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Réfugiés et migrants, doublement victimes de la crise du Covid-19

27 avril 2020 Article Monde

(Crédit photo : photothèque rouge/JMB. Manifestation à Paris, décembre 2018.)

La crise sanitaire actuelle a amplifié la question de la fermeture des frontières et des déplacements de population à l’échelle internationale. Cela s’est fait de manière totalement contradictoire, puisque la volonté d’isolement national a bien souvent engendré des déplacements de population très importants à l’échelle mondiale.

La situation de confinement de 4,5 milliards d’êtres humains dans 110 pays du monde a été précédée d’une autre étape, d’une ampleur inédite, lorsque des millions de personnes à travers le monde ont cherché à regagner leur pays, soit par leurs propres moyens, soit lors d’opérations de rapatriement, soit… à leur corps défendant, par des expulsions. Si 500 000 Européens ont été rapatriés à leur demande, d’après la Commission européenne, il en va tout autrement pour les Afghans expulsés d’Iran, les Éthiopiens expulsés d’Arabie saoudite ou les Mexicains et Centraméricains expulsés des États-Unis.

Le virus ne connaît pourtant pas les frontières

Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CERI-Sciences Po et spécialiste des migrations internationales, qui a étudié ce phénomène, en souligne dans un article du Monde (17/04/2020) l’importance historique, et se dit particulièrement inquiète quant au sort des migrants, « ceux qui fuient déjà une crise ». Au moment où les frontières se ferment, les migrants sont à la fois victimes de la crise sanitaire, face à laquelle ils sont particulièrement démunis, et du rejet dont ils font l’objet, de la part des pays qu’ils traversent et de ceux où ils souhaiteraient se rendre.

La crise du Covid-19 a pourtant démontré dans les faits que la fermeture des frontières ne constituait pas un frein à sa propagation : les États-Unis ont très rapidement décidé de fermer leurs frontières, notamment vis-à-vis des Européens (pour une fois en situation de se sentir « indésirables »). Le virus a pourtant continué de se propager de plus belle sur le territoire américain.

L’Europe des barbelés

En Europe, les États instrumentalisent la crise sanitaire pour refuser les migrants, ce qui crée une situation d’urgence absolue pour des milliers de personnes hors des frontières de l’Union européenne. Les camps de réfugiés sur les îles grecques sont surpeuplés, 40 000 personnes y sont détenues, dont 20 000 pour la seule île de Lesbos, dans un camp prévu pour accueillir 3 000 personnes… La circulation du virus commence à être très active et les premières évacuations vers des hôtels vacants commencent seulement à s’organiser, après des semaines d’une situation extrêmement dangereuse.

Quant au secours en mer, il est quasiment à l’arrêt, en raison de la fermeture des ports européens. Il y a sans doute un peu moins de départs en raison de la crise actuelle, mais il y en a tout de même beaucoup, alors que seuls deux bateaux humanitaires continuent actuellement à mener des opérations de sauvetage en Méditerranée, mais ils ne peuvent débarquer les naufragés secourus. Des embarcations sont portées disparues dans l’indifférence générale, et les navires de Frontex (l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) patrouillent volontairement dans les parties de la Méditerranée où les migrants ne sont pas, pour éviter d’avoir à les secourir, selon Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), invité d’une émission sur RFI le 22 avril dernier.

En France, les demandeurs d’asile laissés à l’abandon

Pour les réfugiés qui ont atteint l’Europe, la situation est également critique. En France, les dépôts de demande d’asile avaient été suspendus avec le confinement, laissant les demandeurs dans l’abandon le plus total. À la demande d’associations, le tribunal administratif a ordonné, pour la région Île-de-France, aux préfectures et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) « de reprendre l’enregistrement des demandes d’asile afin de mettre un terme à l’atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile », sous peine d’astreinte de 3 000 euros par jour de retard. Restent tous ceux qui sont d’ores et déjà déboutés du droit d’asile, et qui craignent encore plus de sortir qu’avant l’épidémie, au moment où les contrôles policiers relatifs au respect du confinement se multiplient. Leurs conditions de logement les exposent particulièrement au virus, dans des bidonvilles, des squats ou des foyers surpeuplés.

Le démantèlement des campements

En région parisienne, la police continue à démanteler des campements en détruisant les tentes, sans qu’aucune mise à l’abri soit proposée et en disant seulement aux migrants d’aller « ailleurs ». Dans le Nord, entre Calais et Grande-Synthe, des milliers de personnes sont encore présentes dans les campements sur le littoral. Parmi elles, certaines ont été confinées dans des hôtels ou des centres de vacances, mais selon les associations, deux tiers des réfugiés restent sur le littoral pour tenter la traversée vers la Grande-Bretagne. Les conditions météo rendent la traversée moins dangereuse, dans le détroit du Pas-de-Calais, depuis que les tempêtes hivernales ont cessé. Mille réfugiés ont ainsi été récupérés à bord de petits bateaux depuis début mars, plus de deux fois plus que l’année dernière à la même époque.

Dans les « centres de rétention »

150 à 200 personnes restent détenues dans les centres de rétention administrative (CRA), en toute illégalité : un étranger n’ayant commis aucune infraction ne peut être retenu qu’en vue d’une expulsion. Or c’est actuellement impossible, puisque nul ne sait quand le trafic aérien pourra reprendre. Le Conseil d’État et les préfectures ont refusé la fermeture des CRA et les personnes retenues continuent à y vivre dans la promiscuité et sans aucune protection face au Covid. À Vincennes, plusieurs cas ont été détectés, et le tribunal administratif a ordonné le 15 avril dernier que plus personne n’y soit placé dans les 14 jours suivants. Au Mesnil-Amelot, près de Roissy, une révolte a eu lieu le week-end de Pâques, pour dénoncer les conditions de détention. Elle a été violemment réprimée à coups de matraque et de gaz lacrymos, les porte-paroles du mouvement de protestation ont été transférés ailleurs pour les isoler.

Les États européens, dont la France, poursuivent leur politique criminelle vis-à-vis des migrants, dans une situation que la crise sanitaire actuelle rend encore plus dramatique. La xénophobie d’État, elle, n’est jamais confinée.

Lydie Grimal

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