moral est toujours là. Les grévistes se permettent de plaisanter sur ceux qui sont leurs habituels usagers, parce qu’ils sont allés à leur rencontre le samedi précédent. « C’était top ! De très bonnes réactions de leur part. Ils nous soutiennent énormément et même certains vont nous rejoindre au rassemblement de lundi matin », commente un gréviste. Un autre est toujours gonflé à bloc : « J’étais dans mon lit, à 4 heures du matin j’écoutais en dansant ‘‘pas contents, pas contents !’’ », la chanson qui avait enflammé le dancefloor du siège de la région, jeudi dernier. « Quand on faisait la chenille en bas de leurs fenêtres, ils nous regardaient et ils devaient se dire : ‘‘mais ils ne sont pas démoralisés du tout !’’ »

Les raisons de la colère sont toujours là. « Pour la prime ils se sont trompés alors ? – Mais oui ! Ils sanctionnent pour cinq minutes de retard un ancien qui se lève à trois heures du matin, mais ils ne sont pas dans les clous pour les papiers ! Il n’y a rien de sérieux dans ce qu’ils font ! – La dernière fois je leur fais remarquer qu’il y a un truc qui ne va pas dans un service. Le gars me répond : ‘‘Ah oui, je n’y avais pas pensé.’’ Mais c’est votre job les gars ! Le problème c’est qu’ils ne connaissent même pas le réseau, ils font tout sur papier ! »

Rencontre ou coordination ?

Ce lundi, une « rencontre transports » est prévue à 10 heures sur une place de Melun. Les grévistes descendent du piquet en voiture, dans un cortège de klaxons. À l’heure dite, la place est déjà à moitié remplie, entre deux et trois cents personnes y passeront. La sonorisation est assurée par un gréviste, DJ à ses heures, qui assure habituellement l’ambiance sur le piquet de Vaux-le-Pénil, et qui prête son micro. C’est un gréviste de Lagny qui prend le premier la parole : « Je n’ai pas l’habitude de parler en public… Mais il me semble que ce serait bien si des grévistes parlaient de leur grève. » Des grévistes de Bailly-Romainvilliers et de Vulaines sont venus, de Lieusaint, et Combs, et Cesson bien sûr. De Montereau et Chelles aussi on est venu, et de Villepinte également, même si aujourd’hui il n’y a pas encore grève là-bas. Quelques grévistes parlent de l’unité de la grève, qu’il faut réussir à consolider pour bousculer les plans des patrons. D’autres grévistes à l’autre bout de la place tirent des feux d’artifice, couvrant les paroles de leurs collègues.

Puis un cheminot prend la parole : « Il ne faut pas qu’aujourd’hui ce soit un meeting syndical. La parole aux grévistes ! » Pourtant, ce sont ensuite surtout des syndicalistes, de la RATP, de la SNCF, de Keolis et d’ailleurs, qui prennent la parole. Ces prises de parole ont du bon : elles montrent qu’il existe chez certains travailleurs du transport la conscience que leur combat à tous est au fond le même. Qu’ils se soient déplacés pour soutenir la grève de Transdev en est un signe. Plusieurs intervenants appellent les grévistes à la manifestation du 5 octobre, et à ce qu’un cortège des grévistes et travailleurs du transport s’organise. Mais le 5, c’est encore loin… Et c’est le côté un peu décevant de cette succession d’interventions. Alors que c’est la première fois qu’autant de grévistes de différents dépôts sont réunis, il y a sans doute plus urgent que d’écouter des messages de soutien. Il faudrait s’organiser, voter des revendications, prévoir de nouveaux rendez-vous. Dans la grève, chaque heure compte. Et les quelques grévistes qui sont intervenus pour défendre l’idée qu’il ne faut pas se laisser faire dépôt par dépôt par les patrons savent que l’heure est à la coordination entre les dépôts en grève. Car ce n’est qu’en frappant ensemble sur le clou des mêmes revendications qu’on pourra le faire entrer dans la tête des patrons.

Une occasion manquée…

Mais justement, des négociations avec un médiateur sont prévues pour Lieusaint cet après-midi. Une gréviste de là-bas a fait une proposition à l’assemblée : qu’un ou plusieurs grévistes de chaque dépôt accompagnent les délégués de Lieusaint dans la négociation. Ce serait imposer aux patrons une table de négociations élargie, pour faire sentir la force de la grève ! Et si jamais ils ne veulent pas négocier dans ces conditions ? Alors pas de négociations ! Reprenant l’idée de cette proposition, les élus des différents syndicats se rassemblent à la terrasse d’un café. Ils parlent sous le contrôle des grévistes qui les entourent et qui ne se privent pas d’intervenir dans la discussion. C’est décidé : il n’y aura plus de négociations séparées.

L’entretien avec le médiateur doit avoir lieu en « terrain neutre », comprendre loin d’un piquet où des grévistes pourraient faire irruption. Conformément à ce qui venait d’être décidé, certains grévistes se rendent quand même à la « cité administrative ». Mais à l’heure dite, la direction refuse de laisser entrer d’autres personnes que les délégués « officiels »… qui entrent négocier. Ils en ressortiront quelques heures plus tard, sans rien de bien concret. Un peu de temps perdu, et une occasion de faire une démonstration de force devant les patrons !

… dix à construire !

Mais la véritable démonstration de force était déjà dans le rassemblement du matin, et le tout début d’organisation de la grève par les grévistes. Des grévistes de dépôts éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres se sont vus et ont discuté. Certains ont trouvé qu’il aurait fallu plus d’action. Une grande rue bloquée, ou une mairie envahie, c’est sûr que c’est plus visible que des numéros échangés. Mais pour l’organisation de la grève, c’est sans doute moins efficace. Peut-être que les deux auraient été possibles ! Il faudra l’organiser pour la prochaine fois. Mais le sentiment général est celui d’une réussite. « Marne-la-Vallée, Vulaine, etc. sont venus, alors qu’ils n’étaient pas dans la grève avant. Il faut que ça bouge encore, que chaque jour quasiment de nouveaux dépôts rentrent dans la grève ! Si c’est ça, ça va s’enflammer. » « Mais est-ce qu’on aura le temps d’attendre ? », avance un gréviste. « Nous ça fait déjà quatre semaines de grève ! » Ce qui est sûr, c’est que le mouvement lancé par ces grévistes de la première heure n’est pas près de s’éteindre : le flambeau va se transmettre, à commencer par exemple par Chelles le 6 octobre.

« C’était bien aujourd’hui, il faut faire l’effort pour les jours qui viennent, pour organiser la semaine. Quand je vois les jeunes qui organisent des grosses soirées juste avec des textos… je me dis qu’on peut le faire aussi ! Il faut qu’on se téléphone. » « Il y avait quelque chose ce matin. Mais on aurait peut-être pu être plus organisés. On n’est pas des patrons, on n’a pas l’habitude de s’organiser. Mais il faut qu’on y arrive, on peut y arriver. C’est dans notre intérêt, et avec l’émotion, les gens se dépassent. »

Oui, beaucoup se sont révélés dans cette grève, qui n’imaginaient pas être capables de résister collectivement aux patrons, de s’organiser, de prendre les choses en main. Certains ont même du mal à lâcher prise : « Même en dormant je parle de la grève ! » C’est dire les beaux jours qu’elle a devant elle.

Simon Vries

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